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DEMARCHE METHODOLOGIQUE

SYNTHESE DE LA PARTIE 1

Cette première partie a permis de présenter le contexte, la problématique et le cadre théorique et méthodologique de cette thèse. Au terme de cette partie de la thèse, nous retenons que le coton joue un rôle indéniable dans les échanges internationaux. En effet, dans une économie mondiale globalisée, la production et la vente de coton constituent un enjeu majeur pour l’avenir d’une partie non négligeable de l’humanité.

Bien que le coton soit cultivé dans une centaine de pays, la production mondiale de fibres de coton est dominée par quelques pays, au premier rang desquels figurent la Chine, les États-Unis et l’Inde. La Chine est aussi le premier consommateur mondial de fibres de coton et ce pays est appelé a continuer dʼexercer une influence encore plus forte sur le marché mondial et donc sur lʼévolution future des prix internationaux.

Nous avons vu que l’Afrique de la zone Franc CFA est devenue le second exportateur mondial derrière les États-Unis. Le développement des filières cotonnières dans ces pays, selon un modèle caractérisé par une forte intégration verticale, a souvent pu y être qualifié de succès. Cependant, les limites de ce modèle ont été soulignées et la privatisation/libéralisation des filières cotonnières africaines, bien que parfois chaotique et souvent problématique, semble aujourd’hui irréversible. Les principaux défis à relever pour les filières cotonnières africaines ont été identifiés. Ils sont nombreux, complexes et vont bien au-delà du combat mené contre les subventions que les États-Unis apportent à leurs cotonculteurs. De leur résolution dépendra l’avenir de la production de coton en Afrique.

En Afrique subsaharienne où l’on estime à plus de vingt millions le nombre de personnes qui tirent l’essentiel de leurs ressources de cette spéculation. Grâce à des efforts immenses consentis tant par le secteur privé, que par le secteur public et par les agences de coopération, ce que l’on a appelé « l’or blanc » est devenu, en une trentaine d’années, la colonne vertébrale des économies de nombreux pays africains. Sa diffusion s’est accompagnée d’une augmentation sensible des performances des systèmes de production des zones de savanes et, suite à la redistribution de revenus qu’elle a permise dans le monde rural, d’une amélioration notable des conditions de vie des populations concernées.

De même, au Cameroun, principalement dans sa partie Nord, le rôle joué par la culture cotonnière est incontestable et le coton est cultivé depuis plusieurs années par une majeure partie des exploitations agricoles, et reste la culture commerciale dominante.

Son essor a profondément marqué cette zone où il s’est développé. Il a eu un rôle moteur dans la diffusion des innovations techniques. Enfin, il a eu des effets sur le peuplement, rendant attractives des zones jusque là peu mises en valeur.

Cependant, les diverses crises auxquelles le coton africain a déjà été confronté ont également permis, au niveau national et de la sous-région, la structuration et l’émergence dʼorganisations de producteurs de plus en plus professionnelles et déterminées à défendre leurs intérêts. Ce fait, constitue sans nul doute un facteur clé pour contribuer à assurer une viabilité financière, sociale et institutionnelle aux filières cotonnières africaines. Il conviendra aux divers organismes dʼappui au sous-secteur

coton de veiller à accompagner et consolider cette émergence des associations paysannes qui sont en train de développer une influence croissante au sein des filières.

Cependant, les performances techniques et sociales cachent la réalité des difficultés financières des filières cotonnières au début des années 1990. Le déficit des filières cotonnières, origine des crises cotonnières, dépend ainsi de plusieurs facteurs. La baisse du prix mondial est le premier facteur important, mais les autres, à caractère interne aux filières, ne le sont pas moins. La variation des cours mondiaux de coton a des répercutions sur le prix d’achat du coton graine. Ainsi, la fluctuation du prix d’achat du coton-graine, dans une tendance baissière, est bien sûr ressentie le plus directement par les producteurs. Elle est devenue conséquence de la baisse du prix mondial lorsque le système tampon, mis en place depuis les années 1950 pour abriter les paysans des variations du prix mondial, se dissipa au début des années 1990. Pour les paysans, c’est cette tendance à la baisse du prix payé qui exprimait la crise cotonnière. Il ressort que cette dernière, telle qu’elle est perçue par les paysans, ne dépendait pas seulement de la baisse du prix mondial mais aussi des mesures dʼadaptation à celle-ci.

