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Particules ferromagnétiques sous champ statique

L’énergie libre d’une particule ferromagnétique uniaxe soumise à un champ ma-gnétique statique ~H s’écrit comme la somme de son énergie Zeeman et de son énergie

d’anisotropie :

Uferro(~e, ~ν) = −Emag (~e· ~h) − Ea (~e· ~ν)2 (1.35) = −Emag cos α− Ea cos2β (1.36) où l’on introduit le vecteur unitaire ~h comme ~H = H~h. Les angles α, β et θ sont définis sur la figure 1.20.

Figure 1.20 – Schéma d’une nanoparticule magnétique de moment ~µ soumise à un champ magnétique ~H. L’angle α définit l’orientation du moment ~µ par rapport au champ ~H, β l’orientation de ~µ par rapport à l’axe ~ν de facile aimantation , et θ représente l’orientation de ~ν par rapport à ~H.

Intéressons-nous successivement à l’aimantation d’une suspension de telles parti-cules sous l’effet d’un champ magnétique statique dans le cas d’une suspension diluée, puis concentrée, et ensuite à leur paramètre d’ordre orientationnel sous champ. Modèle de Langevin pour l’aimantation

L’aimantation d’une particule ferromagnétique libre de tourner mécaniquement sous l’application d’un champ magnétique statique ne sollicite que son énergie Zee-man Emag, tandis que l’énergie Ea est non-pertinente. On peut donc utiliser le mo-dèle de Langevin pour calculer l’aimantation macroscopique d’une dispersion de particules ferromagnétiques peu concentrée. Cette aimantation peut être modélisée par un ensemble de petits dipôles magnétiques permanents ~µ dont les orientations fluctuent au cours du temps, et qui s’orientent progressivement sous l’action d’un champ magnétique ~H. C’est une approximation de champ moyen où le couplage entre moments ~µ est négligeable.

À l’équilibre thermodynamique, la moyenne statistique doit être prise sur la distribution Pferro(α, β) à l’équilibre :

Pferro(α, β) = Zferro−1 exp(−Uferro(α, β)/kBT ) (1.37) Zferro =

Z

α,β

avec Zferro la fonction de partition du système intégrée sur toutes les orientations α et β, cette dernière étant sans effet car les grains sont libres de tourner en phase liquide.

L’aimantation de la suspension fait intervenir le paramètre d’ordre dipolaire S1,α(ξ) :

~

M = ms φ S1,α(ξ) ~h (1.39)

où ms est l’aimantation des particules ferromagnétiques, φ leur fraction volumique, et S1,α(ξ) le paramètre d’ordre dipolaire des moments ~µ, défini comme la moyenne d’ensemble du polynôme de Legendre d’ordre 1 hP1(cos α)i = hcos αi.

Puisque l’on néglige les interactions dipolaires entre moments, on retrouve le modèle du paramagnétisme de Langevin [223] :

S1,α = L1(ξ) (1.40)

en définissant L1(ξ) = coth(ξ)− 1/ξ (1.41) où L1(x) est la fonction de Langevin du premier ordre.

L’expression finale de l’aimantation de la suspension diluée est donc : ~

M = ms φ L1(ξ) ~h (1.42)

Modèle de Langevin pour l’orientation

L’orientation moyenne des axes d’anisotropie des objets est liée au couplage avec l’énergie Ea des moments magnétiques ~µ. Si les moments sont orientés sous l’effet d’un champ magnétique ~H, ils vont à leur tour induire un ordre orientationnel dans les axes d’anisotropie des objets. Considérons comme précédemment le cas à faible fraction volumique où les interactions entre dipôles magnétiques sont négligeables.

L’orientation moyenne des axes d’anisotropie peut être décrite par le paramètre d’ordre quadrupolaire S2 (nématique) défini comme la moyenne d’ensemble du po-lynôme de Legendre d’ordre 2, noté P2(cos θ), sur les orientations de ~µ et ~ν :

S2 =  3 cos2θ− 1 2  α,β (1.43) Notons que le paramètre d’ordre dipolaire S1 = hP1(cos θ)i est rigoureusement nul car le couplage (~e · ~ν)2 de l’équation 1.35 n’est pas polarisé. À ce titre, il ne doit pas être confondu avec le paramètre d’ordre dipolaire S1,α =hP1(cos α)i des dipôles magnétiques permanents ~µ.

À l’aide des mêmes relations 1.37 et 1.38, la moyenne d’ensemble peut être ef-fectuée rigoureusement et donne [223] :

S2(ξ, ς) = L2(ξ) Σ2(ς) (1.44) où interviennent les paramètres adimensionnés ξ et ς déjà introduits p. 30 et p. 30. On y fait apparaître la fonction de Langevin du 2eordre L2(ξ), définie comme :

L2(ξ) = 1− 3 L1(ξ) ξ

= 1− 3 coth(ξ)ξ + 3

La fonction Σ2(ς) a été introduite dans [223] comme : Σ2(ς) = 3 2  d dς ln R(ς)1 3  ; R(ς) = Z 1 0 eςx2dx (1.46) où la fonction R(ς) représente l’intégrale de Dawson [224]. Elle dépend de la taille et de la nature des nanoparticules utilisées. Elle ne varie donc pas avec la valeur du champ H appliqué. Nous l’exprimons à l’aide de la fonction erreur imaginaire erfi(x) = erf(ix)/i définie comme :

erfi(x) = √2 π

Z x 0

et2dt (1.47)

