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COTON AU CAMEROUN

4.2.3. Des processus d’engagements mutuels avec des rares contrats jusqu’à la fin des années 1990 des années 1990

4.2.3.1. La société cotonnière : SODECOTON

La culture commerciale du coton a été introduite au cours des années 1950 dans le Nord du Cameroun sous l’impulsion de la Compagnie Française pour le Développement des fibres Textiles (CFDT). La CFDT a développé cette culture de rente pendant les deux décennies suivantes et l’a introduite dans la quasi-totalité des villages des deux provinces septentrionales. En 1974, la CFDT Cameroun a été nationalisée et est devenue la Société de Développement du Coton du Cameroun (SODECOTON). Aujourd’hui la SODECOTON est toujours une société d’économie mixte détenue à 59% par l’Etat du Cameroun, à 30% par Geocoton (ex Dagris) et à 11% par une société privée camerounaise. Jusqu’à présent, la privatisation n’a pas été poussée plus loin.

Les principales activités de la SODECOTON concernent l’encadrement des producteurs de coton, la commercialisation du coton graine, l’égrenage et la vente de la fibre. Par ailleurs, la SODECOTON définit les besoins en intrants (engrais, appareils et pesticides) pour la campagne à venir, puis l’Organisation des Producteurs de Coton du Cameroun (OPCC) les achète par appel d’offre international et les distribue aux groupements de producteurs de coton. La SODECOTON transporte les intrants dans les groupements, où ils sont stockés dans des magasins (il y a plus de 2 000 magasins SODECOTON repartis sur l’ensemble de la région cotonnière). La mise en place des intrants (plus de 40 000 tonnes par an) et la gestion des crédits intrants et leur remboursement sont assurés par des agents de la SODECOTON et/ou les groupements eux-mêmes, en fonction de leur degré d’autonomie.

En plus, la SODECOTON annonce des prix d’achat du coton graine avant le début de la campagne en mai et il y a unicité des prix sur toute la région cotonnière. Elle s’engage à acheter toute la production du coton des producteurs dans les villages. De plus, la SODECOTON assure le maintien en état de la plupart des pistes rurales dans la région cotonnière. Enfin, elle mène des actions indirectes visant à soutenir la production agricole (pas seulement celle du coton) dans la région cotonnière : protection et/ou rétablissement de la fertilité des sols, appui à la professionnalisation des producteurs en partenariat avec l’OPCC-GIE, assistance à l’élevage et à la culture attelée, et appui à la production de cultures vivrières.

La SODECOTON collecte donc le coton graine produit par les producteurs et l’égrène dans ses 9 usines d’une capacité de traitement théorique de 300 000 tonnes environ et de 2 usines de trituration de graines pour la production d’huile de coton. Une flotte de 70 camions spécialement équipés amène le coton graine dans ces usines qui travaillent uniquement pendant la saison sèche donc de novembre à avril et absorbent pendant cette période environ 1 000 tonnes de coton graine par jour en travaillant sept jours sur sept. La SODECOTON emploie en permanence environ 1 950 personnes et pour les usines environ 2 000 personnes dont essentiellement des travailleurs saisonniers. Elle produit de la fibre avec un rendement égrenage d’environ 41% et des graines dont une partie est renvoyée dans les villages comme semence de façon permanente, et de l’huile de table (Diamaor) et du tourteau, lequel est à son tour transformé en aliment du bétail.

A coté des usines, la SODECOTON dispose de nombreuses installations industrielles telles que les garages, les ateliers, les dépôts de carburant et divers magasins et d’une importante flotte de camions qui assure l’essentiel des transports de coton graine, d’intrants, de matériels, de fibre, de graines dans toute la zone cotonnière.

Enfin, la SODECOTON assure la commercialisation de ses diverses productions c’est-à-dire la fibre sur le marché national ou à l’exportation, l’huile sur le marché national et le tourteau sur le marché national ou à l’exportation. Il est très important que la SODECOTON assure elle-même cette commercialisation car cela lui procure directement les recettes dont elle a besoin pour fonctionner et produire. Pour la fibre elle travaille pour partie avec des maisons de négoce, la fibre cotonnière camerounaise est vendue dans le monde entier, mais principalement en Extrême-Orient (Chine).

