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2. Une problématique communicationnelle : repenser le potentiel

2.3 Limites de la conception techniciste de l’innovation médicale

Ainsi dans cette recherche, notre objectif est de discuter la vision technocratique sur les TIC, qui risque d’enfermer et de bloquer aujourd’hui l’innovation médicale. La dimension technologique, établie dans un cadre pré-établi (économique, institutionnel, politique…) pose un problème pour le changement et le fonctionnement du système. Cette attitude de mettre en avant une logique techno-économique dans le domaine de la santé via les TIC, soulève aujourd’hui de nombreux débats sur la mise en place mais aussi sur le comportement de plusieurs acteurs de la santé qui sont parfois très réticents aux projets liés au changement de travail induis par TIC.

Nous considérons dés lors que le plus important à observer n’est pas la technologie « pour la technologie » mais bien l’appropriation de la technologie, par le personnel l’expérience des acteurs qui utilisent le système. Dans cette optique partir de l’usage des professionnels constitue un véritable enjeu pour les professionnels mais aussi pour le chercheur.

Pour cette raison, nous voulons mobiliser des analyses socio –constructivistes susceptibles de nous éclairer sur les interactions entre les différents niveaux, c’est-à-dire le niveau micro, le niveau méso et le niveau macro.

Prend en compte la notion d’usage c’est se soucier des pratiques, des interactions, de la co- construction de sens, des projets, du changement organisationnel.

Nous considérons qu’avoir une posture constructiviste peut enrichir la compréhension des logiques de projets qui concernent les SI dans le domaine de la santé.

Comme pour Sylvie Grosjean et Luc Bonneville, les SI dans la santé sont selon nous à repenser dans leur mise œuvre. Une logique intégrative, anthropocentrée visant un « impératif créatif » (Grosjean, Bonneville 2007, 2008) devrait être mise en avant pour compléter ce qui a

été négligé dans les projets des SI dans la santé. Ils évoquent une « perspective médico- intégrative » (Grosjean et Bonneville 2007). Car nous croyons comme eux, qu’en négligeant cette perspective, les projets sur les technologies dans la santé risquent de connaître des blocages, des réticences, des tensions, des contradictions voire même des échecs de projets dans la santé.

Notre objectif est donc de montrer qu’en plus des enjeux techniques, managériaux, politiques et économiques qui sont identifiés par de nombreux chercheurs (Sicotte et al. 1997 ; 2005), il existe des défis en termes de communication qui apportent des solutions aux problèmes et contraintes qui empêchent le bon fonctionnement des projets des systèmes d’information dans la santé. Ces dispositifs sont considérés aujourd’hui comme dispositifs de rationalisation et de changement des pratiques ou des interactions, entre le patient, le médecin et les dispensateurs de soins.

Ainsi, de cet objectif visé, découle une question centrale de recherche :

Quels sont les enjeux en termes de communication que les systèmes d’information posent au quotidien dans les pratiques de travail des professionnels de santé ?

Nous suggérons que ces enjeux doivent être recherchés essentiellement sur trois dimensions : d’abord au niveau macro (la dimension structurelle des logiques de projets et le rôle des décideurs), puis dans une perspective méso c'est-à-dire le niveau intermédiaire (le rôle de la communication dans l’appropriation des systèmes d’information par les différents acteurs santé concernés) et le niveau micro (l’interaction entre l’outil, le soignant et le soigné).

Ainsi, nous considérons qu’un projet technologique regorge d’objectifs et d’intérêts subjectifs, qui montrent que le choix technologique est tout sauf neutre, quelque soient les vertus de rationalité et d’expertise qu’il incarne. Nous considérons que bien avant l’élaboration du projet jusqu’à la mise en place, les acteurs de natures diverses défendent des intérêts, des visions, des orientations d’ordre économique, culturel, politique.

