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Interactions entre particules et polymères

Les interactions possibles non-covalentes entre particules colloïdales et espèces organiques peuvent être de nature très variée et représentent un domaine important de la chimie des surfaces. En particulier, la fonctionnalisation de la surface des particules inorganiques avec des particules organiques ouvre la voie à une chimie des interactions spécifiques entre espèces inorganiques, utilisant couramment le concept de « clé-serrure » du monde biologique, tels que les systèmes antigène – anticorps, hormone – récepteur, ADN – ARN. . .

En solvant organique, Boal et al. ont ainsi assemblé des particules d’or ou de mag-hémite avec des chaînes de polystyrène (PS) en exploitant la triple liaison hydrogène du couple thymine – diaminotriazine (Thy – triaz). La fonctionnalisation préalable de leurs espèces avec ce couple dissocié (Thy–Au ou Thy–γ–Fe2O3, et triaz–PS res-pectivement) leur a permis d’obtenir, sous l’effet de la recombinaison du couple Thy – triaz, des agrégats denses, tantôt sphériques et isolés, tantôt connectés dans un réseau, selon la température du milieu [92,99]. De même, le couple biotine – strepta-vidine a été employé directement pour induire des liaisons entre particules d’or [98], mais on la retrouve surtout pour permettre une fonctionnalisation de second niveau par « grafting on » de molécules très variées sur des particules colloïdales, grâce à la forte énergie de liaison impliquée (∆rG ∼ 35 kBT) et la maîtrise du greffage de la biotine et de la streptavidine sur des espèces organiques (ADN, anticorps, . . .) et in-organiques (métaux, oxydes, . . .) [93,95,96,173,174]. En particulier, les liaisons entre macromolécules d’ADN simples brins de séquences complémentaires sont ainsi mises à profit pour induire des liaisons spécifiques entre particules colloïdales fonctionna-lisées [95], pouvant être thermo-réversibles [94]. Ce type d’interaction « clé-serrure » se retrouve même entre des particules microniques de formes complémentaires pou-vant s’emboîter de façon réversible tout en restant très sensibles aux fluctuations thermiques [101].

Nous nous limiterons dans ce travail à l’utilisation d’interactions non-spécifiques entre particules inorganiques sphériques et macromolécules organiques pouvant être partiellement chargées ou neutres. Parmi les interactions attractives non-spécifiques intervenant entre macromolécules organiques, et entre particules et macromolécules, on trouve principalement :

– les propriétés hydrophiles et hydrophobes, respectivement associées aux espèces polaires (eau, particules chargées, polyélectrolytes, polymères polaires. . .) et apolaires (solvants organiques, chaînes lipidiques, . . .), et entraînant une at-traction entre espèces de même affinité et sinon une répulsion ;

– les liaisons hydrogènes, intervenant principalement entre les fonctions pen-dantes −OH et =O d’espèces polaires hydrophiles (PAM [175–178], . . .) ; – les interactions d’origine électrostatique, attractives entre espèces de charge

opposée, pouvant être principalement d’origine coulombienne (enthalpique) ou pilotée par la libération des contre-ions (entropique) [179].

Les polymères en solution entraînent également des effets stériques qui peuvent modifier les interactions résultantes entre particules :

– La déplétion : Les polymères non-adsorbants entraînent une attraction entre particules colloidales, sur une portée correspondant environ à la taille de la pelote de polymère. Cette déplétion résulte de la non-compensation, entre les particules s’approchant l’une de l’autre, de la pression osmotique exercée par le polymère sur le reste de leur surface [180–183].

– Les répulsions stériques : Les polymères adsorbés assurent en situation de bon solvant une répulsion stérique à courte portée entre particules colloïdales (PEG [184], PAM [47,185]), ou parfois électrostérique (PAA [186,187]). Ces différentes interactions, pour la plupart attractives, peuvent entraîner elles-aussi une transition de phase entre un état dispersé (coexistence de particules et de chaînes libres en solution) et un état complexé (complexation à deux corps ou complexation en masse à N corps). L’adsorption d’une chaîne unique sur une particule unique

(complexation à deux corps) a été très étudiée, et montre que l’adsorption de la chaîne sur la particule dépend du rayon des particules, de la densité de charge des deux espèces, de la distance d’écran des charges κ−1 et de la rigidité des chaînes polymères [188]. On retrouve ces résultats dans des travaux de simulations Monte-Carlo de Chodanowski et Stoll [103, 189–191] étendus aux électrolytes forts. La fi-gure 1.10 illustre le fait qu’à forte force ionique ces espèces même fortement chargées s’ignorent.

Figure 1.10 – Interactions particule + polyélectrolyte par simulation Monte-Carlo (tiré de [190], Iion sur l’axe horizontal et la densité de charge du polyélectrolyte sur l’axe vertical). On note qu’à forte force ionique Iion, donc à faible κ−1, les espèces ne s’associent pas ou se désorbent.

Des modèles plus complexes avec une approche en champ moyen sont éga-lement élaborés pour prendre en compte les interactions à N corps entre parti-cules et polyélectrolytes et mettent en évidence une transition de phase du premier ordre [192, 193], avec une décomposition spinodale et une coexistence de structures complexées et d’espèces libres, rappelant les diagrammes de phase vus pour des systèmes de particules seules. Cependant les diagrammes de phase de ces systèmes sont plus complexes et font intervenir quatre variables principales (les proportions de solvant, de polymère, de particule et de sel). Les structures formées complexent généralement à l’échelle macroscopique et l’interruption de la complexation n’inter-vient pas de façon évidente dans ces modèles pour permettre d’obtenir des objets de taille finie et contrôlée. Gummel et al. ont étudié des complexes protéines – poly-électrolytes présentant dans certaines conditions une agrégation en objets de taille

finie, mais ceux-ci s’organisent ensuite en gel suivant un processus RLCA [21–24]. Les copolymères diblocs partiellement adsorbants présentent par contre des proprié-tés proches des tensio-actifs, et en cela leur utilisation en place d’un polyélectrolyte simple offre un mécanisme d’interruption explicite de la croissance des structures formées par complexation.