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Les subventions des pays développés à leurs producteurs pénalisent la filière camerounaise filière camerounaise

DIFFICULTES ACTUELLES

CHAPITRE 2 : DIAGNOSTIC : UNE FILIERE COTONNIERE EN CRISE AU CAMEROUN COTONNIERE EN CRISE AU CAMEROUN

2.1.2. Les subventions des pays développés à leurs producteurs pénalisent la filière camerounaise filière camerounaise

Le déficit des filières cotonnières, origine des crises cotonnières, dépend ainsi de plusieurs facteurs. La baisse du prix mondial est un facteur important, mais les autres, à caractère interne aux filières, ne le sont pas moins. Les PAZF sont partis en croisade contre les subventions de quelques pays, car elles sont considérées comme responsables de la baisse du prix mondial. Cette démarche est bien sûr légitime mais elle révèle un choix stratégique qui interpelle. L’issue de la protestation contre les subventions est incertaine et elle dépend fondamentalement de la bonne volonté des autres pays qui ont suffisamment manifesté leur égoïsme jusque-là.

La principale cause de la pression exercée sur les cours mondiaux du coton est l’offre excédentaire de coton subventionné de grands pays producteurs, en particulier les Unis. Les subventions à l’exportation et à la production versées par les États-Unis à leurs 25 000 producteurs de coton s’élèvent à 4 milliards USD environ, ce qui est nettement plus que la totalité des recettes à l’exportation du coton réalisées par l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Le montant de la subvention par kilogramme versée par les États-Unis est presque aussi élevé que le cours mondial actuel dont doivent vivre les paysans des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Quant aux subventions payées aux producteurs de coton par l’Union européenne (Grèce et Espagne), elles sont encore deux fois supérieures à celles octroyées aux États-Unis. Le montant des subventions communautaires à l’hectare est, en outre, quatre fois plus élevé pour le coton que celui payé pour le maïs ou les oléagineux et huit fois supérieur à celui des aides accordées aux céréales. Toutefois, la production cotonnière de l’Union européenne ne représente qu’un quart de celle des États-Unis.

En outre, le conseil des ministres européens a entre-temps décidé de réformer le régime commercial du coton, ce qui aura probablement pour effet de réduire la production cotonnière de l’Union européenne. La Banque mondiale estime qu’une réduction des incitations à la production dont bénéficient les agriculteurs aux États-Unis entraînerait une réduction de l’offre qui se traduirait à son tour par une hausse des cours mondiaux du coton de l’ordre de 10 à 20 pour cent. Cette mesure suffirait à elle

seule à générer des recettes supplémentaires de l’ordre de 250 à 500 millions USD par année pour des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre.

En outre, les subventions pratiquées par certains pays développés faussent les mouvements de la production et du commerce de coton. Les États Unis d’Amérique et l’Union européenne, qui représentent ensemble 25% de la production et 35% des exportations à l’échelle mondiale, soutiennent leurs producteurs, ce qui favorise l’accroissement de la production et des exportations et entraîne une baisse des cours.

Les producteurs de nombreux pays en développement, dont beaucoup en Afrique, sont confrontés au rétrécissement de leurs marchés d’exportation et voient leurs recettes diminuer (FAO, 2008 ; ICAC, 2008).

D’après l’International Cotton Advisory Committee (ICAC), les subventions accordées aux cultivateurs de coton en 1999 se sont chiffrées à 4 milliards de dollars EU aux États Unis d’Amérique, et à 800 millions de dollars EU au sein de l’Union européenne. Une étude du CCIC a estimé que ces aides et celles d’autres pays développés ont réduit les cours du coton d’environ 20 pour cent, soit une perte de 300 millions de dollars EU pour les pays exportateurs de coton africains. La production de coton assure 5 à 10 pour cent du PIB au Bénin, au Burkina Faso, au Mali, au Tchad et au Togo, et les recettes provenant des exportations de coton sont déterminantes pour renforcer la sécurité alimentaire dans de nombreux pays d’Afrique. Ce groupe de pays a proposé que les subventions accordées à ce secteur se trouvent au centre des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Cancún et que les pays qui subventionnent leur production indemnisent les producteurs africains. Le Brésil a annoncé à l’Organe des différends de l’OMC son intention d’examiner la question des subventions avec les États-Unis. La diminution du soutien intérieur dans les pays développés donnerait un élan aux cours mondiaux, ce qui encouragerait les pays producteurs dans lesquels ce secteur est rentable (beaucoup étant des pays en développement) à accroître leur production.

