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bilan des connaissances scientifiques

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V.4. Synthèse des principaux résultats publiés

Dans l’article qu’il a publié dans l’Encyclopediaof Biodiversity, Heal (2000) propose de considérer la biodiversité comme un bien de consommation (« commodity ») ; ce qui le conduit à examiner successivement en quoi la biodiversité favorise la productivité de l’économie, constitue une forme d’assurance, accroît la quantité d’informations génétiques, favorise les services écosystémiques, se trouve liée à des produits marchands. Le constat minimal est que la biodiversité a une valeur pour de multiples raisons que nous allons explorer avec une double logique : valeur de quels aspects ou composantes de la biodiversité et valeur pour quelles formes d’usages.

Dans cette étude, nous nous intéressons à la fois à la valeur de la biodiversité et à celle des services écosystémiques, sachant que ces deux dimensions de la dépendance de nos sociétés envers la Nature sont étroitement liées. Nous passerons successivement en revue les analyses de la diversité du vivant, des ressources génétiques, des espèces, des écosystèmes et des habitats ; des fonctions écologiques et, enfin, des services avec un développement spécifique pour les aménités paysagères.

V.4.1. Évaluer la diversité de la biodiversité ?

Ce sont essentiellement des travaux théoriques qui ont essayé de traiter la question de la valeur de la diversité ; ce qui s’explique principalement par la difficulté d’élaborer une procédure de recueil de préférences déclarées pour des actifs que les sujets ont nécessairement beaucoup de difficulté à appréhender (même les spécialistes ne partagent pas toujours une représentation cohérente de ces questions).

Les plus connus sont sans doute les articles de M. Weitzman (1992, 1993, 1998) dont la démarche repose sur la possibilité de mesurer la dissimilitude génétique entre deux

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La présence de moustiques est un exemple typique d’effets ambivalents, car ils constituent aussi la nourriture de poissons recherchés par les pêcheurs. Et des paysages agricoles diversifiés abritent des espèces régulatrices des populations de moustiques.

espèces158 (mais le remplacement de la notion d’espèce par des populations ou d’autres entités, y compris les individus, ne changerait pas la logique) par hybridation ADN-ADN. La diversité est ensuite mesurée par une procédure itérative de calcul de la dissimilitude (entre l’espèce ajoutée et celle dont elle est la plus proche parmi les espèces déjà présentes). On obtient ainsi une fonction D que Weitzman (1992) interprète comme une valeur de diversité sans expliciter en quoi et pourquoi la diversité serait utile ou désirable ; la diversité est considérée importante en soi. La valeur d’une espèce ou d’un ensemble d’espèces est ensuite mesurée, dans le cadre de ce que Weitzman (1998) qualifie de « problème de l’Arche de Noé », c’est-à-dire « comment préserver au mieux la biodiversité avec une contrainte budgétaire », par la somme de deux grandeurs : D + U, où U représente l’utilité dérivée de l’existence de l’espèce ou de l’entité en question par les citoyens.

L’idée de « corriger » l’utilité retirée par les citoyens de l’existence d’éléments de la biodiversité en lui adjoignant une composante experte traduit bien l’idée des biens tutélaires que nous avons présentée plus haut. La question centrale à laquelle la littérature économique ne permet apparemment pas de répondre concerne la méthode qui permettrait d’additionner ces deux grandeurs hétérogènes159.

Cette approche a été largement critiquée comme étant inapplicable à des problèmes concrets tant à cause des besoins en information que pour la quantité exponentielle de calcul nécessaire, dès lors que le nombre d’espèces est un peu important (sans revenir sur les limites de la notion d’espèce). Weikard (2002) a cependant montré que la démarche retrouvait une certaine pertinence pratique si on l’appliquait non plus à des espèces ou à des populations, mais à des écosystèmes.

On peut mentionner ici les travaux de Nehring et Puppe (2002) qui construisent une valeur économique de la diversité à partir de la somme des attributs, en supposant que le décideur a identifié une série d’attributs auxquels il attache de l’importance. Ce repérage est subjectif et le décideur doit indiquer l’importance attachée à chaque attribut par une valeur numérique. La diversité d’un échantillon est alors mesurée par la somme des valeurs des attributs réalisés. Cette approche n’a apparemment jamais fait l’objet d’application concrète.

