• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Synthèse de tapis de NTCs alignés et caractérisations physico-chimiques

3.1.2. Synthèses sous argon seul

Ces synthèses ont pour but d’obtenir des tapis de NTC alignés dont le diamètre des NTC est de l’ordre de 50 nm. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les travaux de M. Pinault et al. [Pinault, 2004], [Pinault, 2005c] en travaillant avec le dispositif de CVD de grandes dimensions défini précédemment. Ainsi, les synthèses ont toutes été effectuées à 850 °C, pour des durées de 120 et 180 min, sous argon (3 Ln/min) en utilisant une solution de toluène à 2,5 % en masse de ferrocène.

Dans un premier temps, nous avons mesuré l’épaisseur des tapis soit par MEB, soit avec un Palmer (ou pied à coulisse), et nous avons tracé l’évolution de l’épaisseur des tapis en fonction de leur position le long du réacteur (voir figure 3.3). En ce qui concerne l’épaisseur des tapis une variation d’épaisseur le long du réacteur depuis l’entrée des précurseurs est constatée à l’œil nu. Ainsi pour une synthèse effectuée sur des petits substrats à raison de deux substrats par encoche durant 120 min à 850 °C sous argon selon la configuration A, les huit premiers substrats (en partant de l’entrée du réacteur) de dimensions 15 x 15 mm voient seulement un très léger dépôt carboné sans aucune croissance de NTCs car du fait de leur position au sein du réacteur (situés entre 3 et 13 cm

Chapitre 3 : Synthèse de tapis de NTCs alignés et caractérisations physico-chimiques

après l’entrée du four), les températures atteintes dans cette zone (inférieures à 800 °C, voir figures 3.1 et 3.3) s’avèrent insuffisantes pour pouvoir assurer la croissance des NTCs [Castro, 2010]. Des tapis de NTCs alignés de faible épaisseur commencent à apparaître sur les deux substrats suivants positionnés à 14 cm après l’entrée du four (correspondant à une température de 805 °C), mais c’est surtout sur les dix substrats suivants situés dans la zone s’étendant de 160 jusqu’à 24 cm après l’entrée du four que la croissance de NTCs alignés a lieu de manière efficace en atteignant une épaisseur de tapis millimétrique (voir la zone entourée en rouge à la figure 3.2 (a)) à l’issue d’une synthèse de VACNT-50). D’après la superposition entre le profil thermique et le graphe de l’épaisseur de tapis de NTCs alignés représentée sur la figure 3.3, cette zone débute légèrement en amont de la zone isotherme (de 14 à 22 cm après l’entrée du four) où la température est proche de 800 °C (805 +/- 20 °C) puis s’étend dans la zone isotherme du four (située de 23 à au moins 34 cm) où la température atteint 850 +/- 10 °C, ce qui permet une décomposition des précurseurs carboné et métallique, et par la suite la croissance des nanotubes [Castro, 2010].

De 14 à 16 cm (après l’entrée du four) où la température est comprise entre 810 à 820 °C (+/- 20 °C), une légère augmentation de l’épaisseur de tapis variant de 3,0 à 3,25 mm est constatée sur le graphe de la figure 3.3 (a), suivie par une diminution continue et rapide lorsqu’on progresse le long du réacteur de l’amont vers l’aval, particulièrement après la position 20 cm jusqu’à 34 cm (après l’entrée du four). Cette diminution en épaisseur a également été constatée sur les substrats de grandes dimensions, confirmant que la taille des substrats ou la présence d’encoches n’a aucune influence sur les zones ou l’épaisseur en NTCs est supérieure à 1,5 mm (petits substrats) ou 2,5 mm (grand substrats). Notons que cette diminution d’épaisseur des tapis de NTC le long du réacteur en partant de l’entrée du four a déjà été mise en évidence dans les travaux de thèse de Célia Castro qui recourait à un dispositif de petite taille, puis confirmée dans les travaux de thèse de Stéphanie Patel qui utilisait le dispositif de grande taille également employé dans la présente étude. Cette diminution en épaisseur des tapis s’explique en réalité par un appauvrissement du volume réactionnel en particules catalytiques à base de fer au fur et à mesure de la progression de celles-ci le long du réacteur, conduisant ainsi à des vitesses de croissance et donc à des épaisseurs de tapis plus faibles [Castro, 2010].

