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Synthèse sur les principales formes régionales d’intervention agricole

comparaison des montants d’aides et des leviers d’intervention

3. DIVERSITE DES FORMES REGIONALES D’INTERVENTION AGRICOLE : MISE EN EVIDENCE A PARTIR DES CHOIX

3.3 Synthèse sur les principales formes régionales d’intervention agricole

Ce chapitre a permis, à partir de la répartition des fonds prévus pour le 2nd pilier, de distinguer 4 classes de régions européennes correspondant à des combinaisons particulières entre leviers d’intervention agricole. Les choix des Régions en matière d’aides agricoles hors

cadre européen ou dans le cadre du 1er pilier ont permis de préciser et de nuancer la

classification. Pour approfondir encore les logiques économiques à l’œuvre, cette classification doit être mise en relation avec l’argumentaire politique des Régions, compte tenu des groupes d’intérêts identifiés dans le chapitre 1 (néo-mercantiles, néo-libéraux et multifonctionnels). En découle une synthèse sur les différentes formes régionales d’intervention agricole, qui s’appuie notamment sur les régions d’enquêtes, à titre d’exemples (cf. tableau 13).

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L’Allemagne a opté pour un découplage total des aides (hormis quelques productions spécifiques comme le tabac et le houblon) et une harmonisation progressive des aides par hectare selon chaque Land (Boinon et al., 2006).

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La France a opté pour un recouplage maximal tant en productions animales que végétales et pour des références historiques (Boinon et al., 2006)

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La réforme de la PAC 2003 rend possible le versement d’aides 1er pilier découplées à des hectares sans production, pourvu que les terres soient entretenues dans les dites « bonnes conditions agricoles et environnementales ».

3.3.1 La valorisation des externalités environnementales comme levier d’intervention principal

Dans cette première forme d’intervention agricole régionale, différents intérêts économiques peuvent être favorisés. L’Angleterre comme le Royaume-Uni sont très représentatifs d’une logique néo-libérale, qui transparaît clairement dans leurs discours sur les politiques agricoles : comme il est dit dans le récent document « A vision for the CAP » (HM Treasury, DEFRA, 2005), l’agriculture se doit d’être : « internationally competitive without reliance on subsidy or protection », « non-distorting of international trade and the world economy », « rewarded by the market for its outputs, not least safe and good quality food, and by the taxpayer only for producing societal benefits that the market cannot deliver » (p. 3). Les soutiens à la valorisation des externalités environnementales ne sont considérés que comme des corrections de défauts de marché (Lowe et al., 2002 ; Ward, 2002), compléments marginaux de revenus d’exploitations agricoles fortement restructurées et productives. Les autres types de soutiens sont faibles, notamment ceux qui concernent la compétitivité des exploitations par la diminution des coûts de production140. Les aides relevant du levier de diversification des économies et d’amélioration des conditions de vie rurales peuvent constituer un moyen de sortir du secteur agricole pour un certain nombre d’actifs, mais aussi de marginaliser le soutien à l’agriculture dans l’intervention publique. Ainsi, les discours du DEFRA concernent très souvent, depuis les dernières crises sanitaires, l’ensemble des économies rurales et aucun des 5 premiers objectifs du Plan de Développement Rural anglais n’évoque directement l’agriculture (Ward, 2002). Pour autant, l’objectif de toucher une majorité d’agriculteurs dans le futur programme agro-environnemental anglais (Entry Level Stewardship Scheme) grâce à des modalités simplifiées (Grégory, 2005) manifeste le souci de concilier les intérêts néo-libéraux et les intérêts néo-mercantiles.

Il est difficile de faire ressortir des nuances dans les interventions agricoles des régions anglaises, tant leurs marges de manœuvre sont faibles (cf. chapitre 1, § 3.3.2). Hormis la

région du Sud-Ouest141, les chapitres régionaux du Plan de Développement Rural anglais

affichent tous en premiers objectifs la valorisation des externalités environnementales, la

protection de l’environnement et la restauration des paysages142. Par ailleurs, les

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Près de 20 % des fonds prévus 2nd pilier vont cependant à la compétitivité par la qualité et par la transformation et la commercialisation des produits, ainsi qu’à la diversification des économies rurales. Ces fonds s’ajoutent à des aides d’Etat sous forme de programmes divers, très difficiles cependant à quantifier (Ward, 2002).

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Les objectifs affichés du Sud-ouest sont plutôt orientés vers la diversification des économies et l’amélioration des conditions de vie rurales.

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Informations issues du site Internet des Services de Développement Rural (RDS) du DEFRA : http://www.defra.gov.uk/rds/.

gouvernements locaux anglais sont fortement imprégnés des principes du néo-libéralisme (Delcamp, Loughlin, 2003) et les documents de la Regional Development Agency anglaise reprennent globalement les idées développées par le DEFRA quant à la nécessité de réduction des aides agricoles, de suppression progressive des distorsions de concurrence, sans qu’il n’apparaisse d’objectif spécifique de maintien des agriculteurs.

