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Les indicateurs d’état et le fonctionnement de l’écosystème : pondération des indicateurs espèces par leurs traits biologiques

concepts et indicateurs biologiques

IV.3. Les principaux types d’indicateurs de la biodiversité

IV.3.2. Les indicateurs d’état et le fonctionnement de l’écosystème : pondération des indicateurs espèces par leurs traits biologiques

La notion d’indicateur de biodiversité est souvent réduite à celle d’espèce(s) indicatrice(s) (aussi appelée bio-indicateur) (Couvet et al., 2004). La présence de ces espèces est utilisée pour caractériser la « qualité » d’un milieu. Or le concept de biodiversité va plus loin que la simple description de la diversité du vivant, fût-elle exhaustive (Barbault et Chevassus-au-Louis, 2004), en décrivant les interactions au sein de chaque niveau fonctionnel, entre les échelles fonctionnelles mais aussi avec les sociétés humaines. La complexité des dynamiques qui animent la biodiversité n’est cependant pas ou mal prise en compte par les données de présence-absence d’espèces indicatrices.

Un écosystème comprend de nombreux groupes fonctionnels interconnectés, dont les variations d’abondance ne sont pas nécessairement parallèles. Cependant, pour évaluer et suivre l’état d’un écosystème, et surtout pour communiquer clairement avec le grand public et les décideurs, on peut souhaiter résumer les données en un seul indice, intégrant les variations d’abondance de groupes systématiques très différents tels que mammifères, insectes ou plantes.

Les indicateurs à paramètre unique (l’espèce, l’individu, le gène, l’interaction) fournissent une information ciblée, peu intégrée et demandent des connaissances très précises. Les indicateurs composites, eux, impliquent l’utilisation d’au moins deux unités de référence. L’approche à partir d’indicateurs composites, sans être la solution miracle, offre trois avantages : 1) elle réduit le problème de stochasticité par un effet de moyenne ; 2) elle permet une information ciblée en regroupant des espèces à partir d’un même critère fonctionnel ; 3) elle offre une unité de référence commune qui facilite l’interprétation et limite le problème de la pondération (exemple : oiseaux communs) (Levrel, 2007).

Les indicateurs composites sont cependant confrontés à deux questions récurrentes (Couvet et al., 2007) : les modalités d’agrégation et de pondération des données. Les regroupements d’espèces peuvent s’opérer selon la systématique, les fonctions assurées au sein d’un écosystème (exemple : le niveau trophique), le mode d’utilisation par l’homme (pêche, chasse, écotourisme) afin de faciliter l’interprétation des variations observées. L’option de pondération la plus simple est d’accorder le même poids à chaque espèce (exemple : suivis sur les oiseaux, papillons, mammifères et plantes). Une deuxième option, « conservationniste », consiste à pondérer le poids des espèces en fonction de leur rareté, des menaces d’extinction qui pèsent sur elles ou de leur caractère emblématique. La dernière approche, « écologique », accorde un poids supérieur aux espèces qui remplissent des fonctions écologiques essentielles63 (Couvet et al., 2007).

63

Processus écologiques utiles qui résultent des interactions entre espèces et entre les espèces et l’environnement. Exemples : maintien de la qualité de l’eau, régulation des climats.

Selon l’option choisie, on aboutit à un indice de richesse spécifique, de fonctionne- ment ou de rareté.

Concernant le choix des espèces, les indicateurs liés aux espèces menacées sont incontournables pour juger de l’atteinte des objectifs définis par rapport à ces espèces et sont bien renseignés. Cependant, les indicateurs associés aux espèces communes se développent pour aller plus loin dans la compréhension des mécanismes. Le devenir de ces espèces est important car elles sont indispensables au bon fonctionnement de tout écosystème, donc à la fourniture de nombreux services écologiques. De plus, d’un point de vue méthodologique, elles présentent l’avantage d’être largement distribuées, ce qui permet d’échantillonner une grande diversité d’habitats, et de séparer les effets des habitats et des mesures de protection, en échantillonnant à la fois espaces protégés et non protégés. Les variations de leurs effectifs, par définition élevés, sont plus facilement interprétables que celles des espèces rares, sujettes à des variations aléatoires.

a. L’Index des communautés (C)

Cet index permet de mesurer la fonctionnalité de l’écosystème en décrivant, pour un caractère donné, l’état moyen d’une biocénose par la moyenne pondérée des valeurs de chaque espèce. Le caractère de l’espèce peut être morphologique (la taille), caractériser l’histoire de vie, la pérennité, le nombre de propagules... les exigences écologiques de l’espèce (thermiques, hygrométriques), la spécialisation de l’habitat ou des interactions trophiques, ou encore le niveau trophique.