Ainsi, dans les conditions de synthèse précédemment décrites (850 °C sous argon à 3,0 Ln/min) et pour une durée supérieure d’au moins 180 min, il a pu être établi que la collecte de petits échantillons de tapis d’épaisseur supérieure ou égale à 1,5 mm doit être effectuée dans la zone comprise située entre 14 à 24 cm après l‘entrée du four au niveau de laquelle la température varie entre 805 +/- 20 °C à 850 +/- 20 °C. La précision est de +/- 20 °C en température compte-tenu d’une part du pas de mesure du thermocouple, et d’autre part des conditions de mesure avec le réacteur ouvert à ses extrémités qui s’avèrent différentes de celles avec le réacteur fermé et balayé par de l’argon caloporteur en configuration de synthèse. Dans cette zone relativement restreinte, il est donc possible de collecter huit à dix tapis selon la configuration A, et quatre à cinq tapis si l’on adopte la configuration B. Sachant que l’épaisseur de ces derniers varie d’environ 3,0 mm à 1,5 mm, cela signifie que la durée de l’étape d’usinage sur les matériaux composites préparés ultérieurement devra être ajustée en fonction du tapis utilisé.

Ces résultats d’évolution d’épaisseur le long du réacteur pour une synthèse de 120 min rejoignent ceux établis par Patel et al. au niveau d’une synthèse réalisée à 800 °C (soit 50 °C plus bas que dans notre cas) et pendant 75 min [Patel, 2013]. En effet, Patel et al. avait mis en évidence la formation soudaine de tapis épais de NTCs alignés dès le début du réacteur (à partir de 10 cm après l’entrée du réacteur) avec une épaisseur de tapis maximale à 23 cm (après l’entrée du four), c’est-à-dire dans une zone où la température atteint 800 +/- 20 °C (790 °C sur le profil thermique). Cette valeur est tout à fait compatible avec la température atteinte dans notre cas à la position correspondant à 16 à 18 cm après l’entrée du four (coïncidant avec la gamme {810-820 °C} sur le profil thermique). Ceci est suivi d’une chute rapide et continue de l’épaisseur à partir de 230 mm après l’entrée du réacteur [Patel, 2013].

Figure 3.3 :

(a) Evolution de l’épaisseur moyenne des tapis de NTCs alignés en fonction de la position considérée par rapport à l’entrée du four au sein du réacteur pour une synthèse sous argon à 850 °C pendant 120 min. La zone de croissance

permettant d’obtenir des tapis dont l’épaisseur est supérieure ou égale à 1,5 mm est délimitée par les pointillés et correspond à la zone comprise entre 160 à 240 mm après l’entrée du four ;

(b) Profil thermique du four tracé le long du réacteur.

(a)

Chapitre 3 : Synthèse de tapis de NTCs alignés et caractérisations physico-chimiques

Afin de déterminer la vitesse de croissance des tapis de VACNT-50 obtenus sous argon à 850 °C à partir d’une solution concentrée à 2,5 % en masse de ferrocène à une position donnée au sein de la zone de croissance des VACNT, des synthèses de durée allant de quelques minutes à plusieurs heures ont été réalisées sous des conditions expérimentales inchangées, et ce à raison d’un seul substrat disposé par encoche au niveau du porte- substrat (configuration B). Au vu de la figure 3.4, il a été vérifié que pour des substrats placés à 18 cm après l’entrée du four, la variation d’épaisseur des tapis ayant crû sur ceux-ci évolue linéairement avec la durée de synthèse dans la gamme 15 à 240 min, selon une vitesse de croissance moyenne égale à 18 µm/min (voir figure 3.4 ci-dessous).

Figure 3.4 : Evolution de l’épaisseur des tapis de NTCs alignés (synthèse sous argon à 850 °C) en fonction de la durée de synthèse pour des substrats placés à une position donnée dans le réacteur (18 cm après l’entrée du four) selon la

configuration B.

Ainsi, on en déduit que, pour obtenir des tapis de NTC alignés dont l’épaisseur est supérieure ou égale à 1,5 mm dans ces conditions expérimentales, il est nécessaire de réaliser des synthèses pendant une durée au moins égale à 75 min. Cela confirme les tendances déjà décrites par F. Roussel dans sa thèse dans des conditions de synthèse légèrement différentes [Roussel, 2012].

Concernant l’évolution des vitesses de croissance au sein du réacteur pour la synthèse de référence mentionnée à la figure 3.3, on constate une diminution très rapide des valeurs d’environ 26 à 12 µm/min entre 14 et 24 cm après l’entrée du four, de la même manière que pour l’épaisseur de tapis de VACNT. Afin d’expliquer et d’interpréter cette diminution concomitante de l’épaisseur des tapis de VACNT-50 et de la vitesse de croissance de ceux-ci dans ces conditions données, il est nécessaire de recourir aux mécanismes de croissance des tapis de NTC qui ont été antérieurement étudiés dans un dispositif CVD de petite dimension, notamment dans les thèses de Mathieu Pinault et de Célia Castro [Pinault, 2005c], [Castro, 2009]. Ces travaux mettent en évidence une première phase correspondant à la germination homogène de nanoparticules à base de fer qui se déposent sur les substrats et qui ont été identifiées quelques années plus tard comme étant un carbure de fer (ou cémentite) de structure orthorhombique [Landois, 2015]. La formation de ces particules résulte de la décomposition du ferrocène, qui sous argon, apparaît autour de 826 °C [Turnbull, 1967], [Castro, 2010], c’est-à-dire en début de réacteur avant d’avoir atteint la zone isotherme lorsque les synthèses sont réalisées à 850 °C. Les particules ainsi formées jouent le rôle de catalyseur et permettent la formation très rapide de tapis de NTCs qui s’alignent très vite après seulement

