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Quel est l’état de la biodiversité ? Quels sont les risques et les menaces qui pèsent sur elle ?

X X X Non-usage Valeurs d’existence, d’héritage et valeurs

II.2. Quel est l’état de la biodiversité ? Quels sont les risques et les menaces qui pèsent sur elle ?

L’analyse des enjeux socioéconomiques et politiques de la biodiversité est indissociable d’une évaluation actualisée du patrimoine exceptionnel de la France et de ses richesses en biodiversité. Mais il est aussi indispensable de bien évaluer les pertes déjà enregistrées, ainsi que les risques encourus par la poursuite de certaines tendances et les menaces nouvelles.

II.2.1. La France : un pays méga-divers qui s’ignore

Si la biodiversité métropolitaine présente des caractéristiques remarquables, la biodiversité d’outre-mer confère à la France une place unique au monde et, de ce fait, une responsabilité majeure : la France détient avec ses collectivités d’outre- mer plus du tiers des espèces recensées au niveau mondial. La France est le seul pays présent dans 5 des 25 points chauds de la biodiversité (Méditerranée, Caraïbes, océan Indien, Nouvelle-Calédonie, Polynésie) et dans une des trois zones forestières majeures de la planète (Amazonie). Son domaine maritime est le 2e du monde avec 11 millions de km2

. Elle héberge 10 % des récifs coralliens et des lagons de la planète et, avec 14 280 km² de récifs coralliens, se situe au 4e

rang derrière l’Australie, l’Indonésie et les Philippines. L’originalité de la flore et de la faune de Nouvelle- Calédonie, pas plus grande que la Picardie (trois départements), est comparable à celle de toute l’Europe continentale ; l’île de Rapa en Polynésie française héberge, sur une surface équivalente à quelques arrondissements de Paris (40 km2

), au moins 300 espèces endémiques (Gargominy, 2003) – c’est-à-dire confinées naturellement à une région donnée.

La France métropolitaine est un carrefour biologique pour l’Europe, avec 4 des 8 principales zones biogéographiques (atlantique, continentale, méditerranéenne et alpine). De ce fait, elle abrite sur moins de 12 % de la surface du continent 57 % des types d’habitats d’intérêt communautaire listés dans le cadre de la directive Habitats (CTE/DB, 2008) et 40 % de la flore d’Europe, avec une forte proportion d’espèces endémiques, surtout dans sa partie méditerranéenne et alpine (IFEN 2006, IUCN France, 2005). Le domaine rural, où s’exercent notamment les activités agricoles et

sauvages du territoire mais également le patrimoine vivant unique des espèces, variétés et races cultivées ou élevées, sélectionnées au cours de l’histoire. Cette richesse patrimoniale se traduit par l’identification, sur l’ensemble du territoire métropolitain, de près de 15 000 Zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF), dont 1 921 ZNIEFF de type II (grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités biologiques importantes) et 12 921 ZNIEFF de type I (secteurs de grand intérêt biologique ou écologique) (INPN-MNHN, 2008).

L’extrême variété de ses paysages métropolitains contribue largement à faire de la France la première destination touristique du monde. Comme le souligne la Convention européenne sur le paysage, ratifiée par la France le 17 mars 2006, « le paysage concourt à l’élaboration des cultures locales et représente une composante fondamentale du patrimoine culturel et naturel de l’Europe, contribuant à l’épanouissement des êtres humains et à la consolidation de l’identité européenne ».

Plus que dans tout autre continent, la biodiversité européenne résulte d’interactions millénaires entre la nature et les sociétés humaines, maintenues jusqu’à l’ère industrielle dans une relative stabilité, en dépit d’épisodes d’intensification alternant avec des épisodes d’abandon des terres (European Environment Agency, 2006). De nos jours, les paysages ruraux qui abritent la plus forte biodiversité sont d’une part les zones peu propices aux cultures (zones humides, terrains fortement empierrés, terrains trop pentus) ou d’autre part des milieux agricoles exploités de façon extensive ou peu intensive, au sein de parcelles de taille petite ou moyenne, imbriquées en mosaïques d’habitats ayant entre eux des relations fonctionnelles (régions de bocages, vergers traditionnels) (Collectif Science et Décision, 2007). Du fait de l’intensification des pratiques agricoles ou, à l’inverse, de la déprise agricole en régions de moyenne montagne, combinées à une urbanisation de plus en plus diffuse et au développement d’infrastructures, la tendance générale est celle d’une homogénéisation des paysages ruraux, impactant directement la biodiversité (Burel et Baudry, 2003, Lepart, 2005). Les espèces spécialistes tendent à décliner au profit d’espèces généralistes (voir section III.3.3).

