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X X X Non-usage Valeurs d’existence, d’héritage et valeurs

II. 2.3 sous l’effet de pressions croissantes

II.4. L’intégration de la dimension économique dans l’approche à la biodiversité

II.4.3. Proposer un basculement fiscal

manufacturier et le capital humain (à travers le travail). Les experts du MEA considèrent que la crise environnementale actuelle résulte pour une grande part de ce type de régulation qui conduit à considérer que les ressources naturelles (notamment renouvelables) et les services écologiques sont gratuits. Ils considèrent nécessaire d’envisager dès à présent de remplacer la taxation du capital manufacturier et du capital humain par une taxation de toutes les consommations de nature.

En matière de biodiversité, la fiscalité du patrimoine est importante parce que la plupart des atteintes aux milieux naturels se font par le biais de l’immobilier non bâti, lui-même soumis à imposition.

On peut, du point de vue de la biodiversité, formuler quatre critiques essentielles envers le système fiscal français (Sainteny, 1993) :

1. L’égalité du taux de prélèvement envers des biens dont le taux de rendement est très différent, et notamment l’immobilier par rapport au mobilier. D’une incidence faible sur un patrimoine de valeurs mobilières (rendement à long terme évoluant autour de 7 %), d’une incidence un peu plus importante sur un patrimoine immobilier locatif (rendement à long terme évoluant autour de 4-5 %), un impôt à 1,5 % ou 2 % devient confiscatoire et incite directement à la vente ou à la transformation et à l’artificialisation pour les patrimoines constitués de foncier non bâti (espaces naturels, forêts, foncier de propriétaires ruraux non exploitants, etc.), dont le taux de rendement est presque toujours inférieur à 2 %. Dans les deux premiers cas, l’impôt sera payé avec les revenus du bien. Dans le troisième cas, cela semble impossible. 2. La même égalité de prélèvement pour des biens fonciers non bâtis très

différents (espaces en voie de disparition ou non) et sur lesquels se pratiquent des modes d’exploitation très différents (exploitation agricole intensive, extensive ou biologique) aboutit, d’une part, à pénaliser les usages non intensifs, moins productifs mais demandant plus de surface, et, d’autre part, à intensifier le rendement des biens fonciers non bâtis les moins rentables pour compenser la nouvelle imposition par de nouveaux revenus. 3. Le foncier non bâti est, d’une manière générale, plus imposé en France

que dans des pays comparables. C’est le cas par rapport à l’Allemagne, à l’Espagne, à la Grande-Bretagne, aux États-Unis.

4. Dans le cas de la France, le Conseil des impôts a montré que sur une période de 29 ans, le taux de rendement net d’un patrimoine agricole en faire-valoir indirect était négatif dans tous les cas de figure (Conseil des impôts, 1986). Le cas du foncier non bâti non agricole est sans doute encore plus délicat. D’une part, il ne produit pas directement de revenus et ne peut donc acquitter par ses propres revenus l’imposition patrimoniale qui lui est relative. D’autre part, il est souvent plus riche du point de vue de la biodiversité, en produisant des biens et services écosystémiques aujourd’hui non monétarisés et non valorisés mais très utiles à la société, donc à l’économie. Telle qu’elle est aujourd’hui monétarisée, la rentabilité de ces espaces, dont beaucoup sont probablement parmi ceux qu’il faudrait conser- ver du point de vue de la biodiversité, est donc encore plus négative, ce qui pousse davantage à leur transformation. En outre, une imposition égale sur ces biens fonciers à rendement plus faible conduit, de fait, à une imposition relativement plus forte, à rendement net inférieur, et donc à imposer davantage

des espaces naturels dont la biodiversité est plus importante. Dans ces cas, la fiscalité, en pénalisant relativement davantage les écosystèmes riches, incite à leur transformation et pousse la société et l’économie à s’appau- vrir en les privant d’une partie notable des biens et services écosystémiques qui leur étaient fournis gratuitement par ces espaces naturels.

Pour faire face à des impositions fiscales fortes en valeur relative sur un foncier non bâti à rendement brut déjà très faible, son détenteur doit donc intensifier le rendement brut de son bien (exploitation plus intense, changement de destination, artificialisation, etc.) ou amputer son capital, c’est-à-dire la nature.