L’Ecosse a pu marquer ses distances par rapport aux choix anglais : les positions écossaises en matière de 1er pilier soulignent une volonté de réformer plus progressivement la PAC actuelle et un objectif plus affirmé de maintien d’une agriculture économiquement et socialement importante, notamment dans les zones rurales très agricoles. Dans le document stratégique britannique (HM Treasury, DEFRA, 2005), l’agriculture doit contribuer au développement rural. Dans le document stratégique écossais, elle doit en être le vecteur principal (Seerad, 2006). Ward et Thompson (2002) observent que contrairement au Plan de Développement Rural anglais, l’environnement n’est pas tant évoqué dans le plan écossais comme un moyen de protéger les ressources naturelles que comme un moyen d’augmenter la valeur ajoutée agricole et d’améliorer la situation régionale économique et sociale. Le fort montant d’aides par actif agricole financé par l’Ecosse (relativement à l’Angleterre), la très nette dominance des aides aux zones défavorisées (et non des mesures agro-environnementales), l’accompagnement hors 2nd pilier par des soutiens à la diminution des coûts de production agricole, les faibles éco-conditions associées au 2nd pilier, montrent que l’Ecosse, bien qu’alignée sur les grandes orientations britanniques, a néanmoins une stratégie plus axée sur la compétitivité, le soutien aux revenus et le maintien d’exploitations agricoles importantes sur les plans économique, social et de l’aménagement du territoire. Enfin, contrairement au document britannique, les orientations écossaises n’évoquent pas comme objectif principal la compétitivité sans aides sur les marchés mondiaux de l’agriculture. Plus généralement, l’Ecosse épouse une position plus néo-mercantile et donc moins néo-libérale que l’Angleterre. Ce qui n’est guère étonnant dans une région où le rôle de l’Etat est traditionnellement plus important, plus tourné vers une « moral economy » critique par rapport à la logique néo-libérale, qui accorde une place plus importante aux services publics et à la redistribution par l’Etat (Keating, 2005).

De même qu’en Angleterre et en Ecosse, des Régions comme le Val d’Aoste et dans une moindre mesure le Bade-Wurtemberg activent essentiellement le levier de valorisation des externalités environnementales. Mais l’observation des modalités précises de leurs mesures agro-environnementales et du contexte spécifique de ces régions montre qu’elles soutiennent prioritairement par ce moyen une agriculture multifonctionnelle à forte fonction environnementale. Ces Régions se situent plutôt dans une logique de soutien à la multifonctionnalité de l’agriculture, telle que nous l’avons définie dans le chapitre 1. Enfin, si plusieurs régions françaises sont elles aussi marquées par une très nette dominance des

soutiens à la valorisation des externalités environnementales, c’est avant tout du fait de choix nationaux (le plan de Développement Rural étant national). Nous avons montré que ces soutiens ont une signification différente de celle des soutiens britanniques puisqu’ils sont davantage orientés vers le maintien des agriculteurs et la compétitivité du secteur (Lowe et al., 2002). Mais il ne s’agit pas ici des choix propres des conseils régionaux français mais d’orientations dictées par l’Etat. Si l’on s’en tient aux choix propres des conseils régionaux, cela conduit à classer toutes les régions françaises parmi celles ayant une majorité de soutiens à la compétitivité des exploitations (classe 2).

3.3.2 La compétitivité des exploitations agricoles comme levier d’intervention principal

Cette seconde classe comprend, de la même façon que dans la première, des structures productives régionales très diverses. En prenant en compte les dépenses agricoles régionales hors 2nd pilier, on y retrouve des régions d’exploitations fortement restructurées et productives du Nord de l’Allemagne, de la Belgique et du Nord de la France, de même que des régions de plus petites exploitations, moins productives, avec davantage de pluriactifs, du Sud de la France.

Dans le premier cas, l’intervention agricole régionale rejoint les intérêts néo-mercantiles et vise, par des soutiens à la marge à la modernisation des structures, à rendre plus compétitive l’agriculture régionale sur les marchés nationaux et mondiaux. C’est le cas notamment des Pays-de-la-Loire et de l’Alsace, qui dépensent très peu pour la qualité et la transformation et commercialisation des produits et avant tout pour la diminution des coûts de production (plus particulièrement les soutiens aux investissements).