Les mesures empiriques de la valeur de la diversité de la biodiversité sont peu nombreuses car les agents n’ont généralement pas une compréhension suffisante de ce qu’est la biodiversité et pourquoi elle pourrait être importante pour eux : leurs comportements (hormis les naturalistes éclairés) ne traduisent donc pas ces valeurs et les évaluations contingentes ne peuvent pas les retrouver.

Dans une revue d’un ensemble d’analyses portant sur des gènes, des espèces, des habitats et des fonctions, Nunes et van der Bergh (2001) avaient mis en évidence les difficultés de ces exercices et le caractère hétérogène des analyses, la prééminence des méthodes basées sur des préférences déclarées, seules aptes à prendre en

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L’idée de baser l’évaluation sur des dissimilitudes cardinales est déraisonnablement exigeant en information et en capacité de calcul. Bervoets et Gravel (2007) proposent une approche basée sur des dissimilitudes ordinales, supposant la capacité des décideurs à hiérarchiser les différences, mais sans l’exigence de mesure.

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compte les valeurs de non-usage et le caractère incomplet des services pris en compte, ce qui les conduisaient à conclure que les évaluations empiriques constituaient « au mieux » des bornes inférieures de la valeur totale perdue lors de changements dans la biodiversité.

Christie et al. (2006) ont essayé d’évaluer « la diversité de la biodiversité » en utilisant la méthode du choice experiment. Des focus groups leur ont permis d’identifier les notions de biodiversité auxquels les sujets attribuaient de l’importance et de les décrire dans des termes compréhensibles et ayant du sens pour les sujets. La modélisation des choix a permis de mettre en évidence les valeurs que les sujets placent sur les différents attributs de la diversité (familiarité avec les espèces, rareté des espèces, habitat, fonctionnement des écosystèmes). Une évaluation contingente a estimé parallèlement les consentements à payer pour des politiques de conservation telles que des mesures agri-environnementales ou des actions de recréation d’habitats. Les résultats mettent en évidence une valeur positive pour plusieurs attributs de la diversité (pas tous) ; mais peu d’intérêt pour les moyens mis en œuvre pour la préserver. Les auteurs en concluent que la définition de politiques de conservation devrait peut-être associer une analyse économique des montants à allouer à la conservation de la biodiversité, et choisir sur une base écologique les moyens de l’utiliser pour la plus grande efficacité pratique. Une conclusion supplémentaire était que les ateliers organisés pour leurs travaux avaient permis des échanges et un enrichissement de l’information qui avait significativement contribué à réduire la variabilité des estimations.

V.4.2. Évaluer des gènes : cas de la bioprospection

L’argument que la biodiversité pouvait être préservée, au moins pour partie, par les valeurs marchandes dont elle est le support, a été fréquemment avancé, notamment au début des années 1990160. La biodiversité des écosystèmes accroît les chances d’y trouver des éléments potentiellement utiles, notamment pour l’industrie pharmaceutique.

L’un des exemples les plus médiatisés de valorisation de la biodiversité est l’accord passé en 1991 entre la compagnie pharmaceutique Merck et l’Institut national de la biodiversité du Costa-Rica (INBio) : moyennant un versement de 1,1 million de dollars, Merck obtenait pour deux ans (le contrat a ensuite été renouvelé en 1994 et 1996) le droit exclusif d’exploration et de valorisation (donnant lieu à redevances) des propriétés pharmacologiques des plantes et micro-organismes des 105 Parcs nationaux du pays161.

Autour de cette question de la « bioprospection », de nombreuses études ont essayé d’estimer la valeur médicinale d’une plante que l’on n’a pas encore testée, que l’on peut considérer comme une valeur potentielle d’un élément de biodiversité végétale remarquable. Les premières estimations de la valeur de conserver une espèce pour un usage pharmaceutique consistaient à multiplier la probabilité de trouver une

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Notamment dans le cadre des débats relatifs à la Convention sur la diversité biologique dont l’enjeu principal a finalement été le partage des bénéfices des ressources génétiques. L’idée que la bio-prospection est porteuse d’enjeux importants conduit à accorder une grande considération aux conditions d’accès (Trommetter, 2005).

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