Tableau 8 : Caractérisation du dispositif d’appui-conseil de la SODECOTON

Variables Caractéristiques

Type structure Etat

Date de mise en œuvre 10 mai 1974

Zones d’intervention 2 Régions : Extrême Nord et Nord (zone cotonnière) Financement du dispositif Etat : bénéfices sur coton

Participation financière des

Activités principales Production du coton graine Commercialisation de coton fibre

Conseil aux exploitations agricoles (formation, suivi, évaluation) Principaux partenaires AFD, OPCC-GIE, GIC coton (GP)

Ressources humaines Personnel Direction de la Production Agricole : 9 Chefs de Région (CDR), 110 Chefs de Secteur (CDS), 250 Chefs de Zone (CDZ)

Personnel OPCC : 92 Animateurs, 16 contrôleurs Bénéficiaires 2000 GIC ; 300 000 producteurs

Principales difficultés du dispositif : Responsables, acteurs, bénéficiaires

Remboursements aléatoires de crédits campagne (cercle de caution) ; Non respect des recommandations techniques par les producteurs

Principaux résultats Création de l’OPCC-GIE

GP coton en rapport à leur évolution (GPB, GPM, GPA)

Caution solidaire

Maîtrise de la culture du coton par les paysans Situation actuelle du

dispositif

Fonctionnement aléatoire de l’activité intrants et production de coton :

- désengagement de l’activité intrants (transfert à l’OPCC)

- baisse des rendements et de la production de coton Filière en crise : prix intrants élevés, prix coton en baisse

Réduction des doses d’application de la fumure minérale

Fonds de garantie épuisés

Le dispositif à la main mise sur la gestion des intrants que sur l’amélioration de la production de coton Perspectives d’évolution du

dispositif

Crédits campagne aux vraies cautions solidaires Désengagement des services de l’encadrement agricole

Diversification des cultures en rotation avec le coton comme solutions à la filière en crise (soja, tournesol) Privatisation en vue de la SODECOTON

Source : Mana, 2007

4.2.3.2. Les groupements des producteurs 4.2.3.2.1. Bref rappel historique et contexte

Au Cameroun, le gouvernement a affirmé sa volonté de la structuration du monde rural et la « responsabilisation accrue des agriculteurs » en 1973. Cette volonté politique a été à l’origine de l’émergence des organisations rurales de natures diverses : associations, coopératives, Groupements d’Initiatives Commune (GIC), Groupements d’Intérêt Economique (GIE). Le système coopératif basé sur la loi de 1973 sur les coopératives est remis en cause lors d’un séminaire national tenu à Yaoundé en 1988.

Une réflexion est ensuite organisée et débouchera notamment sur la promulgation, en 1990, d’une loi sur les associations, suivie, en 1992, de la loi sur les coopératives et les groupements d’initiatives commune et de la loi de 1994 sur les groupements d’intérêt économique. Ces dispositions législatives, et notamment la loi de 1992, feront l’objet de diverses mesures d’accompagnement auxquelles plusieurs bailleurs de fonds, dont la Coopération française, apporteront leur soutien. La « Central Unit for Rural Organisation Reforma » (CUROR) est créée au Ministère de l’agriculture en 1992 et mènera diverses actions : campagnes d’information sur les nouvelles lois (financées par l’Agence des États-Unis pour le Développement International, USAID), mise en place d’un service du Registre (Coopération française) etc.