La formule de calcul traduit l’importance d’intégrer différents paramètres pour expliquer la complexité de l’objet biodiversité :

=

=

n i ij k ik kj

S

N

N

C

, 1

.

avec :

– Sij : valeur moyenne du caractère j pour l’espèce i, – Nik : nombre d’individus de l’espèce i dans la

communauté k,

– Nk : nombre total d’individus dans la communauté k, – Ckj : valeur du caractère j dans la communauté k

(index de communauté)

Ainsi, dans l’index thermique des communautés, les espèces peuvent être caractérisées par leur préférence thermique moyenne des températures de leur aire de distribution. On peut alors calculer un « index thermique » – moyenne des préférences thermiques des espèces pondérée par leur abondance – et en analyser les variations, notamment en réponse aux changements climatiques. L’index thermique des communautés (ITC) d’oiseaux, calculé sur l’ensemble du territoire français, a permis par exemple de mettre en évidence une augmentation du nombre d’espèces méridionales au cours des vingt dernières années, due au réchauffement climatique (figure IV-2) de 50 % par rapport à l’augmentation attendue (obtenue par la corrélation index-température des sites) (Devictor et al. 2008).

Figure IV-2 : Variation de l’index thermique des communautés d’oiseaux sur l’ensemble de la France entre 1988 et 2006 (Devictor et al., 2008)

L’ITC étant la moyenne de chaque ITS (indice pour une espèce donnée) pondérée par l’abondance des espèces.

Autre exemple, l’index trophique marin (MTI = Marine Trophic Index) permet d’évaluer l’état des chaînes trophiques marines dans les diverses grandes régions océaniques. L’indicateur se calcule à partir des prises déclarées des pêcheurs, généralement enregistrées au niveau national : si l’espèce capturée est un consommateur d’espèces végétales (phytoplancton, algues), elle aura un niveau trophique T de 2, si elle consomme ces espèces herbivores, son niveau trophique sera de 3, etc.

=

=

n j j j

T

M

MTI

1 avec :

Mj représente l’abondance relative de l’espèce j dans les prises,

Tj : le niveau trophique de l’espèce j.

La figure IV-3 montre la diminution nette de cet indicateur au cours des dernières décennies, dans l’ensemble des océans. Elle traduit l’évolution de la pêche vers des espèces situées de plus en plus bas dans la chaîne trophique – et donc généralement moins intéressantes sur un plan économique –, conséquence de la diminution des prédateurs situés en haut de la chaîne.

L’application à la chaîne trophique terrestre montre également des perturbations. Par exemple, la prolifération non contrôlée des populations de cervidés induit des dommages importants aux surfaces agricoles, aux plantes sauvages et bloque la régénération de milieux forestiers.

Figure IV-3 : Variation de l’index trophique marin dans l’Atlantique Nord (en rouge) et sur l’ensemble des zones côtières (en bleu) entre 1950 et 2000

b. Les indicateurs « oiseaux communs » (programme STOC)

Les indicateurs « oiseaux communs » sont utilisés comme outils de communication et de prise de décision, aussi bien à l’échelle nationale (par l’IFEN) qu’européenne (par l’EEA). L’indicateur de variation d’abondance des oiseaux communs représente le seul indicateur de biodiversité parmi les 45 indicateurs de développement durable de la France (IFEN, 2003) et il est l’un des 15 indicateurs clés du développement durable de l’Union européenne.

Ces indicateurs ont un succès auprès de l’opinion publique, des scientifiques et des décideurs. Ils présentent l’avantage de résoudre trois problèmes majeurs auxquels tous les concepteurs d’indicateurs doivent faire face : les coûts engendrés par cette construction, la difficulté à émettre des signaux qui fassent sens pour une grande diversité d’utilisateurs potentiels et la rigueur scientifique sur laquelle doivent être fondés les indicateurs.

Fondés sur les populations qui contribuent le plus au fonctionnement des écosystèmes et à leurs évolutions (à l’inverse des espèces rares), ils constituent des outils efficaces pour évaluer le fonctionnement des écosystèmes. Par ailleurs, en étant situées à un niveau élevé dans la chaîne alimentaire, les populations d’oiseaux communs sont indirectement sensibles aux perturbations des composants de l’écosystème et offrent une indication de l’état de santé des écosystèmes. Un autre avantage non négligeable est qu’ils sont fondés sur le suivi de populations dont la taille est très sensible aux changements environnementaux à court terme, fournissant ainsi des outils d’évaluation politique efficaces pour mesurer les avancées liées aux objectifs de 2010 (Levrel, 2007).

Les indicateurs sont développés à partir de la base de données STOC (Suivi temporel des oiseaux communs) qui contient des informations démographiques telles que l’abondance, la distribution, la diversité, la fécondité, la survie des populations et des communautés d’oiseaux communs. Les systèmes de suivi permettent d’évaluer les

En caractérisant l’état d’un groupe d’espèces inféodées à un milieu particulier, les indicateurs d’espèces spécialistes précisent l’état de santé de milieux particuliers. Ainsi, à l’échelle de l’Europe (figure IV-4 et figure IV-5), les résultats montrent un déclin général des espèces spécialistes, dans les différents milieux. Ce déclin est particulière- ment élevé dans les espaces agricoles français où les variations d’effectif de l’indicateur « oiseaux agricoles » montrent un déclin des espèces spécialistes de ces milieux. Ce résultat est également observé dans d’autres pays d’agriculture comparable.

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