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bilan des connaissances scientifiques

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V.1.6. Pour conclure

L’objectif de ces longs développements était de caractériser l’évaluation économique et d’en préciser les fondements épistémologiques : anthropocentrisme, conséquen- tialisme, utilitarisme, subjectivisme, marginalisme. L’enjeu était de préciser la signification d’une évaluation économique de la biodiversité et des services écosystémiques, d’éclairer l’intérêt et les limites de l’utilisation d’un étalon monétaire, enfin, de présenter succinctement ce qui peut être attendu des approches alternatives.

Dans le cadre de ses postulats, l’évaluation économique apparaît comme une tentative cohérente de démarche pour analyser les alternatives de choix. La notion de valeur qui en résulte traduit cette logique (utilité-rareté) et conduit à attribuer aux actifs une valeur instrumentale qui reflète leur contribution au bien-être social relativement aux possibilités alternatives. Mais ses exigences, notamment en termes d’information et de capacité de calcul, peuvent limiter la validité des résultats obtenus.

L’argument central en faveur d’une mesure monétaire, commensurable à des prix, tient sans doute au fait qu’il s’agit d’un indicateur synthétique qui intègre des considérations relatives à la fois à l’utilité et à la rareté relative des actifs. Malgré les questions relatives aux effets propres à la monnaie, elle est donc directement corrélée aux éléments qui fondent leur valeur sociale. Les approches alternatives souffrent aussi de limitations importantes, du point de vue de leur universalisme ou de leur cohérence avec le fonctionnement social.

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L’affirmation que l’empreinte écologique globale ne « doit pas » dépasser la biocapacité de la planète, ne résiste pas à une analyse dynamique. Pour l’impact d’un projet local, on ne voit pas a priori ce que serait l’empreinte optimale. L’idée de diminuer cette empreinte paraît a priori

intéressante, mais sans que la minimisation de l’empreinte soit nécessairement socialement souhaitable, même à long terme.

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Ce qui conduit de nombreux auteurs, comme Sagoff (1998) ou Tacchoni (2000) et d’autres (cf. OCDE, 2002) à proposer des procédures de délibération collectives « démocratiques » permettant à des groupes de citoyens de s’approprier les questions posées avant d’exprimer des jugements. Voir aussi le chapitre « Obtention des valeurs : procédures délibératives et

De même que la perspective d’une appropriation généralisée de tous les actifs présents et futurs qui laisserait au marché le monopole de la régulation, la tentation d’éviter toute évaluation explicite en renvoyant à des choix politiques ou aux processus de l’action collective ne paraît pas constituer une voie de portée pratique générale. Il est cependant évident que des progrès ont été réalisés et peuvent être attendus de ces deux voies :

– la définition de droits plus clairs sur les actifs supports de la biodiversité peut contribuer de façon décisive à mieux prendre en compte et en charge sa valeur, sans l’expliciter, ni la mesurer, mais en clarifiant les responsabilités ; – la construction de consensus quant à l’importance de préserver tel actif, est

une phase essentielle, quand elle est possible, pour permettre l’adhésion des acteurs sociaux aux choix collectifs et, plus encore, à leur respect et leur mise en œuvre.

Mais pour de nombreux choix locaux dont les conséquences affectent, réellement ou potentiellement, et selon des modalités indirectes, complexes, incertaines ou controversées, des acteurs ou des populations hétérogènes, les limites des approches évoquées deviennent évidentes. Or l’impact des projets d’infrastructure sur la biodiversité entre typiquement dans ce type de situations pour lesquelles une séparation claire entre l’explicitation des enjeux par l’expertise (scientifique, technique et socioéconomique) et l’affirmation de priorités (sociales, stratégiques ou politiques) par les décideurs est un élément déterminant de la démocratie.

Une caractéristique fondamentale de l’évaluation économique standard est qu’elle se fonde sur les préférences des agents. C’est généralement sa force en constituant un lien avec les principes de la démocratie (chaque voix compte) et une base critique (le poids de chaque voix est lié au revenu). Mais cette base apparaît fragilisée si les agents n’ont pas de familiarité avec les actifs qu’il s’agit d’évaluer comme c’est le cas pour la biodiversité, car les préférences se fondent alors sur une information fragile et potentiellement biaisée.

Des approches alternatives peuvent avoir une grande pertinence dans l’analyse des options d’un choix. Le maintien d’écosystèmes en bon état de fonctionnement est sans doute une question de survie pour l’Humanité et la Nature est porteuse de valeurs éthiques ou morales qu’il peut être souhaitable de traiter en dehors de l’évaluation économique, si l’on peut s’assurer que ce traitement différencié ne se conclura pas par une marginalisation ou un oubli. La perspective de la précaution peut aussi conduire à modifier le poids accordé à certaines conséquences des choix (OCDE, 2002).

La plupart des ressources peuvent faire l’objet d’usages alternatifs, leur coût d’opportunité n’est donc pas nul et tous les choix que nous faisons peuvent ainsi s’évaluer par rapport à ce à quoi ils impliquent de renoncer. La recherche de la meilleure affectation des ressources, c’est-à-dire la détermination des choix permettant de réaliser le plus grand bien-être social, passe par une forme d’analyse de leur pertinence pour laquelle l’évaluation économique offre un cadre cohérent. Bien qu’il soulève un ensemble de problèmes, le recours à l’étalon monétaire favorise la mise en équivalence avec l’ensemble des autres choix, notamment dans l’affectation des finances publiques.

L’explicitation des fondements et de la signification de l’évaluation économique a cependant mis en évidence l’importance de réaliser un double objectif :

– construire des classes d’équivalence, car tout projet aura des impacts sur la biodiversité et il importe de pouvoir les comparer et, pour ceux qui ne pourront être évités malgré leur importance, de les compenser ;

– définir une unité de mesure de portée suffisamment large, de façon à ce que, sur le modèle de la monnaie, elle puisse servir d’équivalent général, lorsque les comparaisons ou les compensations ne peuvent être réalisées en respectant une similitude multidimensionnelle.

Nous pouvons à présent aborder les aspects conceptuels de l’évaluation économique des services écosystémiques et de la biodiversité en sachant que si leur mise en œuvre rencontre des difficultés, certains de ses principes guideront vraisembla- blement aussi les solutions alternatives.

V.2. Évaluer la biodiversité et les services écosystémiques

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