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Chapitre 2 : Techniques expérimentales

2.5. Les techniques d’analyse physico-chimique et structurale

Outre l’utilisation de la microscopie électronique en transmission haute résolution pour l’analyse structurale, la spectroscopie Raman a également été mise en œuvre sur les tapis de NTCs bruts de synthèse et recuits afin d’accéder à des informations structurales plus globales. De plus, des analyses ATG ont été réalisées afin de compléter les analyses structurales par une analyse en termes de composition chimique et notamment de teneur en résidus catalytiques à base de fer dans les différents échantillons bruts de synthèse.

2.5.1. La spectroscopie de diffusion Raman

La spectroscopie (ou microspectrométrie) Raman est une technique non destructive qui permet d’identifier les modes de vibration des liaisons interatomiques d’une molécule polarisable constituant un matériau cristallin, amorphe ou d’état intermédiaire [Barbillat, 1999]. Elle consiste simplement à focaliser un faisceau de lumière monochromatique (produit par un laser continu, généralement à une longueur d’onde émettant dans le vert vers 510-540 nm) sur la surface de la zone d’échantillon à analyser (surface sondée inférieure à quelques µm²). Les photons incidents sont en grande partie transmis, réfléchis ou absorbés et une fraction très minoritaire est diffusée. Une partie de la lumière est diffusée à la même fréquence (ν0) que la radiation incidente, c’est la diffusion Rayleigh

(diffusion élastique) alors qu’une partie infime des photons incidents (environ 1 photon sur 1 million) est diffusée avec un changement de fréquence, c’est ce que l’on nomme la diffusion Raman (diffusion inélastique). Celle-ci provient de l’interaction de la polarisabilité de la molécule avec la radiation incidente hν, laquelle interaction donne naissance à un moment dipolaire induit dans la molécule. Si la fréquence (ν0 – ν) du photon diffusé est inférieure à

celle du photon incident, il y a gain d’énergie vibrationnelle pour la molécule (et perte d’énergie pour le photon) : on parle de raie Stokes. Si au contraire le photon incident est diffusé à une fréquence (ν0 + ν), il y a perte d’énergie

vibrationnelle pour la molécule (et gain d’énergie pour le photon): on parle de raie anti-Stokes. Comme l’intensité (lié à la population en photons des niveaux excités) de celle-ci décroît plus rapidement que celle de la raie Stokes lorsque ν augmente (cf. loi de Boltzmann), c’est généralement cette seconde qui est retenue. Tous les matériaux peuvent ainsi être analysés par spectroscopie Raman sans préparation particulière, qu’ils soient à l’état solide (c’est le plus facile), liquide ou vapeur. La mesure permet d’acquérir un spectre constitué de plusieurs bandes d’énergie représentant une ou plusieurs raies Stokes (caractéristiques des liaisons en présence) en fonction du nombre d’onde (ou Raman shift en cm-1), lequel est directement relié aux énergies de vibration et de rotation des liaisons

atomiques d’une molécule. L’intensité est généralement exprimée en nombre de « coups » relatifs.

La spectroscopie Raman a été employée afin d’estimer le degré d’organisation structurale des différents types de tapis de NTCs alignés synthétisés et/ou traitées thermiquement. En particulier, l’objectif est de caractériser de manière quantitative la qualité structurale des différents types de NTCs bruts de synthèse et recuits en analysant les échantillons le long de la tranche des tapis et en suivant l’évolution des bandes Raman. Pour, cela le rapport d’intensité des bandes principales du 1er ordre, communément admis dans la littérature pour qualifier la qualité

structurale des nanotubes de carbone, peut être calculé. Cette analyse peut être confrontée à celle réalisée par microscopie électronique à balayage et surtout par MET HR.