Si l’on veut accroître le rendement du foncier non bâti sans que cela passe nécessairement par sa transformation, son artificialisation, son urbanisation ou par l’intensification de son exploitation, il semble nécessaire d’alléger la fiscalité qui pèse sur lui.

En outre, un certain nombre de dépenses fiscales incitent directement ou indirec- tement à la dégradation de la biodiversité (voir tableau II-7). Ces dépenses fiscales sont triplement négatives : envers la biodiversité de par leur nature ; envers le budget de l’État puisqu’elles constituent une perte de recettes fiscales ; envers l’économie et la société dans leur ensemble puisqu’elles ne permettent pas la vérité des coûts, élément essentiel de choix du consommateur. À nouveau, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille toutes les supprimer, ni que les secteurs concernés doivent forcé- ment voir les soutiens publics dont ils bénéficient diminuer. Mais elles doivent à tout le moins être réexaminées dans leurs modalités et réduites en nombre et en montants.

Tableau II-7 : Quelques dépenses fiscales à réexaminer au regard de leur impact sur la biodiversité

Intitulé de la mesure fiscale Référence Impôt concerné Impact budgétaire en PLF 2007 (en M€)

Effets négatifs possibles sur la biodiversité et la vérité des coûts

Taux de 5,5 % applicable aux éléments constitutifs des aliments pour le bétail et à certains produits et engrais à usage agricole

CGI article 278 bis-4° et

TVA 50 Minore le coût de l’usage des produits phytosanitaires et peut donc inciter à leur utilisation, alors que le Grenelle demande leur réduction

Exonération de taxe professionnelle pour les immobilisations de toute nature utilisées à l’irrigation pour les 9/10 au moins de leur capacité

CGI article 1469

TP Minore le coût de l’irrigation et peut donc inciter à son usage ainsi qu’à l’extension de cultures fortement consommatrices d’eau et relativement pauvres en biodiversité

Déductibilité des travaux d’arrachage de haies, comblement de fossés, drainage… des revenus fonciers des propriétés rurales

LFI 2006 IR Incitation à supprimer des éléments importants et structurants de certains écosystèmes et paysages (bocage, zones humides)

Taux réduit de TIPP applicable au fuel domestique utilisé comme carburant diesel Code des douanes article 265 et 265 B TIPP 1450 (950 ME en 2009)

Disposition historiquement instaurée pour inciter à la mécanisation de l’agriculture française aujourd’hui largement accomplie. Il conduit à minorer les coûts de l’utilisation des intrants (engrais, produits phyto- sanitaires…) et à désavantager, en termes relatifs, les agricultures biologique ou

Intitulé de la mesure fiscale Référence Impôt concerné Impact budgétaire en PLF 2007 (en M€)

Effets négatifs possibles sur la biodiversité et la vérité des coûts

Exonération de taxe profession- nelle pour les concessionnaires de mines, les permis d’exploi- tation de mines et les explora- teurs de mines et de pétrole et de gaz combustibles

CGI article 1463 A

TP Les impacts des campagnes d’exploration de gisements de pétrole ou de gaz offshore sur le milieu aquatique semblent de plus en plus documentés

Déduction du revenu global des souscriptions en numéraire au capital de sociétés agréées ayant pour objet le financement de la pêche artisanale (SOFIPECHE)

CGI article 163 duovicies, 238 bis HO,

238 bis HP

IR Disposition incitant au maintien d’une surcapacité des flottes de pêche et donc à une pression trop forte sur les stocks halieutiques par rapport à leur état. Exonération de TVA sur les

opérations de livraison, de réparation, d’entretien, d’affrète- ment et de location portant sur les bateaux affectés à la pêche professionnelle maritime et sur les livraisons de biens destinés à l’avitaillement de ces bateaux

CGI article 262- II- 2° et 6e TVA Idem Abattement de 50 % sur le bénéfice imposable des jeunes pêcheurs qui s’installent entre le 01/01/1997 et le 31/12/2010

CGI 44 nonies

IR Idem

Exonération des opérations effectuées par les pêcheurs et armateurs à la pêche, à l’excep- tion des pêcheurs en eau douce, en ce qui concerne la vente de produits de leur pêche (poissons, crustacés, coquillages frais ou conservés à l’état frais par un procédé frigorifique)

CGI 261- 2- 4°

TVA 60 Idem

Amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes versées pour la souscription au capital des sociétés agréées pour le financement de la pêche artisanale (SOFIPECHE) CGI 217 decies, 238 bis HP, 238 bis HO IS Idem

Exonération de TIPP pour certains carburants utilisés par la navigation notamment pour la pêche dans les eaux communautaires Code des douanes article 265bis TIPP 210 Idem.