Ainsi, les priorités des porteurs de projets technologiques aussi se révèlent être non seulement technologiques mais culturelles, économiques, politiques. Une attitude qui risque de ne pas mettre la priorité sur les besoins sociaux, qui pourraient pourtant être un enjeu central partagé par tous les acteurs concernés.

Pour les responsables de ces outils, il devient alors nécessaire de mettre en place des mécanismes de partage, d’échange, qui permettront d’identifier le besoin, afin de définir les finalités du projet.

Selon nous, ces mécanismes reposent prioritairement sur les enjeux communicationnels qui sont susceptibles de faciliter les échanges entre les personnes, d’articuler l’interaction entre

l’humain et la machine. Ils nous permettent aussi d’éclairer sur les enjeux communicationnels. Les enjeux qui centralisent l’ensemble des autres enjeux. La mise en œuvre des TIC devraient être l’objet d’un dialogue, de négociation et de discussion. Autrement dit, cerner les enjeux communicationnels c’est mieux cerner les dynamiques transversales susceptibles de rendre en compte les aspects culturels, économiques, politiques etc.

Il convient alors d’appréhender la dimension communicationnelle dans les organisations comme une dimension possédant « un double enjeu » (Bouillon 2008, p 73). Selon Jean-Luc Bouillon, la dimension communicationnelle repose sur deux enjeux :

« Le premier consiste à dépasser le terme englobant de communication pour mettre en

évidence la diversité des acceptations de cette notion Le second enjeu consiste à rendre compte du fait que les organisations sont constituées de différentes composantes symboliques dont l’étude est de nature à mieux saisir l’articulation entre des dimensions économiques, sociales, techniques, et politiques qui caractérisent cette espace organisé » (Bouillon 2008, p

73).

Ainsi donc, cette approche permet d’une part d’appréhender le changement dans une logique de collaboration, de conversation et de dialogue des modalités, emblématique d’une perspective visant à « changer en communiquant » (Giroux 2010) qui considère toutes les parties composantes de l’organisation. D’autre part, elle permet aussi de conserver un regard critique sur la technologie. En effet, nous considérons que la fascination pour la technologie fait perdre tout sens critique. La technologie représenterait en soi, la solution aux problèmes. Pour notre part, nous considérons que la technologie n’a de sens et de pertinence que dans la mesure où elle est pensée de façon à régler les besoins en temps réel dans les organisations de santé, et qu’elle est appropriable et appropriée par les acteurs du milieu. Une telle appropriation par tous les acteurs nécessite de prendre en compte tous les avis, même ceux qui sont les plus critiques à l’égard de cette technologie, pour trouver une solution et surtout faciliter la coordination dans les pratiques cliniques. Nous considérons en effet la notion de coordination comme étant un enjeu principal dans l’implantation d’un système d’information et repose sur les interactions.

Dans ce contexte, la phase initiale d’un projet technologique repose sur une idée, qui doit se transformer progressivement dans les interactions entre les différents acteurs du projet, jusqu’à la mise en opération. Ainsi croyons comme Jean-Luc Bouillon :

« Ce cadre idéologique est présent transversalement dans la manière dont les processus communicationnels sont articulés aux processus économiques » (Bouillon, 2008, p 79).

Par conséquent, tenir compte de la dimension idéologique, c’est mettre sur la table une idée, autour de laquelle les différents acteurs soulèveront des critiques, des avis mitigés et des échanges constructifs. Cette démarche veut également montrer que les projets technologiques et l’implantation des TIC ne se résument pas à une cohésion sociale ou à un trajet vers un consensus, mais intègrent également de la structuration et de l’idéologie (Bouillon, 2008, p. 80).

L’introduction des SI dans la santé doit être d’abord une aventure humaine plutôt que d’être une aventure technologique. Ce faisant notre démarche en tant que chercheur est de se poser deux questions principales qui sont les .suivantes : comment faire ressortir les meilleurs pratiques ? Comment mettre en place des méthodologies ?

Nous allons à présent aborder notre positionnement épistémologique. Quel est le cadre théorique suivi dans cette étude ?