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II.1. Pourquoi la biodiversité est-elle si importante pour la société ?

II.1.1. La biodiversité, fruit d’interrelations du monde vivant

Si les définitions du néologisme « biodiversité » sont nombreuses et variées, l’étendue de sa signification pour la société est immense. Il s’agit en fait de considérer la « totalité des êtres vivants en interaction, y compris les micro-organismes et les services rendus par les écosystèmes » (Babin et al., 2008). La biodiversité d’aujourd’hui résulte de milliards d’années d’évolution, formée par les processus naturels, subissant, de plus en plus et de façon considérablement accélérée depuis les cinq dernières décennies, l’influence de l’Homme. La biodiversité et les écosystèmes au sein desquels elle s’exprime fournissent un grand nombre des biens et services qui soutiennent la vie humaine : la fourniture des aliments, les combustibles et les matériaux de construction ; la purification de l’air et de l’eau ; la stabilisation et la modération du climat de la planète ; la modération des inondations, des sécheresses, des températures extrêmes et des forces éoliennes ; la génération et le renouvellement de la fertilité des sols ; le maintien des ressources génétiques qui contribuent à la variété des cultures et à la sélection des animaux, des médicaments, et d’autres produits ; et des avantages culturels, récréatifs et esthétiques.

À l’échelle globale, la biodiversité doit être considérée « dans ses rapports avec les enjeux majeurs que sont par exemple la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau potable, la croissance économique, les conflits liés à l’utilisation et à l’appropriation des ressources, la santé humaine, animale et végétale, l’énergie et l’évolution du climat. Cette vision implique de lier biodiversité et bien-être humain dans l’esprit de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement » (Babin et al., 2008 ; PNUD, 2004). Dans un monde en profonde mutation sous l’effet de changements accélérés d’usage des sols et du climat, des bouleversements des sociétés humaines dans leur relation à leur environnement, la biodiversité est désormais reconnue comme « l’assurance-vie de la vie elle-même » (McNeil et Shei, 2002). Les Nations unies en faisaient le thème de leur journée internationale de la biodiversité, le 22 mai 2005, sous le slogan « La biodiversité, une assurance-vie pour notre monde en changement ».

Ainsi la biodiversité n’est plus uniquement vue – loin s’en faut – à travers le prisme de la conservation de la nature pour elle-même ou de la sauvegarde de certaines espèces emblématiques. Les sociétés humaines, même les plus développées, ont pris conscience de l’interaction entre l’Humanité et la biodiversité dont elle fait partie.

Interaction et dynamique endogène sont les maîtres mots de la vie. Il nous faut interagir pour coopérer, pour procréer, pour modifier l’environnement dans lequel nous évoluons et pour nous adapter à ses évolutions naturelles. De même, l’interaction avec l’ensemble du monde vivant nous est vitale : nous ne consommons que des organismes vivants, légumes, fruits, viandes et coopérons avec des organismes vivants pour obtenir tous les produits issus de fermentations : bière, vin, fromage, saucisson entre autres. Notre habitat est largement constitué de matériaux issus du vivant. Les énergies fossiles et les calcaires sont aussi un legs de la biodiversité d’autrefois, tout comme notre atmosphère. Notre santé est très dépendante de la biodiversité. Il est ainsi estimé que les trois quarts de la population mondiale dépendent de remèdes naturels traditionnels. En Chine, parmi les 30 000 espèces de plantes supérieures recensées, plus de 5 000 sont utilisées à des fins thérapeutiques. Près de la moitié² des médicaments synthétiques sont dérivés de sources naturelles et, parmi les médicaments anticancéreux, 42 % sont d’origine naturelle (Newman and Cragg, 2007).

La principale difficulté, s’agissant d’apprécier les enjeux socioéconomiques de la biodiversité, est d’abord d’identifier toute l’étendue de sa présence dans la vie quotidienne des humains : elle est partout, de l’alimentation à la digestion, de la préservation de la peau à l’industrie chimique. Une difficulté supplémentaire est le caractère dynamique de la biodiversité, qui oblige à prendre en compte le paramètre temps-durée.

II.1.2. La biodiversité, un support à des services écosystémiques

L’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment, 2005a), publié en 2005, a eu un impact considérable, qui tient d’abord à la proposition d’un cadre commun de réflexion sur les écosystèmes en lien avec le bien-être social, à la définition du concept de « service écosystémique », aussi appelé « service écologique » (les humains utilisent les propriétés des écosystèmes librement), et à l’élaboration d’une typologie de ces services écologiques.

Les services écosystémiques résultent des interactions entre organismes qui façonnent les milieux et leur fonctionnement au sein des écosystèmes. La purification de l’air ou de l’eau, le stockage du carbone, la fertilité des sols sont autant de services résultant non d’organismes, mais d’interactions. À chaque type d’écosystèmes (forêts, zones humides, prairies, coraux, etc.) correspondent des fonctions et des services différents, eux-mêmes dépendant de la santé de l’écosystème, des pressions qui s’exercent sur lui mais également de l’usage qu’en font les sociétés dans un contexte biogéographique et géoéconomique donné (voir sections II.4. et II.6.3). Les sociétés humaines utilisent les écosystèmes et, de ce fait, les modifient localement et globalement. En retour, ces sociétés ajustent leurs usages aux modifications qu’elles perçoivent. Cette interaction dynamique caractérise ce qu’il est convenu d’appeler des socio-écosystèmes (Walker et al., 2002).

Figure II-1 : Les bénéfices tirés des écosystèmes et leurs liens avec le bien-être de l’Homme

Source : Millennium Ecosystem Assessment, 2005

De même, la perception et l’usage des services écosystémiques dépendent largement de l’échelle considérée. Par exemple, le bénéfice tiré des produits non ligneux d’une forêt, tels que baies et champignons, relève plutôt d’un intérêt local ou régional – même si parfois les collectes se font dans le cadre d’une lourde organisation employant une main-d’œuvre non qualifiée – alors que l’importance de la forêt en tant que puits de carbone relève d’enjeux globaux. Une étude réalisée à la demande du Département britannique pour l’environnement, l’alimentation et les affaires rurales (Eftec, 2005) sur les valeurs économiques, sociales et écologiques des services écologiques, met l’accent sur cette notion d’échelle quant à la perception des services rendus par des écosystèmes. Menée sur la base d’une synthèse bibliographique de nombreux cas d’études collectés au niveau international, l’étude classe les services écologiques liés à trois grands types d’écosystèmes (forêts, zones humides, agro-écosystèmes), en fonction de leurs valeurs d’usage par rapport à trois niveaux de bénéficiaires : niveaux local, régional/national et global (voir tableau II-4). L’intrication des échelles associées aux services écosystémiques complexifie ainsi l’attribution de valeurs monétaires aux biens et services écosystémiques.

Tableau II-1 : Valeur économique totale des biens et services forestiers

Biens et services Local Régional Global

Produits de la forêt Bois

Charbon de bois Produits non ligneux

X X X X X Ressources génétiques Médecine traditionnelle Pharmacologie Recherche X X X X X X X X X

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