En outre, disposition incitant la flotte française à utiliser des engins (chalut) entraînant à la fois une dégradation impor- tante du milieu marin lui-même (fond des mers) et une dépense énergétique nettement supérieure à d’autres modes de pêche

Plusieurs dispositions adoptées entre 2005 et 2007 ont amélioré le statut fiscal des espaces naturels :

– depuis 2005, en vertu de la loi sur le développement des territoires ruraux, les zones Natura 2000 sont exonérées de la part communale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) à hauteur de 100 % et certaines zones humides à hauteur de 50 %, sous réserve d’un engagement de gestion pendant cinq ans ;

– les espaces naturels protégés sont désormais soumis au même régime que les biens ruraux donnés à bail à long terme en matière de droits de mutation à titre gratuit ;

– les frais de restauration et d’entretien des mêmes espaces sont devenus déductibles des revenus fonciers ;

– suite à la loi sur les Parcs nationaux d’avril 2006, les cœurs de Parcs nationaux situés dans les départements d’Outre-mer bénéficient d’une exonération, applicable pendant cinq ans, de la TFNB.

En outre, la loi sur les Parcs nationaux d’avril 2006 a instauré au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF) une dotation versée aux communes dont le territoire est pour tout ou partie compris dans le cœur d’un Parc national. Cette dotation est fonction de la part de la superficie de la commune comprise dans le cœur de parc, cette part étant doublée pour le calcul de la dotation lorsque la superficie dépasse 5 000 km2

. Elle évolue chaque année comme la dotation globale de fonctionnement. Cette mesure constitue un pas important dans l’instauration d’une solidarité en faveur de communes possédant un patrimoine naturel à préserver.

Néanmoins, le statut fiscal du patrimoine naturel n’est toujours pas équivalent à celui du patrimoine culturel. Il conviendrait notamment pour cela que les frais de restauration et d’entretien des espaces naturels protégés soient déductibles du revenu global (avec un plafond) et non des seuls revenus fonciers, et que les zones humides non agricoles puissent aussi être exonérées de TFNB.

Plusieurs autres mesures étaient proposées par les sénateurs P. Laffitte et C. Saunier en 2007 :

– réexaminer les encouragements fiscaux à l’artificialisation des milieux naturels ; – réduire la pression fiscale sur les milieux naturels. Par exemple, il devrait être

possible de mettre en œuvre des exonérations totales ou partielles sur les zones humides, les espaces naturels à statut de protection strict ; les espaces dévolus à l’agriculture biologique et les prairies naturelles ;

– favoriser l’utilisation et la fiscalité locale pour ralentir l’étalement urbain ; – inciter, en utilisant l’impôt sur le revenu et éventuellement l’impôt sur la

fortune, à la restauration des espaces naturels ;

– utiliser les dotations de financement des collectivités locales dans un sens favorisant les biodiversités. L’inclusion d’un critère biodiversité dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), proposée par le groupe de travail n° 2 du Grenelle de l’environnement va dans ce sens. Mais il faut aller plus loin en considérant, comme dans le cas de la loi sur les Parcs nationaux précitée, la constitution d’espaces protégés par les collectivités locales comme un investissement au même titre que la rénovation d’un lycée ou la construction d’une route ; c’est pourquoi la dotation globale d’investissement (DGI) devrait aussi inclure un critère « biodiversité ».

D’une manière générale, le groupe considère qu’en matière de biodiversité, l’utilisation des instruments économiques et fiscaux ne doit pas être prioritairement orientée vers des buts de rendement et de financement mais plutôt vers des buts incitatifs, d’internalisation des coûts et de vérité des prix.

II.4.4. Revoir la Comptabilité nationale pour une intégration de la valeur

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