De plus, les pays d’Afrique de l’ouest et du centre sont partis en croisade contre les subventions de quelques pays, car elles sont considérées comme responsables de la baisse du prix mondial. Cette démarche est bien sûr légitime mais elle révèle un choix stratégique qui interpelle. L’issue de la protestation contre les subventions est incertaine et elle dépend fondamentalement de la bonne volonté des autres pays qui ont suffisamment manifesté leur égoïsme jusque-là. La principale cause de la pression exercée sur les cours mondiaux du coton est l’offre excédentaire de coton subventionné de grands pays producteurs, en particulier les États-Unis. Les subventions à l’exportation et à la production versées par les États-Unis à leurs 25 000 producteurs de coton s’élèvent à 4 milliards USD environ, ce qui est nettement plus que la totalité des recettes à l’exportation du coton réalisées par l’ensemble des pays d’Afrique de l’ouest et du centre. Le montant de la subvention par kilogramme versée par les États-Unis est presque aussi élevé que le cours mondial actuel dont doivent vivre les paysans des pays d’Afrique de l’ouest et du centre.

De même, les filières sont pénalisées par des cours dépressifs, amplifiés par l'incidence du taux de change euro/dollar. En effet, au début des années 1990, la baisse du cours mondial du coton fibre et les coûts élevés de production intérieure menant à la surévaluation du franc CFA ont progressivement grevé la compétitivité de la filière au point que elle produisait à perte. En outre, au cours de ces dernières décennies et jusqu’aujourd’hui, la dépréciation du dollar par rapport à l’euro, suscite de nombreuses questions dont celle-ci. Ce facteur exogène a donc continué de peser négativement sur la compétitivité du coton exporté de la zone franc africaine. L’arrimage du franc CFA à un euro fort qui a dépassé 1,42 dollars le 1er octobre 2007 pénalise forcement les exportations de la zone Franc. La compétitivité des produits africains sur les marchés internationaux est mécaniquement rongée. Chaque fois que l’euro s’apprécie, le franc CFA en fait de même de manière automatique.

Mais, en plus de ces facteurs exogènes, il y a aussi d’autres facteurs plus structurels derrière la crise cotonnière, notamment : le mode d’organisation et de fonctionnement des filières, la crise de confiance entre les producteurs et les sociétés cotonnières en

liaison avec des erreurs de gestion ou des détournements de leurs fonctions des réserves accumulées. Ainsi, au Nord Cameroun, le coton demeure une culture essentielle dans le système de production malgré la crise cotonnière qui perdure. Mais, la situation de crise va entraîner un changement radical de la politique cotonnière qui est toujours en cours. Cette crise se caractérise comme nous allons le voir dans les détails dans les chapitres suivants, par une constante baisse du prix d’achat du coton graine, un paiement de plus en plus tardif des producteurs, une croissance exponentielle des coûts d’intrants, des conditions plus difficiles d’accès aux intrants, et une réduction importante des superficies cultivées et de la production de près de 40%

entre 2005 et 2008. Bien plus, à la suite de la présentation de la situation de crise de la filière cotonnière au Cameroun, dans les prochains chapitres de la thèse, nous nous attèlerons à élucider les manifestations réelles de la crise et ses effets sur la filière et sur le développement régional au Cameroun.

Dans cet environnement les acteurs des filières cotonnières se trouvent confrontés à des changements d’une rapidité et d’une complexité sans précédent. Ainsi, afin de mieux aborder cette problématique, le questionnement de cette thèse porte est de savoir dans un contexte de crise cotonnière où le mode de coordination actuelle dans la filière cotonnière semble être remis en cause, comment faire pour renforcer l’efficacité de cette coordination, afin de relancer cette filière et le développement régional? Ainsi, l’objectif de cette thèse est d’analyser l’efficacité de la coordination actuelle des acteurs de la filière cotonnière en crise au Cameroun, ce travail va généré des indicateurs qui peuvent permettre aux décideurs politiques et acteurs de la filière cotonnière de mieux prévoir les défis probables et d’évaluer les réponses souhaitables susceptibles d’avoir des effets positifs et ou négatifs sur la dynamique de la filière.