Un spectre Raman caractéristique et représentatif d’un nanotube de carbone aligné est visible en figure 2.5 (extrait des travaux de thèse de Célia Castro).Dans le domaine 800 – 1 800 cm-1, les nanotubes de carbone sont

caractérisés au premier ordre par deux bandes principales D (mode de respiration de la symétrie A1G) et G (due aux

phonons de la zone centrale de la symétrie E2G [Ferrari, 2000]) respectivement centrée à 1 350 cm-1 et 1 580 cm-1.

Chapitre 2 : Techniques expérimentales

atomes de carbone de type sp2 localisés au sein des cycles aromatiques constituant les feuillets (ou plans) de graphène. La bande D (ou D1) est proportionnelle à l’ensemble des défauts au sens large puisqu’elle caractérise la taille des cristallites, elle peut traduire la présence de carbone amorphe et est attribuée aux carbones des cycles aromatiques en présence de défauts structuraux [Tuinstra, 1970].

Figure 2.5 : spectre Raman caractéristique de nanotube de carbone verticalement alignés ayant crû sous la forme de tapis [Castro, 2009], [Debski, 2014]

A ces deux bandes principales, s’ajoute la présence éventuelle de deux autres bandes : la bande D2 centrée à 1 620 cm-1 (épaulement de la bande G) reflète la distribution des distances inter-feuillets ; et la bande D3 centrée

à 1 500 cm-1 située entre les bandes D et G et traduisant la présence de défauts locaux propres au carbone amorphe

hybridé sp2 (comme des carbones hybridés sp3 parmi des structures très majoritairement hybridés sp2 ou des défauts interstitiels [Jawhari, 1995], [Sadezki, 2005], [Choi, 2013]). Un nombre restreint d’études font également apparaître une bande dont le maximum se trouve situé entre 1 200 et 1 300 cm-1, souvent nommée D4 et intégrée

dans le pied de pic de la bande D qui correspondrait à la contribution unique du carbone amorphe hybridée sp3 de type DLC ou « Diamond-Like Carbon » [Ferrari, 2000], [Sadezki, 2005]. De plus, au second ordre à 2 700 cm-1 une

bande 2D (harmonique de la bande D) est observable, elle est indépendante des défauts et on la rencontre souvent dans des structures graphitiques parfaites (elle est également sensible aux liaisons et aux fonctionnalités des NTCs). Il est communément admis dans la littérature que la qualité structurale des NTCs peut être évaluée par le rapport des intensités des bandes D et G (ID/IG), et plus rarement par le rapport des intensités ID/I2D [Castro, 2010]. Plus ces rapports sont faibles, et meilleure est la qualité structurale du carbone, à savoir qu’il y a moins de défauts structuraux. Toutefois, une étude de Ferrari et al. démontre que le rapport ID/IG est insuffisant pour juger du caractère plus ou moins amorphe d’une structure carbonée (il peut diminuer en valeur absolue lorsque la proportion de carbone amorphe hybridé sp3 augmente) [Ferrari, 2000]. C’est pourquoi, dans notre étude, outre les rapports ID/IG et ID/I2D, nous avons également évalué le rapport ID3/IG [Sadezki, 2005], [Choi, 2013].

Afin de déterminer les rapports d’intensité des bandes, il est nécessaire de décomposer/déconvoluer les bandes caractéristiques du spectre. Pour cela, une procédure identique a été appliquée: tout d’abord, une ligne de base est définie, puis chaque bande est ajustée en imposant une gamme donnée en nombre d’onde, notamment les déconvolutions ont été effectuées dans la gamme [1200 - 1700] cm-1 afin déterminer les différentes

composantes des bandes D et G. Les ajustements sont réalisés en appliquant une fonction de Voigt qui correspond à une combinaison d’une fonction gaussienne et d’une fonction lorentzienne; après ajustement des bandes théoriques déconvoluées à la courbe correspondant au spectre expérimental, les bandes D et G possèdent une

(a)

contribution totalement lorentzienne, la bande 2D est aux deux-tiers lorentzienne, les composantes des bandes D2 et D3 s’avèrent majoritairement gaussiennes, tandis que la bande D4 possède une allure moitié gaussienne, moitié lorentzienne (voir figure 2.6). La position au centre, la hauteur (ou l’intensité), la largeur à mi-hauteur et l’aire de chacune des contributions peuvent ainsi être déterminées.

