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Chapitre 1 Stratégie de modernisation

1.2.1 Communique-t-on mieux avec les SI ?

En tout cas l’idée de rapprochement entre acteurs est centrale, dans le sens où l’objectif principal de la modernisation ou bien de la rationalisation est de permettre le décloisonnement des différents acteurs du système de santé, de mieux coordonner l’action des professionnels de santé, mieux coordonner l’action hospitalisée et l’action ambulatoire, mieux favoriser les parcours de soins, rendre le parcours beaucoup plus fluide ( les parcours de ville). Ainsi donc la communication occupe un rôle central dans cette volonté de rapprocher non seulement l’activité de soins mais aussi les hommes de santé.

Dans ce sens, des orientations en Sciences de l’Information et de la Communication pour approcher les SI ont été bien précisées par Brigitte Guyot et Michel Durampart qui mettent en lumière ceci :

« Les Sciences de l’information et de la communication, lorsqu’elles étudient les systèmes d’information (S.I.), se situent nécessairement dans une posture interdisciplinaire tout en affirmant une spécificité. Il n’est jamais évident de traduire cette particularité qui entend aussi bien un SI comme un outil informatisé que non informatisé, à la conjonction du local et

du global, entre coopération au travail à partir d’un support ou de la traduction d’une activité qui identifie des acteurs et des relations à l’information » (Guyot et Durampart,

2008).

Ils mettent en évidence que l’articulation entre ces deux pensées, c’est-à-dire l’idée de considérer à la fois les SI comme un outil informatisé et non-informatisé, suppose d’inscrire les SI dans une démarche d’échange qui associe les différents espaces (technique, économique, politique social ; etc) qui fondent les SI. Dans le domaine de la santé où l’appropriation des SI est spécifique (l’articulation entre le domaine administratif et le domaine clinique), cette notion d’association d’espaces est centrale car les espaces y sont multiples.

Pour savoir si nous communiquons mieux avec les SI, prenons l’exemple des soins à domicile qui se développent de plus en plus dans les activités médicales. En effet, cette pratique met au centre le patient et son propre milieu et implique la nécessité de repenser la relation entre le soignant et le soigné. Il convient de regarder en tant que chercheur ces moments de la consultation médicale sous l’angle de la relation sociale entre le soignant et le soigné. Dans cette situation, on fait intervenir donc la dimension non informatisé des SI, qui se manifeste dans un espace de communication entre le soignant et le soigné.

Rappelons que dans les pratiques de soins à domiciles, le soignant intervient avec plusieurs outils (ordinateur, trousse, etc) dans le domicile du patient. Cette manière de faire interpelle le patient et son environnement (les aidants, la famille, les visites à domicile), que nous pouvons définir comme étant un dispositif appartenant à un régime du proche (Thiéblemont-Dollet 2010, Thévenot 2006), qui se manifeste dans la relation sociale, qui précede et accompagne la relation entre le soignant et le soigné. Celle-ci est définie par Gergen :

« En mettant l’accent sur la communication – entre la relation entre le soignant et le soigné les relations se réalisent, se transforment et se définissent dans et par l’ensemble des dialogues que les individus entretiennent » (Gergen, 1999).

Dans cette perspective la question qu’il est possible de poser dans le cas des soins à domicile est la suivante : Qu’est-ce que la consultation médicale à domicile et quel est le rôle de la communication dans cette consultation? Nous avons déjà souligné que la consultation à domicile repose sur un dispositif plus large, qui ne se résume pas uniquement à l’idée que les

SI peuvent réaliser tout. On est plutôt dans un ensemble d’éléments qui composent l’espace du patient, avec plusieurs artefacts qui font part de l’activité du médecin ou soignant. Cette nouvelle technique transforme le travail du soignant, mais tend aussi à révolutionner les modes de relation entre le médecin et le patient. En effet, si dans le domaine de la santé, la relation entre le médecin et le patient ou l’étape de la consultation est très importante d’un point de vue du temps passé (les médecins vont après 20 secondes interrompre le patient : pourquoi, qu’est-ce qui se passe au cours de l’entrevue?, etc.), il se trouve que dans le cadre des soins à domicile, non seulement la durée moyenne est changeante, mais l’élément fondamental n’est plus le temps. L’espace domine c’est-à-dire la prise en compte de l’environnement du patient dans lequel, plusieurs facteurs entrent en jeu.