Les travaux de l’ICAC ont été le plus souvent cités dans le débat sur l’initiative sectorielle des pays africains. Le modèle de l’ICAC montre que le prix du coton aurait été de 70% plus élevé en l’absence de subventions lors de la campagne 2001/2002. Le secrétariat de l’ICAC chiffre à 920 millions de dollars le manque à gagner pour l’Afrique lors de cette campagne du simple fait des subventions (Townsend, 2003b ; ICAC, 2007). Il est intéressant de noter que cette étude empirique est celle qui trouve l’effet le plus spectaculaire sur les prix et les pertes les plus importantes pour les pays africains. Ceci est en particulier lié à l’analyse de la campagne 2001/2002 qui a vu un effondrement du prix mondial et un niveau record de subventions mais les résultats pour la campagne suivante (+15% sur le prix mondial et des pertes de 230 millions de dollars pour les pays africains) sont aussi élevés au regard des autres études empiriques. La distorsion dans les échanges provoquée par les subventions américaines a fait l’objet d’une attention particulière puisqu’elles représentent plus de 50% de l’ensemble des subventions versées aux producteurs de coton dans le monde (Miroudot, 2004 ; Shepherd, 2004 ; Araujo et al., 2006 ; ICAC, 2007).

Cependant, Guitchounts (2008) montre dans une étude récente que les subventions directes des gouvernements aux producteurs fournies actuellement par six pays (USA, Chine, Espagne, Grèce, etc.) sont estimées à moins de 2 Milliards de $ en 2007/2008, en réduction de moitié par rapport à la campagne précédente. Depuis 1997/1998, la corrélation négative est manifeste entre l'Indice A de Cotlook et les montants des subventions américaines ainsi que le nombre de pays qui subventionnent. En effet, au USA, le Farm Bill américain qui fournit le soutien à travers cinq mécanismes:

paiement direct, paiement contra-cyclique, paiement de compensation de crédit de campagne, certificat de gain de change et crédit de campagne. Le montant total de ce soutien a baissé de 2.9 Milliards $ en 2006/2007 à 1 Milliard $ en 2007/2008. Le gouvernement américain subventionne aussi les assurances que les producteurs ont contractées pour leur culture de coton, avec un soutien qui a fluctué de 0,5 à 5,0 cents/livre au cours de la période 1998/1999 et 2007/2008.

Par ailleurs, la réforme de la politique cotonnière européenne est mise en œuvre à la campagne 2006/2007. Les producteurs de coton européen reçoivent 65% du soutien en paiement unique découplé de la production, le complément de 35% constitue une aide liée à la surface mise en production. Le budget alloué reste fixé à 770 millions € comme auparavant, mais les montants de l'aide liée a diminué des deux-tiers au cours des deux dernières campagnes (Mattas et Botonaki, 2008). Ces baisses des subventions pourront peut être avoir des effets positifs sur les filières cotonnières d’Afrique. Des études dans le futur pourront le démontrer ou d’infirmer.

2.1.3. La baisse du taux de change euro dollar et la réévaluation du franc CFA Au début des années 1990, la baisse du cours mondial du coton fibre et les coûts élevés de production intérieure menant à la surévaluation du franc CFA ont progressivement grevé la compétitivité de la filière au point qu’elle produisait à perte.