Un système privé de conseil et de formation au profit des organisations paysannes est également mis en place. Financé par l’Union européenne (UE) et l’Agence Française de Développement (AFD), le Fond d’Appui aux Organisations Rural (FONDAOR),

doté de 800 millions de FCFA, visait à « aider les organisations à se payer les services de prestataires privés » (formations, appui/conseil, études de faisabilité…), à élargir la base des services proposés pour les prestataires, (et à) professionnaliser les organisations, etc. », en les mettant en situation de responsabilité dans le choix des prestataires et dans les relations qu’elles établissaient avec eux (Mercoiret et Pesche, 2003 ; Achancho, 2004). Mis en œuvre à partir de 1993, le FONDAOR a connu, à l’évidence, certaines dérives mais il a aussi permis une meilleure connaissance de la législation par les ruraux, l’augmentation du nombre des prestataires de services et la diversification de l’offre d’appui, etc. Il a contribué aussi à révéler la difficulté pour des organisations paysannes très jeunes et inexpérimentées de nouer des relations de partenariat avec des intervenants extérieurs.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de libéralisation de l'économie et de l'application des orientations de la nouvelle politique agricole, l'Etat camerounais met en place dès 1990 un certain nombre de textes réglementaires visant à favoriser l'émergence d'acteurs nouveaux que sont les organisations paysannes. Ces textes sont : - la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d'association. Ce texte remplace

la loi n° 67/LF/19 du 12 Juin 1967 qui elle-même abrogeait la loi de 1901. La loi de 1990 s'est avérée plus souple et donnait le pouvoir aux préfets des Départements (administration territoriale) de certifier l'existence des associations ;

- la loi n° 92/006 du 14 Août 1992 concernant les sociétés coopératives et les groupes d'initiatives communes, en remplacement de la loi N° 73/15 du 07 décembre 1973 portant statut des sociétés coopératives. A travers cette loi, plusieurs organisations de base, ayant un nombre réduit de membres se sont légalisées et ont engagé un processus de structuration en unions et fédérations de GIC. Cette loi a permis également aux producteurs agricoles, en particulier dans les filières café et cacao, de se libérer d'un long passé coopératif dirigiste où la non transparence dans la gestion a créé des attitudes de rejet du terme "coopérative"

chez les agriculteurs ;

- La loi de 1993 sur les groupements d'intérêt économique.

Cette forme d'association est plus contraignante sur la responsabilité des membres vis à vis des dettes du groupe. L'enregistrement se fait dans ce cas au registre du commerce. Actuellement, on assiste à une véritable recomposition sociale dans les bassins cacaoyer et caféier ou les GIC et unions de GIC prennent de l'avance face aux anciennes coopératives qui ont perdu la confiance des planteurs. C'est dans le sillage de la loi de 1992 que le registre des coopératives et groupes d’initiatives communes a été créé pour permettre parmi d'autres attributions, de légaliser ces formes d'associations paysannes. Il faut toutefois noter que la souplesse de cette loi a laissé des occasions de dérives importantes : plusieurs sociétés privées de prestations de services, n'ayant rien à voir avec des activités agricoles ou pastorales ont pu se légaliser en GIC pour échapper à la fiscalité. De même un tissu important de coopératives d'épargne et de crédit s'est développé, échappant au contrôle du Ministère des finances.

Outre ce cadre réglementaire, une évolution est perceptible au niveau du discours et des stratégies politiques de prise en compte des OP par le gouvernement (création d’une sous direction d’appui aux OP, participation des pouvoirs publics aux activités de la Cnop-Cam (Concertation nationale des OP au Cameroun, née en 2000, avec ses

20 fédérations, elle a notamment pour mission de servir de cadre national de dialogue et de représentation des OP, de favoriser leur implication dans les espaces d’élaboration des politiques de développement rural, de promouvoir le dialogue entre OP, Etat et autres acteurs du développement), participation des membres de la Cnop-Cam aux forums concernant la réduction de la pauvreté, etc.). Malgré tout, la participation des OP dans la prise des décisions reste encore faible. Dans tous les cas, il existe dans l'ensemble du pays et au sein de chaque village des formes élémentaires d'OP, que sont les groupes d'entraide ou les tontines. L'enclavement est un handicap important à l'organisation des producteurs. Quelque soit leur niveau de performance et d'organisation, les associations paysannes identifiées méritent d'être soutenues pour permettre aux producteurs de s'insérer valablement dans le tissu économique. Un important travail d'organisation et de structuration est à faire (Mercoiret et Pesche, 2003 ; Achancho, 2004).