quelques micromètres d’épaisseur [Landois, 2015]. L’ensemble de ces mécanismes est en parfaite cohérence avec les résultats de la présente étude obtenus en début de réacteur, même si les synthèses sont effectuées dans un dispositif de plus grandes dimensions et pour des durées beaucoup plus importantes que celles mises en œuvre dans les études précédentes.

Une fois les nanoparticules catalytiques formées en début de réacteur, un appauvrissement progressif de l’apport en particules catalytiques le long du réacteur a été mis en évidence sur un dispositif de petite taille [Castro, 2010]. De plus, ce phénomène a été confirmé par Patel et al. qui, en travaillant sur le même dispositif que celui utilisé dans la présente étude mais avec des durées de synthèse et un débit d’argon légèrement plus faibles (75 min et 2,5 L/min respectivement), avait mis en évidence une augmentation de l’épaisseur des tapis de NTC en début de réacteur suivie d’une diminution progressive le long du réacteur [Patel, 2013]. Ainsi la quantité de particules catalytiques est plus importante en amont du réacteur, ce qui permet la croissance de tapis plus épais et dont l’épaisseur diminue ensuite progressivement le long du réacteur [Castro, 2010]. C’est donc le même phénomène qui explique nos résultats, et les résultats de nos travaux de recherche confirment que ce phénomène reste valable pour des durées de synthèse importantes au sein d’un dispositif de grandes dimensions.

Concernant la vitesse de croissance, nos résultats mettent en évidence une vitesse de croissance de 18 µm/min pour des durées de synthèse variant dans le domaine 15 à 240 min (voir figure 3.2) à une position de située 18 cm après l’entrée du four. Cette valeur est compatible avec celles reportée par Patel et al. au niveau de la zone correspondant à l’épaisseur maximale de ses tapis de VACNT-50, à savoir environ 17 µm/min sur le dispositif de grande dimension [Patel, 2012].

Concernant les substrats de grande taille (100 x 40 ou 120 x 50 mm) pour des durées de synthèse comprises entre 180 et 300 min (supérieures à 120 min), nous avons pu vérifier que le profil en épaisseur des tapis de NTCs en fonction de la position dans le réacteur reste comparable à celui mesuré sur les petits substrats, avec une croissance de NTCs alignés de longueur supérieure à 1,5 mm sur une zone restreinte à {15 – 25 cm} après l’entrée du four. L’allure s’avère ainsi identique à celle des croissances observées sur les substrats de petites dimensions (carrés de 15 x 15 mm alignés deux à deux), avec le même profil décroissant en épaisseur de tapis que celui de la figure 3.3. (a). Par ailleurs en choisissant une position située à 18 cm après l’entrée du four, la figure 3.5 montre que les épaisseurs de tapis de NTCs obtenus sur des substrats de grande dimension semblent suivre une allure linéaire dans le prolongement de celles obtenues sur des tapis de VACNT de dimensions plus faibles à des durées de synthèse égales ou plus limitées.

Une durée de 120 minutes sous argon à 850 °C est ainsi sans doute suffisante pour synthétiser un grand tapis d’épaisseur inhomogène au moins égale à 1,5 mm sur un substrat de dimensions 120 x 50 mm. Un seul substrat de grandes dimensions est ainsi collectable par synthèse, avec une préférence pour du 100 x 40 mm plutôt que du 120 x 50 mm afin de respecter le cahier des charges. En outre, l’allure en longueur de NTC semble quasi- linéaire même si une tendance à la saturation de la vitesse de croissance semble s’établir au fur et à mesure que le tapis gagne en épaisseur à partir de durées de synthèse conséquentes de plusieurs heures (du fait d’une éventuelle difficulté croissante des nanoparticules catalytiques à traverser celui-ci pour atteindre la base du substrat de croissance). Il s’agit d’un avantage important apporté par l’alimentation continue et simultanée du précurseur catalytique et de la source carbonée.

Chapitre 3 : Synthèse de tapis de NTCs alignés et caractérisations physico-chimiques

Figure 3.5 : superposition de l’épaisseur de tapis de NTCs alignés en fonction de la durée de synthèse à une position inchangée de 18 cm après l’entrée du four pour des synthèses identiques sous argon à 850 °C sur des substrats de petite (15

x 15 mm) et de grandes dimensions (120 x 50 mm).