• Aucun résultat trouvé

Synthèse des nanoparticules magnétiques en solution

La synthèse de dispersions de nanoparticules magnétiques bien caractérisées est nécessaire dans ce travail : elle passe par plusieurs étapes, d’abord la synthèse des particules, puis très souvent leur tri en taille pour réduire leur polydispersité, et enfin leur stabilisation avec différentes espèces de surface.

Coprécipitation d’ions Fe2+ et Fe3+ en milieu alcalin

Les nanoparticules magnétiques de maghémite (γ–Fe2O3) que nous avons utili-sées sont synthétiutili-sées au laboratoire PECSA suivant la méthode Massart [245] (1987) par coprécipitation d’ion Fe2+ et Fe3+ en milieu alcalin. Une solution de chlorure de fer ii (FeCl2) et chlorure de fer iii (FeCl3) est alcalinisée par ajout d’hydroxyde d’ammonium concentré (NH4OH). Le précipité obtenu, composé de nanoparticules de magnétite (Fe3O4) est ensuite séparé du solvant puis acidifié avec de l’acide ni-trique HNO3 pour neutraliser l’excès de base.

Pour obtenir des nanoparticules de maghémite (γ–Fe2O3), les nanoparticules de magnétite sont oxydées dans une solution de nitrate ferrique portée à 100°C [246].

La synthèse de nanoparticules de cobalt (CoFe2O4) destinées à être stabilisées en milieu neutre est obtenue par une méthode analogue à partir d’ions Co2+ et Fe3+ [247,248].

La ferrite de cobalt ne supportant pas les pH acides, les nanoparticules de CoFe2O4 destinées à être stabilisées à pH ≈ 2 sont enrichies en fer à leur surface par un procédé utilisé par Gomes et al. [131]. Leurs propriétés de surface se rapprochent alors de celles de la maghémite (en particulier pour la charge de surface des NPM). Les nanoparticules ainsi obtenues forment une dispersion stable à pH acide ou basique grâce aux répulsions électrostatiques dues à leur groupements chargés (res-pectivement –OH+

2 en milieu acide et –O en milieu basique). En revanche, elles ne sont pas chargées à pH neutre (présence de groupements neutres –OH), ce qui en-traîne la floculation des nanoparticules comme illustré sur la figure 2.1. Précisons que la zone d’instabilité colloïdale des ferrofluides natifs, c’est-à-dire non stabilisés par une espèce de surface, est approximativement placée à pH neutre, mais la frontière exacte dépend de paramètres physico-chimiques multiples. Une augmentation de la force ionique Iion du ferrofluide contribue à étendre la zone d’instabilité colloïdale des ferrofluides natifs de plusieurs unités de pH.

Ces nanoparticules natives ne sont donc pas directement utilisables dans la plu-part des applications en biologie, notamment dans le milieu intracellulaire, et les applications biologiques justifient d’assurer leur stabilisation à pH neutre (pH des milieux biologiques ∼ 7, 35 à 7,45).

Polydispersité des nanoparticules et tri en taille

Les nanoparticules obtenus par la synthèse Massart donnent des tailles comprises entre 5 et 20 nm. Cette polydispersité en taille est bien décrite par une distribution lognormale (voir figure 2.2) définie pour un diamètre médian d0et une polydispersité

Figure 2.1 – Domaines de stabilité en pH pour les différents ferrofluides, adaptée de [143]. Notons que la zone d’instabilité colloïdale des ferrofluides natifs est imprécise et qualitativement placée à pH neutre ; elle augmente avec la force ionique Iion. Les points d’interrogation « ? »indiquent une zone de transition méconnue.

σ comme : P (d)dd = √ 1 2πdσ exp  −ln 2d/d02  dd (2.1)

Cette distribution en taille relativement large est un problème pour les mesures expérimentales effectuées sur chaque échantillon car elle rend parfois difficile de per-cevoir le lien entre les mesures expérimentales et les caractéristiques des échantillons. Tout au long de ce travail, on prendra en compte cette polydispersité dans les mo-dèles utilisés pour décrire le comportement macroscopique des échantillons, lorsque l’effet étudié dépend fortement de la taille des particules. Un des problèmes liés à la polydispersité est que chaque technique expérimentale utilisée est sensible à un moment particulier de la distribution en taille des particules, si bien que les tailles déduites par exemple par mesure d’aimantation seront différentes de celles mesurées en relaxation de biréfringence magnéto-induite.

Pour une loi lognormale, les moments d’ordre n de la distribution de taille se calculent de la façon suivante :

hdn

i = dn

0 en2σ22 (2.2)

ce qui nous permet également d’écrire :

dn,m = d0 e(n+m)σ22 en posant (dn,m)n−m= hdni

hdmi (2.3) Les échantillons ont juste après la synthèse une polydispersité σ d’environ 0,4 (très polydisperse) et il est nécessaire de procéder à un tri en taille pour affiner la distribution.

Le tri en taille se fait par démixtions et redispersions successives et est basé sur la transition « liquide–gaz » des dispersions colloïdales qui dépendent de la taille des nanoparticules [124, 246, 249]. Dans certaines conditions de fraction volumique

Figure 2.2 – Distribution P(d) lognormale des diamètres des nanoparticules dans un ferrofluide ionique de maghémite (mesure par VSM : d0 = 8, 5nm, σ = 0, 3), avec la représentation de différents moments de la distribution, d0 étant le diamètre médian. En insert, la représentation semi-logarithmique de P(d) apparaît comme gaussienne (loi normale).

φ et de pression osmotique Π, la dispersion colloïdale présente une séparation de phase : une phase concentrée en nanoparticules (la phase « liquide ») cohabite avec une phase diluée (la phase « gaz »). Les interactions attractives (interactions de van der Waals et dipolaire magnétique) étant plus fortes pour les grosses nanoparticules, cette transition est amorcée par ces dernières, qui se concentrent préférentiellement dans la phase démixée ou « liquide », tandis que les plus petites nanoparticules demeurent préférentiellement dans la phase diluée, ou « gaz ».

Un processus de tri en taille est alors rendu possible : on provoque la démixtion du ferrofluide par ajout de HNO3, puis on isole la phase démixée par sédimentation sous champ. Le ferrofluide surnageant est prélevé par aspiration avec une pompe à eau, tandis que le ferrofluide déstabilisé (le culot) est récupéré et lavé des ions en excès par des rinçages successifs dans un mélange eau + acétone. Après un premier niveau de tri on obtient deux ferrofluides (le surnageant et le culot) de tailles respectivement plus petites et plus grandes, tout deux un peu plus monodisperses.

En pratique le tri en taille peut être reproduit plusieurs fois, mais à chaque fois la quantité de ferrofluide trié récolté est de plus en plus faible. Le tri en taille est par ailleurs optimal lorsque les paramètres physico-chimiques appliqués au ferrofluide n’induisent la démixtion que parmi les plus grandes particules, tandis que les pe-tites sont encore avant la transition. Il faut donc procéder graduellement par ajout progressif de HNO3 couplées à des mesure de taille par VSM, ce qui peut s’avérer

fastidieux. Un tri à deux niveaux permet de réduire la polydispersité σ à 0,2 voire 0,15 pour les petites particules (d0 < 7nm) tandis que descendre en dessous de σ = 0, 25 est relativement difficile pour des particules plus grosses.