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L’entreprise : Recherche de profit et de la croissance

DEMARCHE METHODOLOGIQUE

3.1. LE CADRE CONCEPTUEL DE LA THESE

3.1.3.4. Les fondements économiques de la stratégie d’entreprise

3.1.3.4.1. L’entreprise : Recherche de profit et de la croissance

Centre de décision sur l’investissement, l’emploi (créations-suppressions), la production et la commercialisation de produits et/ou de services, l’entreprise est, pour l’économie industrielle, le point de départ de l’analyse. On doit donc s’interroger sur la nature de la firme et sur sa fonction objective. Dans la théorie économique classique et néo-classique, l’entreprise apparaît comme un producteur abstrait et interchangeable (une boite noire sans épaisseur) qui en combinant de façon optimale des facteurs de production, contribue à la réalisation de l’équilibre. Dans l’équilibre de longue période du modèle de concurrence parfaite, les coûts de différents producteurs identiques, les profits nuls et le prix est égal au coût moyen et au coût marginal. C’est la conception marginaliste de la firme qui ne peut convenir aux économistes industriels puisqu’elle

implique une homogénéisation complète des conditions production et une absence totale de pouvoir de marché. La firme est dans une position de Price Taker ; elle ne peut avoir aucune action sur le marché.

C’est seulement en 1937 que Ronald Coase pose ouvertement la question du statut théorique de l’entreprise dans un article intitulé The Nature of the Firm (Coase, 1987).

La problématique centrale de Coase est fondée sur l’idée que la firme n’existe que parce qu’elle peut être un substitut au marché. Il est donc nécessaire d’effectuer une comparaison de coûts : coûts d’organisation interne de cette substitution au marché doivent être comparés aux coûts de transaction qui existent lorsqu’on fait appel au marché. Cet article fondateur, qui contribuera beaucoup à ce que son auteur reçoive le prix Nobel d’Economie en 1991, déclenche un vaste mouvement d’idées sur la théorie de la firme et la science des organisations (Cyert et March, 1967 ; Charreaux et Ali, 1987 ; Coriat et Weinstein, 1995 ; Gabrie et Jacquier, 1994 ; Koenig, 1993 ; Menard, 1990 ; Soulie, 1992).

La firme est progressivement appréhendée comme une organisation ou encore une coalition dont les différents composants sont les actionnaires, le PDG, les managers, les cadres, les employés, les syndicats, les clients. Les intérêts et les objectifs de chacun peuvent être ainsi en conflit avec ceux des autres et la firme doit disposer d’un système de résolution des conflits interne et externes. Dans ce mouvement d’approfondissement de la notion d’entreprise, retenons pour notre propos, deux orientations majeures :

a)L’approche de Williamson approfondit la notion de coûts de transaction et oppose l’organisation par la hiérarchie à l’organisation par le marché. Dans le premier cas les modalités d’organisation internes de l’entreprise se substituent au marché mais elles génèrent des coûts d’organisation qui sont en fait des coûts de transaction internes.

Dans le second cas, le recours au marché génère des coûts de transaction qui recouvrent toutes les dépenses afférentes à la recherche des sources d’approvisionnement, la négociation, la gestion des contrats. C’est donc le problème de l’intégration verticale qui est posé avec le choix entre faire soi même ou acheter à l’extérieur (make or buy decision). C’est ainsi, plus généralement, le problème de la

« frontière » de l’entreprise et de l’organisation rationnelle de ses relations avec ses partenaires amont (fournisseurs) et aval (clients). Ce champ est aujourd’hui totalement bouleversé par la nouvelle économie.

b) La deuxième orientation des recherches comme les relations de pouvoir entre différents éléments constitutifs de l’entreprise et notamment entre les actionnaires et les managers. Ces relations peuvent être analysées à l’aide de la théorie de l’agence.

L’actionnaire (dénommé principal) délègue à un manager (dénommé agent) le soin de diriger l’entreprise sachant que cette direction soit se faire au mieux des intérêts du principal. Les deux approches que nous venons de citer recouvrent des champs d’investigations considérables. Elles se compliquent singulièrement dans la mesure où elles s’inscrivent dans un contexte général de rationalité limitée qui introduit asymétries d’informations, alea moral, comportements opportunistes et anti sélection.