Dans son étude pour la faisabilité d’un « MEA France » (Levrel, 2007), H. Levrel souligne l’intérêt de l’approche paysagère comme point d’entrée pour réfléchir à l’évaluation intégrée des services écosystémiques et aux liens avec la gestion de la biodiversité, ce que confirment différents travaux menés au niveau européen (Mander

et al., 2007 ; Pedroli et al., 2007 ; Marangon et Visantin, 2007).

II.2.2. Une érosion accélérée de la biodiversité….

Au niveau mondial, sur les deux cents dernières années, le rythme de disparition des espèces est estimé, suivant les espèces considérées, de 10 à 100 fois supérieur au tempo naturel d’extinction (une espèce sur 50 000 par siècle). En 2050, il pourrait être, suivant les espèces, de 100 à 1 000 fois supérieur au rythme naturel (Millennium Ecosystem Assessment, 2005b). Un consensus de plus en plus large se fait parmi la communauté scientifique pour parler d’un processus en cours vers une sixième extinction de la biodiversité, quasi exclusivement du fait des activités humaines, en référence aux cinq précédentes, qui ont scandé le monde vivant, selon des processus naturels, depuis quatre cent quarante millions d’années, date de la première extinction connue.

Le patrimoine de la France en espèces vivantes est vulnérable puisque la France est au 4e rang mondial pour les espèces animales menacées et au 9e rang pour les plantes, selon la liste rouge mondiale de l’IUCN. Sur 135 espèces de mammifères se reproduisant sur le territoire français (y compris les mammifères marins), 49 ont été recensées comme menacées à divers degrés. Sur 276 espèces d’oiseaux nichant en France, 51 sont considérées comme menacées. Quelques exemples illustrent l’importance des dégradations : la superficie des prairies françaises a diminué de 30 % en trente ans, 60 % des zones humides ont disparu au XXe

siècle, 75 % des rivières contiennent des pesticides, 50 % du territoire est pollué par les nitrates ; en trente ans, la Beauce a perdu plus de 30 % des composés organiques de son sol, l’urbanisation aurait détruit 800 km2 d’espaces naturels durant les années 1980 sur le territoire français et 60 % des côtes seraient urbanisées contre 39 % en 1960, les forêts sèches ou semi-sèches côtières ont pratiquement disparu de La Réunion ou de Nouvelle-Calédonie (Gargominy, 2003 ; UICN France, 2005 ; IFEN 2006).

La première évaluation de l’état de conservation des espèces et des habitats d’intérêt communautaire réalisée en application de l’article 17 de la directive Habitats montre que 76 % des habitats concernés présents en France sont dans un état de conservation défavorable, dont 41 % mauvais. Pour les espèces, la situation est un peu meilleure avec 50 % en état de conservation défavorable, dont 31 % mauvais. Les incertitudes sur le statut de 30 % des espèces laissent toutefois penser que la situation pourrait être plus critique que ce que montre l’évaluation (CTE/DB, 2008b, Commission européenne - DG Environnement, sous presse).

Le caractère insulaire de la plupart des collectivités d’outre-mer se traduit par un très haut niveau d’endémisme mais représente également un facteur de fragilité. Les populations limitées des espèces les rendent vulnérables face à l’extinction. Ainsi, 30 % des extinctions d’espèces de mollusques ont eu lieu dans les collectivités d’outre-mer, ce qui place la France au deuxième rang derrière les États-Unis en termes d’extinction reconnues. L’archipel des Mascareignes (Réunion, Maurice, Rodrigues) est souvent cité comme exemple des graves modifications provoquées par l’homme dans les écosystèmes insulaires (Gargominy, 2003).

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