L’effet combiné de la dévaluation du franc CFA en janvier 1994 et la hausse du cours mondial en 1994 et 1995 a, en revanche, injecté une bouffée d’oxygène à la filière, améliorant à court terme sa rentabilité et sa compétitivité. Si ces deux événements ont certes contribué à l’amélioration conjoncturelle de la filière, la chute du cours mondial conjuguée à la forte dépréciation du dollar depuis le deuxième semestre de 1998 rappelle la vulnérabilité de la filière.

En effet, au cours de ces dernières décennies, la dépréciation du dollar par rapport à l’euro, suscite de nombreuses questions. Ce facteur exogène a donc continué de peser négativement sur la compétitivité du coton exporté de la zone franc africaine.

L’arrimage du franc CFA à un euro fort qui a dépassé 1,42 dollars le 1er octobre 2007 pénalise forcement les exportations de la zone Franc. La compétitivité des produits africains sur les marchés internationaux est mécaniquement rongée. Chaque fois que l’Euro s’apprécie, le franc CFA en fait de même de manière automatique. Résultat : les coûts de production augmentent, les produits fabriqués localement deviennent moins compétitifs que ceux fabriqués dans des pays extérieurs à la zone euro, et les marges sur les exportations libellées en dollars se réduisent. C’est notamment le cas pour la filière coton, qui fait vivre près de 30 millions d’Africains.

Ainsi, selon Lagrandre (2005) et Berti et al (2006), l’arrimage du franc CFA à un euro fort pénalise fortement les exportations des pays de la zone franc, où la solution d’une

indexation sur un panier de monnaies, plutôt qu’une nouvelle dévaluation, semble recueillir de plus en plus de voix. La parité FCFA/euro, héritée de l’indexation sur le franc français, garantit la convertibilité du CFA dans toutes les monnaies étrangères et un contrôle accru sur l’inflation. Mais aujourd’hui, du fait d’un euro très fort par rapport au dollar, la compétitivité des produits de la zone a subi une chute notable. La baisse du dollar d’environ 38% par rapport à l’euro depuis 2002, devise de référence pour le coton, fait chuter de 25% les recettes d’exportation du coton, alors que les coûts de production locale restent extrêmement élevés. Avec les cours actuels de l’euro, et les cours mondiaux, la valeur du coton ne permet même pas de couvrir les coûts de production. “Avec une parité égale dollar/euro, les sociétés cotonnières de la zone franc pouvaient s’en sortir” le kilo de coton revenant à 820 FCFA (1,25 euro) sur le marché international”.

Ce schéma s’applique, diversement, à d’autres filières d’exportation. En revanche, une monnaie forte permet de réduire le coût des importations. Cet avantage a contribué à atténuer le choc lié à la flambée du baril puisque les livraisons de carburants sont libellées en dollars et payées en CFA. Mais là aussi, certains effets sont pervers : dopés par la réduction du coût des importations, les achats de produits achetés à l’extérieur de la zone CFA augmentent, ce qui fragilise les filières locales. Ainsi constate-t-on une forte poussée des importations d’articles asiatiques à bas prix.

Enfin, étant donné le potentiel d’appréciation de l’euro en raison des déséquilibres extérieurs américains et de l’inéluctable ajustement des politiques de change asiatiques (qui freinent aujourd’hui la dépréciation du dollar) et sachant qu’une hausse significative des cours mondiaux de la fibre en USD est peu probable compte tenu de l’arrivée d’acteurs majeurs sur le marché mondial (Inde, Pakistan, éventuellement Brésil) et de l’augmentation des rendements à l’hectare que certains de ces acteurs obtiennent avec l’introduction du coton GM, les filières cotonnières apparaissent menacée. Sans ajustement en terme nominal, le risque est d’assister à la poursuite de l’ajustement en termes réels - rendu inévitable par la dégradation des termes de l’échange - et donc à la fragilisation continue des sociétés cotonnières et des acteurs qui lui sont liés.