Dans cette partie, nous avons essayé de donner une définition empirique de la notion de coordination des acteurs qui est au centre de cette thèse. Ainsi, celle de Poulton et al (2004) a été retenue, qui définissait, la coordination comme « un ensemble d’efforts ou des mesures – publiques ou privées – visant à faire agir les acteurs dans un système de marché de manière commune ou complémentaire ou vers un objectif commun ». La poursuite d’une coordination efficace « peut nécessiter des mesures conçues pour empêcher les acteurs de poursuivre des objectifs ou chemins contraires ». Dans l’idéal néoclassique de concurrence parfaite, la seule coordination exigée est la coordination verticale entre les acteurs aux différents niveaux de la filière. Cette coordination est entièrement matérialisée par le mécanisme des prix. La coordination entre les acteurs au niveau du système – coordination horizontale – n’apparaît pas dans ce modèle. En réalité, le besoin évident de coordination horizontale provient d’au moins deux facteurs négligés par la perspective néoclassique : la spécificité´ des biens (biens qui ont peu ou pas de valeur en dehors de la raison pour laquelle ils ont été achetés, comme une égreneuse de coton) et la fourniture de biens collectifs spécifiques au secteur (recherche, vulgarisation, qualité du coton).

L’analyse montre que la théorie microéconomique traditionnelle considère le marché comme le seul dispositif efficace de coordination pour les échanges et les transactions entre les agents économiques. D’autres théories comme la théorie des contrats ou la théorie des coûts de transaction, ont cependant montré l’intérêt d’envisager autrement la question de la coordination. Mais ces théories rendent difficilement compte du rôle normatif et institutionnel dans l’établissement des contrats entre les agents. D’autres

dispositifs de coordination doivent être envisagés. Eric Brousseau examine l’ensemble des formes de coordination et notamment les dispositifs que sont les organisations, les conventions et les institutions. Il montre la complémentarité des analyses de la coordination tout en précisant les divergences méthodologiques qui peuvent apparaître entre elles.

L’insatisfaction à l’égard des théories traditionnelles du fonctionnement du marché a conduit les économistes à explorer la portée de la notion de contrat. La notion de contrat fournit les bases d’une théorie dans laquelle les dispositifs de coordination résultent des réactions décentralisées et rationnelles des agents. Elle se substitue à la notion de marché walrassien et le système économique est perçu comme un immense réseau de contrats.

L’examen approfondi des contrats a donc conduit à identifier certaines des limites de cette notion. On s’est donc penché sur les raisons de l’existence et les propriétés d’autres mécanismes. Trois catégories d’entre eux ont particulièrement intéressé les économistes :

- les organisations qui sont des unités économiques de coordination ayant des frontières identifiables et fonctionnant de façon continue en vue d’atteindre un ensemble d’objectifs partagés par les membres de l’organisation ;

- les conventions qui sont des normes de comportement ou des systèmes de référence propres à une communauté et auxquelles les individus se réfèrent pour se coordonner ;

- Les institutions qui sont des instances sur lesquelles les individus n’ont pas de prise directe et qui édictent des règles ou administrent des dispositifs au sein desquels les individus se coordonnent.

Il ressort de l’observation du monde économique que la production s’accroît lorsque les individus coopèrent, se spécialisent dans des activités de production précises, et échangent les biens et services désirés. C’est là que se pose le problème de l’organisation : lorsqu’on a affaire à des producteurs spécialisés qui ont besoin d’échanger, il est nécessaire que leurs décisions et actions soient coordonnées pour réaliser leur contribution à l’activité coopérative. L’existence d’organisations formelles ainsi que les détails spécifiques relatifs aux structures, aux politiques et aux procédures mises en place, témoignent de cette recherche d’efficacité à travers la coordination et la motivation.

Après la présentation de l’importance stratégique du coton dans l’économie mondiale, ses enjeux en Afrique de l’Ouest et du Centre, de même qu’au Cameroun. En plus des études empiriques et conceptuelles de la question de coordination. Il est à présent nécessaire dans la deuxième partie de la thèse, de caractériser le mode de la coordination des acteurs de la filière coton dans un contexte de crise. Mode de coordination en pleine mutation sous contrainte de la crise.

DEUXIEME PARTIE : DIAGNOSTIC DU MODE DE