Figure 2.6 (gauche à droite):

(a) Spectre Raman caractéristique (trait marqué) des NTC avec la déconvolution des bandes caractéristiques en traits pointillés (la bande G représentative de l’ordre graphitique et quatre pics de défaut) [Sadezki, 2005] ;

(b) Modes de symétrie associés aux bandes G et D [Ferrari, 2000] ;

Les mesures ont été réalisées sur un spectromètre Raman Invia Reflex (constructeur Renishaw) appartenant au Laboratoire Archéomatériaux et Prévision de l'Altération (LAPA) du service NIMBE au CEA Saclay. Il est équipé d’un laser Nd:YAG (classe 3B) émettant à 532 nm (vert) et d’un microscope optique Leica permettant de focaliser ce faisceau laser incident sur une surface restreinte de l’échantillon (objectif x 5, x 10, x 50 et x 100 disponibles). Pour un objectif de grandissement x 50, un spot d’analyse de diamètre environ 3 µm est projeté au niveau de chaque zone sondée. L’analyse a été effectuée dans la gamme {800 - 3 500 cm-1}, avec une puissance laser égale à

10 % de la puissance nominale (soit environ 1,0 mW sur l’échantillon) et un temps d’acquisition de 10 secondes de manière à éviter toute dégradation de l’échantillon carboné. Un filtre Edge permet de retirer la composante de diffusion Rayleigh du signal Raman. Le logiciel Wire 3.2 est utilisé pour l’acquisition des spectres et pour le traitement de ces derniers (résolution spectrale de 2 cm-1). Au niveau du protocole d’analyse, le spectromètre est

auparavant étalonné à l’aide d’un cristal de silicium sur la bande à 520,4 cm-1.

Concernant la préparation des échantillons, des morceaux de tapis de NTCs alignés ont été directement posés sur des lames de verre disposées sur la platine de mesure. Les mesures ont été exclusivement réalisées sur la tranche des tapis à raison de neuf spectres respectifs par échantillon, soit trois spectres par zone d’analyse correspondant respectivement au bas du tapis (proche de la base du tapis et du substrat de croissance), au milieu du tapis et au haut du tapis (proche du sommet du tapis).

Nombre d’onde Raman (cm-1)

a) Mode de respiration de la symétrie E2G

(bande G)

b) Mode de respiration de la symétrie A1G

(bande D)

(a)

(b)

(a)

(b)

a) Mode de respiration de la symétrie E2G

(bande G)

b) Mode de respiration de la symétrie A1G

Chapitre 2 : Techniques expérimentales

2.5.2. L’analyse thermogravimétrique sous air/argon

La technique d’analyse thermogravimétrique a été utilisée à la fois sur les tapis de NTC bruts de synthèse et sur les matériaux composites VACNT/époxy. Dans le premier cas, l’objectif est de déterminer la quantité de fer résiduel présent dans les échantillons, alors que dans le second cas, il s’agit d’évaluer la proportion massique de NTCs par rapport à l’époxy.

L’analyse thermogravimétrique (ATG) est une technique qui consiste à enregistrer la variation de masse en fonction du temps pour un programme de température et une atmosphère imposés. La courbe donnant les informations brutes représente la masse à un instant t ramenée sur la masse initiale en fonction du temps pour un profil thermique donné, soit m

m0 = f (t). Cette courbe peut être également représentée en fonction de la

température soit m

m0 = f (T).