Dans cette perspective, il nous semble important de développer cette notion d’espace. En effet, dans les soins à domicile, le soignant est face à la découverte d’un environnement qu’il doit s’approprier pour accomplir sa mission. Ce nouvel environnement peut-être considéré comme une organisation dans la mesure où nous le concevons comme un processus en train de se faire et non une entité qui préexiste. Ainsi, dans ce mouvement de désinstitutionalisation marqué par l’arrivée des soins à domicile, l’organisation se redéfinit à partir d’autres orientations qui viennent aider à comprendre l’existence même de l’organisation. Cela représente un en termes de recherche, comme par exemple Gareth Morgan (1989), qui présente l’organisation selon l’hypothèse d’une métaphore.

Pour tenter de comprendre l’organisation désinstitutionnalisée liée aux pratiques de soins à domicile. Nous proposons aussi dans notre étude de reconnaître et d’exploiter le caractère métaphorique de ce type d’organisation, en partant d’une réflexion sur l’espace. En nous inspirant des travaux de Morgan (1989) qui présentait les sept métaphores de l’organisation vue comme une machine, un organisme vivant, un cerveau, une culture, un système politique, un lieu ou instrument de domination, un flux de transformation. Nous postulons que la désinstitutionalisation des organisations de santé qui est marquée par une non continuité des soins de l’hôpital au domicile du patient. Ceci exige un ensemble de dispositifs qui forcent à considérés l’espace pour assurer la notion du travail d’alignement. Dans ce sens, les pratiques se recomposent dans un espace différent de leur espace naturel. C’est la métaphore de l’organisation, une sorte de huitième métaphore ajoutée au septième de Morgan.

Par exemple, la pratique de la virtualisation devient de plus en plus phénomène récurrente dans l’activité médicale. Partant de notre terrain, elle se présente ainsi :

« La virtualisation en fait concernant les serveurs, c’est, au lieu d’utiliser une machine physique, ou l’on stocke toutes les données, on fait ce qu’on l’on appelle la virtualisation en fait de plusieurs serveurs sur une machine. Donc en fait ça permet de repartir si on a un problème matériel de repartir très vite en fait puisse que la machine est virtuelle ».

Cet l’espace virtuel est perçu ainsi par la responsable des SI de la clinique La Sagesse :

« Cet espace virtuel est différent par rapport à l’espace où tout le monde se regroupait : en fait on sera contraint avec la nouvelle technologie d’utiliser cet espace virtuel donc voilà autant s’y mettre dés maintenant et prendre de l’avance plutôt que de courir après quelle est la principale dynamique de cet espace il ya la réglementation parce que derrières on ‘est obligé de s’y soustraire, et puis après voilà, il y ‘a les demandes des utilisateurs et puis nous on fait la motivation des projets On a des correspondants qui peuvent nous l’imposer puis qu’EFS est un correspond, donc plusieurs possibilités en fait ».

Nous retenons ainsi plusieurs dynamiques dans cet espace virtuel, qui concernent les utilisateurs qui peuvent être à l’origine de la demande, la direction qui peut-être force de proposition, et la réglementation qui peut l’imposer. Dans cette multitude de dynamiques qui constituent l’espace virtuel, nous mettons en évidence que la communication joue un rôle central pour faciliter les échanges entre les différents acteurs. Dès lors nous réaffirmons que cet espace devient un espace de communication qui représente un enjeu principal de la coordination des actions. Ils sont vus comme un enjeu essentiel pour l’amélioration de la prise en charge du patient : ces enjeux sont notamment : le décloisonnement des acteurs des systèmes de santé, la coordination des actions des professionnels de santé, la coordination de l’action hospitalière et l’action ambulatoire, favoriser le parcours de soins, rendre le parcours beaucoup plus fluide (le parcours de ville), optimiser la qualité des soins de proximité.

Ainsi, se développe plus de concertation « ville-hôpital », ainsi que se met en œuvre une collaboration meilleure entre les médecins généralistes et les spécialistes.

Dans cette démarche de partage d’information grâce aux systèmes d’information, l’engagement institutionnel est fort. C’est ainsi qu’il a été crée une Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'Etat, placée sous l'autorité du Premier ministre et rattachée au secrétaire général du Gouvernement.

« La direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'Etat oriente, anime et coordonne les actions des administrations de l'Etat visant à améliorer la qualité, l'efficacité, l'efficience et la fiabilité du service rendu par les systèmes d'information. Elle veille à ce que ces systèmes concourent de manière cohérente à simplifier les relations entre les usagers et les administrations de l'Etat et entre celles-ci et les autres autorités administratives au sens de l'article 1er de l'ordonnance du 8 décembre 2005 susvisée. Elle organise et pilote la conception et la mise en œuvre des opérations de mutualisation entre administrations de l'Etat, ou entre celles-ci et d'autres autorités administratives, de systèmes d'information ou de communication d'usage partagé. Elle contribue, par les réponses apportées aux besoins propres de l'Etat en matière de technologies de l'information et de la communication, à promouvoir l'innovation et la compétitivité dans ce secteur de l'économie nationale »

C’est dans la même dynamique que l’Etat réorganise les soins, mais il faut tout de même que l’information circule. Il espérait que les nouvelles technologies réduiraient le travail humain, mais c’est beaucoup plus complexe. Nous n’allons pas relater cette complexité dans cette partie nous pensons que la notion de complexité est terme purement communicationnel. Ainsi nous aborderons cette problématique dans la deuxième partie de notre travail.

