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Les difficultés de construction d’un indice synthétique de la biodiversité

concepts et indicateurs biologiques

IV.2. Les possibilités de quantification de la biodiversité

IV.2.3. Les difficultés de construction d’un indice synthétique de la biodiversité

a. Des choix de simplification, d’agrégation, de pondération

Identifier une dynamique particulière associée à un habitat nécessite, d’une part, la prise en compte d’une large gamme d’espèces inféodées à cet habitat de manière à restituer la complexité du système étudié et, d’autre part, la comparaison avec des indicateurs dans d’autres habitats pour bien mettre en évidence le caractère particulier de la dynamique de l’indicateur dans l’habitat considéré. Dans un tel indicateur pluri-spécifique, il ne s’agira pas nécessairement d’additionner les données d’un maximum d’espèces mais de les sélectionner et de les regrouper en leur donnant un poids particulier en fonction des objectifs de l’indicateur. Le regroupement se doit d’être pertinent à la lumière du fonctionnement des écosystèmes.

Quelle que soit la caractéristique de la biodiversité mesurée – diversité génétique, spécifique, des écosystèmes –, la construction d’un indice synthétique de biodiversité s’appuie donc sur un ensemble de choix scientifiquement motivés : 1) le choix du mode de regroupement des populations ou des espèces, et des critères d’évaluation de l’état ces groupes ; 2) le choix du mode de pondération des espèces et/ou des groupes (Couvet et al., à paraître).

Dans l’état actuel des connaissances, on va se fonder pour la richesse :

– au niveau génétique : sur la diversité de quelques gènes facilement repérables (microsatellites, SNP), en attendant de séquencer les génomes complets des individus d’une population. On définit ainsi la « richesse allélique ». La question de la représentativité de ces gènes par rapport à l’ensemble du génome est discutée car on sait aujourd’hui que les différentes régions du génome peuvent être plus ou moins riches en diversité ;

– au niveau spécifique : sur des espèces connues et « macroscopiques », pour permettre des inventaires aisés (vertébrés, végétaux supérieurs, insectes emblématiques) en supposant qu’elles rendent compte d’une biodiversité plus générale ;

– au niveau écologique : on va surtout se fonder sur les peuplements végétaux et leurs associations (phytosociologie) pour définir des habitats. Ces habitats seront l’unité élémentaire d’inventaire. La notion d’écosystème reste complexe et pose des problèmes de limites spatiales sur le terrain.

Un problème important aux deux premiers niveaux est la sensibilité à l’effort d’échantillonnage. Il est clair que la possibilité de trouver un allèle rare dans une population augmentera avec le nombre d’individus étudiés ; idem pour les espèces. Il faut donc développer des modèles dits « courbes de saturation » pour trouver des estimations asymptotiques de richesse.

Pour l’égalité, on peut pondérer les abondances relatives des entités identifiées, en supposant qu’il n’y ait pas de biais (certaines espèces sont plus difficiles à attraper ou à observer que d’autres).

Pour la diversité spécifique et génétique, on ne dispose pas le plus souvent d’information sur les distances évolutives alors que l’on sait que certaines entités

peuvent être très proches (espèces jumelles) et d’autres très éloignées. Là aussi, les approches de la génomique permettraient de mesurer objectivement des distances mais ne sont pas opérationnelles. Pour la diversité écologique, il est difficile également de mesurer une « distance » entre habitats. Cette dimension n’est donc généralement pas prise en compte et l’on considère implicitement les entités comme « équidistantes ». En revanche, sur un plan fonctionnel, on peut regrouper les espèces en « groupes fonctionnels » (par exemple en termes de positionnement dans un réseau trophique) et mesurer la diversité des groupes fonctionnels.

Pour l’abondance absolue, on se limitera généralement à quelques groupes facilement repérables et pour lesquels on peut avoir des données démographiques. Là aussi, on supposera que, compte tenu des multiples interactions au sein de l’écosystème, ces fluctuations d’abondance rendent compte d’évolutions plus globales (cf. indicateur STOC).

Enfin, pour l’organisation spatiale, la définition d’un paramètre synthétique rendant compte de la répartition spatiale des habitats et ayant un sens fonctionnel reste un enjeu. Un ratio pourrait être proposé entre la surface (hectare de forêt, surface d’occupation du sol selon CORINE Land Cover…) et la qualité de ces systèmes et évalué par rapport à une valeur de référence.

b. Cas des notions non mesurables

La construction d’un indice d’état de la biodiversité à partir de notions non mesurables peut être illustrée par la mise en œuvre du calcul de l’indice d’« intégrité de la biodiversité » (Scholes et Biggs, 2005 in Couvet et al., à paraître).

L’indice se calcule en pondérant l’abondance observée de chaque groupe fonctionnel par sa diversité en nombre d’espèces et par la surface des écosystèmes observés. Il combine des mesures obtenues sur différents groupes, selon différentes configurations spatiales et donc à différentes échelles spatiales.

Dans les pays où il n’existe pas d’informations suffisantes pour faire des calculs d’abondance relative des populations, l’indicateur propose une approximation de l’évolution de la biodiversité à partir d’une estimation, à dire d’expert, de l’impact des activités humaines sur des populations animales et végétales de référence et de généraliser cet impact sur l’ensemble des populations appartenant aux mêmes groupes fonctionnels. L’impact est estimé par avis au minimum de trois spécialistes pour chaque groupe taxonomique (plantes, mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens).

Cet indicateur permet ainsi de réaliser des suivis à partir d’échelles écosystémiques, à partir d’activités ayant un impact sur les habitats ou à partir de groupes fonctionnels.

Dans un contexte où persistent beaucoup d’incertitudes scientifiques, où la disponibilité des données constitue un élément limitant au développement d’indicateurs, il est nécessaire de privilégier des approches modestes et prudentes à propos de la conceptualisation et de l’usage des indicateurs de biodiversité.

La mise en place d’observatoires de biodiversité devrait permettre de s’affranchir progressivement des avis d’experts dans la documentation des indices de biodiversité.

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