Les deux approches débouchent sur l’économie des contrats et des conventions avec les mécanismes incitatifs qui y sont associés (Brousseau, 1993). On imagine toutes les implications stratégiques de telles analyses. Le producteur abstrait, imagine de la firme

dans la vision marginaliste, à donc fait place à un organisme vivant et composite dont la structure interne et les formes de relation avec l’extérieur se modifient au cours du temps. C’est donc un statut complexe qui donne à la firme l’économie industrielle puisque la firme est elle-même sujet d’étude.

La reconnaissance de la firme comme une organisation pose d’une façon nouvelle le problème de la fonction objective de l’entreprise. En effet, l’unité conceptuelle de la firme néo-classique où le producteur (abstrait) cherche à maximiser son profit en égalisant prix et coût marginal est remis en cause. La firme organisation est constituée par des éléments qui par nature, ont des objectifs différents et antagonistes. La littérature économique fait état de nombreux objectifs que peuvent exprimer les actionnaires, les mangers, les cadres, les employés : augmentation des dividendes et du cours des actions, hausse des rémunérations des managers, maximisation des ventes, désir de sécurité, recherche d’un profit minimum, survie à long terme de l’entreprise.

La conception selon laquelle l’entreprise est une organisation ou une coalisation aboutirait ainsi à la construction d’une fonction objective composite, différente d’une firme à une autre, résultat de marchandages, de négociations, de compromis entre les différents participants et leurs objectifs propres.

Chaque firme aurait ainsi sa propre fonction objective, résultat explicite ou implicite, d’un processus de négociation interne. La réalité effectivement à confirmer que toutes les entreprises, même à l’intérieur d’un secteur donnée, n’ont pas les mêmes politiques de dividendes, de rémunération, d’arbitrage entre le court terme et le long terme, ni la même attitude face au risque. Par delà ces différences, il faut bien toutes fois admettre une logique économique commune de la fonction objective de l’entreprise privée. On peut soutenir que cette logique économique commune recouvre la recherche combinée de profit et de croissance. Le profit doit être pris au sens large, non pas comme profit comptable mais comme la différence entre les recettes et les coûts utiles (ce concept de coût utile est utilisé de plus en plus fréquemment dans les opérations de cost cutine).

Le profit au sens large peut ainsi inclure des surcoûts et de l’excédent organisationnel, des dépenses non strictement nécessaires au fonctionnement de l’organisation. Cette recherche du profit, au sens le plus large, reflète un certain compromis entre les objectifs conflictuels affichés par la plupart des membres de la coalition. Par ailleurs, cette recherche du profit est bien confirmée par les critères de calcul économique utilisés couramment dans les entreprises pour le choix des investissements : recherche du taux de rentabilité interne ou de la valeur actualisé nette maximum.

La croissance se mesure par l’augmentation du chiffre d’affaires et des parts de marché. Sauf cas particulier de position monopolistique figée ou de forte collusion, la dynamique concurrentielle implique nécessairement de la part des entreprises concernées, une stratégie visant à accroître parts de marché et chiffre d’affaires. Ces deux axes majeurs profit-croissance se combinent selon des proportions et des caractéristiques (notamment celles concernant le profit) qu’il est difficile de préciser de façon générale. Elles dépendent à la fois de facteurs internes et externes. Les facteurs internes concernent la structure de l’actionnariat, la forme du contrôle et la nature des relations principal-agent. Ces caractéristiques commandent, en partie, la dynamique du partage du surplus. Cette dynamique dépend en second lieu de facteurs externes qui concernent essentiellement la dynamique sectorielle et la nature des

pressions concurrentielles auxquelles se trouve confrontée l’entreprise, y compris celles exercées par les marchés financiers. Ces pressions, si elles sont fortes, réduisent d’autant les opportunités de surprofit ou d’excédent organisationnel et tendent à forcer l’entreprise à une vigilance concurrentielle de tous les instants.