Ce que nous étudions dans cette partie est le concept d’ « engagement institutionnel » que fonde les systèmes d’information, aussi bien dans la santé que dans le secteur public en général, tel que nous l’avons illustré plus haut. Cet engagement institutionnel repose sur des aspects juridiques avec la prolifération des lois autour des SI, dans le cadre de la réforme du secteur public. Nous le concevons comme toutes les mesures qui impliquent les enjeux juridiques ou des problèmes de sécurité liés à la dématérialisation des actions dans le secteur de la santé. Ainsi, parler de la désinstitutionalisation du secteur public induite, par les SI, il n’existe pas une spécificité de tel ou tel secteur. Tous les secteurs publics suivent le même procédé défini par l’Etat. Nous illustrons cela à travers l’exemple de mesures prises, c’est le cas par exemple du Référentiel Général de Sécurité ( RGS) rédigé par l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) et la Direction Générale de la Modernisation de l’Etat (DGME). Ce référentiel qui dessine un ensemble de règles visant à cadre le fonctionnement des SI :

« Le 2 février 2010, le décret dit « RGS », faisant suite à l’ordonnance du 8 décembre 2005, vient fixer les règles que les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les

établissements publics à caractère administratif, les organismes chargés de la gestion d’un service public administratif doivent respecter lorsqu’ils mettent en place un système

d’information ».

« Ce décret s’attache aussi particulièrement à garantir la sécurité des informations échangées entre les autorités administratives entres elles et avec les usagers, mettant deux points en exergue : la confidentialité et l’intégrité des informations. Il vient de plus fixer des règles relativement aux certificats électroniques ».

« Concrètement, le décret détaille le cadre juridique destiné à garantir la sécurité des

relations électroniques entre administrations et administrations et usagers. Il vient établir des règles en matière de RGS : d’une part il fixe les démarches que les administrations de l’Etat doivent suivre afin d’assurer la protection des systèmes d’information et d’autre part il établit les conditions nécessaires à la qualification des produits de sécurité et des prestataires de services de confiance ». (Cf. annexe 10)

Ainsi la question principale que nous nous posons dans ces conditions pour interroger encore l’efficacité communicationnelle des SI porte sur l’adaptabilité de ce référentiel dans le domaine de la santé. En effet, le milieu de la santé est assez spécifique par rapport aux autres organisations qui appartiennent au secteur public. Le concept même de la santé reste très complexe et le développement des systèmes d’information dans les autres secteurs publics est différent. Voici quelques définitions proposées par certains auteurs (Sasseville, Roy et autres), suite à la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé OMS :

Nous retenons que la difficulté de définir la santé résulte de trois phénomènes particuliers :

Le premier- se définit à partir du sujet qui la vit (relative à chaque personne);

• Le deuxième se définit en fonction d’un code d’interprétation de la réalité (construit socialement) ;

• Le troisième se définit par une norme (donc une fonction d’une normalité qui est construite socialement

Ainsi si nous s’inscrivons dans cette dynamique sociale qui construit la santé, nous considérons que toute activité liée à ce domaine s’inscrit dans le social. Pour devenir une préoccupation prioritaire dans l’esprit de tous les citoyens, la santé doit également l’être dans l’esprit des décideurs publics : il s’agit là d’une condition fondamentale qui se traduit par la

mise en place de mesures législatives : tantôt incitatives tantôt coercitives (mesures fiscales, sanctions, règlements, restrictions, etc.).

Communique-t-on donc mieux avec les technologies de l’information et de la communication dans le domaine de la santé ? Allons-nous vers un renouveau du terme de la santé qui devient désormais un terme plus individuel que social ? En effet, face à l’utilisation des termes tels que « désinstitutionalisation », « privatisation », « ticket modérateur », « développement de l’auto-soin », les discours sur la « responsabilisation des patients », et sous l’influence des technologies la santé, devient un problème individuel plutôt que social. Les SI sont à voir également comme porteurs d’informations très diverses. Comment penser ces flux dans le secteur de la santé ?