Dans le second cas, des régions comme Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur couplent à ces aides plus de 40 % de soutiens à la qualité et à la transformation et commercialisation, notamment pour des productions locales de qualité (cf. annexe 7). Les montants de subventions sont relativement importants et visent au maintien d’une agriculture en difficulté mais importante en terme d’emplois régionaux. Il s’agit alors plutôt d’un soutien à la multifonctionnalité agricole. Ainsi, si toutes les régions françaises appartiennent à la seconde classe, démontrant la dominance en France du soutien à la compétitivité des exploitations agricoles, toutes ne s’alignent pas sur l’orientation néo-mercantile de l’Etat français.

3.3.3 Une combinaison équilibrée entre leviers d’intervention

La troisième classe de régions comporte notamment plusieurs Länder du Sud de l’Allemagne, comme la Bavière et la Hesse. Ces Länder sont marqués par des exploitations plus petites, moins productives, avec davantage de pluriactifs et de diversification des activités hors production agricole (Knickel, 2006). Leurs soutiens importants hors 2nd pilier à la compétitivité des exploitations par la diminution des coûts de production, de même que leurs positions récentes dans le cadre du 1er pilier, témoignent de leur souci de maintenir les surfaces et la production agricoles. Mais entre Hesse et Bavière, il est possible de distinguer deux orientations différentes :

- Les dépenses agricoles régionales sont bien plus importantes en Bavière qu’en Hesse (cf. figure 5 et annexe 7). Son agriculture représente une place plus importante sur les plans social, culturel, politique et économique (notamment pour le tourisme) (cf. annexe 8). Ses discours font ressortir clairement l’objectif de soutenir avec des moyens importants les petites et moyennes exploitations ;

- Au contraire, en Hesse, région très urbanisée, le développement rural n’est pas une priorité politique, et le développement agricole l’est encore moins143. Certains choix de la Hesse la rapprochent davantage de l’Angleterre. Par exemple, les mesures agro-environnementales sont moins orientées qu’en Bavière vers des filières spécifiques, agrobiologiques, de qualité et locales. Une part plus importante des aides inscrites au chapitre agricole soutiennent en fait d’autres activités rurales. La Hesse, comme l’Angleterre, s’est prononcée pour une modulation facultative plus élevée. Enfin, le gouvernement hessois souhaite encore renforcer les soutiens aux investissements des exploitations les plus compétitives sur les marchés, au détriment des aides aux zones défavorisées et des mesures agro-environnementales.

Ainsi, quand l’intervention agricole de la Bavière se situe entre intérêts néo-mercantiles et multifonctionnels, la Hesse se rapproche davantage d’une logique néo-libérale anglaise, mais en y joignant des soutiens importants à la compétitivité par la diminution des coûts de production afin de moderniser une agriculture pour l’instant faiblement restructurée.

3.3.4 La diversification des économies et l’amélioration des conditions de vie rurales comme levier d’intervention marquant

Cette orientation des aides peut être comprise de plusieurs façons : soit comme une politique de soutien et d’intégration de l’agriculture dans le développement rural, soit comme une politique de réorientation des soutiens vers d’autres secteurs de l’économie rurale jugés plus prioritaires, soit comme une politique de compensation des dégâts agricoles en direction

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des acteurs ruraux. Le dernier cas correspond notamment à la Bretagne, comme ceci a été montré dans un section précédente. Dans le second cas se retrouvent des régions du Nord et de l’Est de l’Allemagne, dont le Schleswig-Holstein. Dans un contexte de chômage de masse et de difficultés économiques importantes (ce sont les Länder les plus pauvres), les aides au développement rural intégré soutiennent de façon importante les activités rurales non agricoles, tandis que l’agriculture, fortement restructurée, peu multifonctionnelle et orientée vers les marchés de masse, est financée par des aides traditionnelles à la diminution des coûts de production (en particulier, pour l’indemnisation suite aux calamités agricoles). Les soutiens à la valorisation des externalités environnementales sont quant à eux très faibles. Une telle orientation de l’intervention agricole régionale soutient plus la multifonctionnalité rurale que la multifonctionnalité agricole : au centre de l’intervention agricole ne figure pas le projet d’un modèle de développement agricole alternatif qui puisse être le moteur du développement rural.

Tableau 13 : Caractérisation des interventions agricoles des Régions d’enquêtes en fonction des leviers d’intervention activés et des intérêts économiques privilégiés

Intérêts néo-libéraux Intérêts néo-mercantiles

Intérêts multifonctionnels Classe 1 (valorisation des

externalités

environnementales) Classe 2 (compétitivité des exploitations agricoles)

Classe 3 (combinaison équilibrée entre leviers d’intervention)

Classe 4 (diversification des économies et amélioration des conditions de vie rurales) Schleswig-Holstein (multifonctionnalité rurale) Ecosse Rhône-Alpes (multifonctionnalité agricole) Pays-de-la-Loire Bavière (multifonctionnalité agricole) Hesse Régions anglaises Alsace

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