Dans le cas des nanotubes de carbone, les thermogrammes réalisés sous air révèlent une perte de masse située entre 500 et 700 °C pour des NTCs bruts et entre 550 et 750 °C pour des NTCs recuits à 2 000 °C durant 2h00 sous argon. Cette perte de masse correspond à l’oxydation du carbone constituant les nanotubes et s’accompagne de la libération d’espèces gazeuses comme mentionné dans les réactions ci-dessous et décrites par Pinault et al. [Pinault, 2004] :

C (s) + O2 (g) --> CO2 (g) (1)

2 C (s) + O2 (g) --> 2 CO (g) (2)

3 C (s) + 2 O2 (g) --> 2 CO (g) + CO2 (g) (3) = (1) + (2)

Il y se produit également une oxydation complète des particules catalytiques à base de fer sous forme d’oxyde de fer à l’état de maghémite Fe2O3 selon les deux réactions ci-dessous se produisant en série, et laissant place à un

résidu solide de couleur rouille dans le creuset à l’issue de l’analyse ATG des NTCs bruts (la formation de carbure de fer Fe3C s’avère en effet très peu probable sous air).

3 Fe (s) + 2 O2 (g) --> Fe3O4 (s)

4 Fe (s) + 3 O2 (g) --> 2 Fe2O3 (s)

C’est la mesure de la masse de ce résidu qui permet de déterminer la teneur massique en fer présente dans les échantillons de NTCs bruts de synthèse selon la relation ci-dessous :

Taux de fer résiduel (%) = 100 x m (Fe2O3)

m0

x

M (Fer)

M (Fe2O3)

(Eq. 2-1)

Avec : M (Fer) = 55,845 g/mol: masse molaire du fer ; M(Fe2O3) = 159,69 g/mol : masse molaire de l’oxyde

ferrique ; m (Fe2O3): masse de résidu d’oxyde obtenu en fin d’ATG ; m0 : masse initiale de l’échantillon

Notons, que dans le cas des NTCs recuits à 2000 °C, en dehors de la perte de masse liée à l’oxydation du carbone, aucune perte de masse associée à l’oxydation du fer n’est constatée, ce qui témoigne de l’absence de fer dans les échantillons recuits [Pinault, 2004].

Dans le cas des matériaux composite, les analyses ATG sous argon permettent d’estimer le rapport massique entre la masse de NTC et la masse d’époxy compte tenu de l’inertie du carbone et du fer sous argon, alors que l’époxy se dégrade [Huard, 2014]. Cette méthode n’est valide qu’après avoir bien vérifié qu’il ne subsiste aucune porosité au sein du nanocomposite 1D.

Les analyses ont été effectuées en utilisant un appareil de type TGA 92-16-18 (marque Setaram). Au préalable, une acquisition appelée « blanc » qui consiste à suivre l’évolution de la masse du creuset vide en appliquant le programme de température défini pour l’analyse des échantillons est réalisée. Puis, chaque échantillon est découpé en petits morceaux afin de pouvoir le disposer dans le creuset (volume 230 µL) de l’appareil ; les masses d’échantillons introduites étant comprises entre 10 et 20 milligrammes. La courbe de perte de masse réelle de l’échantillon est corrigée en soustrayant la courbe du « blanc » à celle de la courbe « brute » de l’échantillon. Suivant les échantillons à analyser, nous avons travaillé soit sous une atmosphère d’argon 4.5 (nanocomposites « NTCs alignés/époxy » et époxy réticulés), soit sous air synthétique 5.0 (NTCs alignés, époxy réticulée et composites « NTCs alignés/époxy »). Le programme de température est similaire quelle que soit l’atmosphère: rampe de l’ambiante jusqu’à 150 °C à 10 °C/min, palier durant 15 à 30 min pour être certain d’évaporer les éventuels éléments adsorbés en surface (traces d’eau résiduelles…), puis rampe de 150 à 1 000 °C à 10 °C/min, palier de 30 minutes puis refroidissement jusqu’à l’ambiante à 40 °C/min.

2.6. Techniques de détermination de la masse volumique des tapis de