4.2.3.2.2. Les organisations des producteurs de la filière coton

Le développement des relations contractuelles est d’ailleurs à l’origine de la structuration du paysannat. Les organisations des producteurs ont été créées dans les années 80 à l’initiative de la SODECOTON pour prendre en charge la collecte primaire du coton graine. Depuis la création des groupements, la relation entre la SODECOTON et producteurs passe donc par l’intermédiaire de leur organisation ou du groupement. Ainsi, les producteurs de coton sont organisés en groupements au niveau des villages (un village peut avoir un ou plusieurs groupements, chacun comptant de 100 à 800 producteurs). Le nombre de groupements est passé de 1 800 lors de la création de l’OPCC-GIE en 2000 à près de 1 900 en 2006. La plupart des organisations des producteurs dans les villages sont légalisées sous forme de Groupement d’Intérêt Commun. Seulement 5,3% des groupements n’ont pas de statut juridique. Ils sont en majorité issus des scissions des groupements plus anciens.

Au départ, ces groupements avaient pour seule activité la collecte primaire de la production agricole en général et surtout la production cotonnière. A partir de 1987 les groupements dont le fonctionnement a été jugé satisfaisant, ont élargi leurs activités à l’encadrement agricole et à la gestion d’un magasin d’intrants devenant ainsi des Groupements Villageois Autogérés ou GVA. Ces groupements disposent en leur sein de plusieurs cercles de caution solidaire (chaque cercle regroupant 15 à 20 producteurs) garantissant le remboursement des crédits intrants. En effet, la SODECOTON distribue chaque année environ 15 milliards de FCFA de crédits. Il faut que ces crédits soient remboursés afin qu’elle paie ses fournisseurs et qu’elle puisse à nouveau donner des crédits pour la campagne suivante.

De plus, les groupements et les producteurs s’engagent à lutter contre la fuite de coton de leur marché vers les autres villages et ou les pays voisins (Nigeria, Tchad) et à dénoncer les trafiquants. Par rapport au stockage, la gestion et l’utilisation des intrants et du matériel, les planteurs du groupement s’engagent à utiliser les intrants cédés à crédit par la SODECOTON uniquement sur leurs cultures et s’interdissent de les rétrocéder à des tiers ou à les utiliser sur d’autres cultures non encadrées par la SODECOTON. Les chefs de cercle s’engagent à faire respecter cette clause.

Les groupements ainsi que les chefs de cercle de caution s’engagent à : proposer comme membres de l’équipe d’achat des agents de deux sexes qui sont sérieux, honnêtes, sobres et de bonne moralité ; assurer la discipline parmi ses planteurs, préparer la place du marché et des points d’achat en collaboration avec les agents SODECOTON suivant les normes de sécurité incendie en vigueur. Elle s’engage à : sortir le coton graine sur la place du marché en temps voulu afin qu’il soit classé ; livrer du coton graine marchand, sans vice et sans corps étrangers, mettre en place l’équipe d’achat formée et retenue lors des tests sans substituer un membre par un autre n’ayant pas été formé ; suivre les procédures de pesée, d’achat prévues et en assurer toute transparence ; disperser les attroupements autour de la bascule et des hangars (danki) d’achat et accepter tout contrôle des documents de commercialisation par les agents de la Direction de la Production Agricole (DPA) et à suivre leurs recommandations.

Enfin, l’OPCC-GIE a organisé ses groupements en trois catégories selon leur niveau d’autonomie, à savoir : Le GPB (Groupement de Producteurs de Base). Il est géré par un agent de la SODECOTON ; Le GPM (Groupement des Producteurs avec Mandat de gestion). Il est géré par un agent de la SODECOTON, mais qui est pris en charge financièrement par le groupement ; Le GPA (Groupement de Producteurs Autonomes), La gestion du groupement est entièrement sous la responsabilité des producteurs. La SODECOTON n’y exerce aucune autorité. Le surveillant de culture et les produits du magasin sont du groupement.

Source : SODECOTON, 2007

Figure 4 : Structure d’une organisation des producteurs coton

4.2.4. La singularité d’une évolution vers une contractualisation plus explicite au