On trouve alors que la fonction Σ2(ς) s’écrit comme :

Σ2(ς) = −1 2 − 3+ r 9 4πς eς erfi (√ς) = 3 4ς r 4ς π eς erfi(√ς)− 1 ! − 1 2 (1.48)

Explicitons l’expression des formes asymptotiques des deux fonctions suivantes :

L2(ξ) =  ξ2/15 pour ξ  1 1− 3/ξ pour ξ  1 (1.49) Σ2(ς) =  2ς/15 pour ς  1 1− 3/2ς pour ς  1 (1.50)

Ces deux fonctions sont monotones croissantes et saturent à 1 lorsque leur argu-ment respectif tend vers l’infini. Nous les avons représenté sur la figure 1.50. Lorsque l’énergie d’anisotropie Ea des grains est négligeable devant kBT, ς et le terme Σ2(ς) tendent vers zéro : les moments magnétiques ~µp des particules relaxent librement par rapport aux grains, c’est le superparamagnétisme de Néel. Dans ce cas, l’appli-cation d’un champ magnétique ~H oriente les moments ~µp sans entraîner la rotation physique des objets, et S2 est également nul. Dans la limite opposée où ς → ∞, le couplage est total entre ~µp et ~ν et l’on a Σ2 = 1. Le paramètre d’ordre S2 est donc entièrement couplé au champ, et l’on a idéalement S2 = L2(ξ). On parle dans ce cas de « dipôles rigides ». Lorsque le terme ς est intermédiaire, on parle de « dipôles mous ».

Applications à l’aimantation d’un ferrofluide

On assimile dans un premier temps les particules du ferrofluide à des sphères de diamètres d. Le moment magnétique porté par les NPM peut alors s’écrire :

µ(d) = msπd

3

6 (1.51)

(a) Paramètres d’ordre L1(ξ) etL2(ξ) (b) Paramètre d’ordre Σ2(ς)

Figure 1.21 – Évolution des paramètres d’ordreL1(ξ)et L2(ξ)associés au couplage (~µ, ~h) et Σ2(ς) associé au couplage (~ν, ~µ). Pour Σ2(ς) nous avons également tracé les variations asymptotiques des expressions 1.50.

La polydispersité Les NPM d’un ferrofluide étant souvent polydisperses en taille, on prend en compte leur polydispersité dans les grandeurs mesurées en procédant à une intégrale sur toutes les tailles de la distribution P (d, d0, σ). L’aimantation du ferrofluide décrite par l’équation 1.42 s’écrit alors :

M (ξ(d0, σ)) = Ms R

d3 L1(ξ(d))P (d, d0, σ)dd R

d3 P (d, d0, σ)dd (1.52) La pondération par d3 est due au fait que l’on prend en compte la fraction volumique φ(d) = N (d) vp(d)/Vtot de chaque population de taille d, donc de N(d) particules de volume vp(d) = πd3/6. Dans cette notation, N(d) n’est autre que P (d, d0, σ) dd. Les cas limites On peut distinguer deux cas-limite de la première loi de Langevin, à bas champ (LF pour “low field”) et à haut champ (HF pour “high field”) :

– limite LF : pour ξ  1, on a

L1(ξ)∼ ξ/3 (1.53)

La polydispersité (d0, σ) fait apparaître dans cette expression le moment (daimLF)3 =hd6i/hd3i tel que daim

LF = d0 exp(4, 5σ2)et donc L1(ξ)∼ ξ(daim LF)/3 – limite HF : pour ξ  1, on a

L1(ξ) ∼ 1 − 1/ξ (1.54)

La polydispersité fait ici intervenir le moment (daimHF)3 =hd3i tel que daim

HF = d0 exp(1, 5σ2)ce qui donne L1(ξ) ∼ 1−1/ξ(daim HF) L’aimantation à saturation Les nanoparticules magnétiques présentent une aimantation à saturation qui est souvent inférieure à l’aimantation en masse du matériau. Ainsi l’aimantation à saturation de la maghémite est de ms (massif) =

3, 75 105 A/m alors que la valeur moyenne mesurée sur les nanoparticules est de ms (particule) ≈ 3, 1 105 A/m. On attribue cet effet à la présence d’une couche de surface non-magnétique dans laquelle les spins de surfaces sont désorientés [129,225] (cf. fig. 1.22).

Une autre façon de décrire les NPM est d’attribuer une aimantation en masse ms (massif) à la seule fraction volumique φmag de matériau proprement magnétique, correspondant à des particules ferromagnétiques plus petites. Nous retiendrons dans cette étude la première description.

Figure 1.22 – Présence d’une couche non-magnétique en surface des nanoparti-cules, à l’origine d’une aimantation à saturation plus faible que dans le matériau massif

Effet de la concentration : correction de champ moyen Des modèles de champ moyen modifié ont été proposés pour décrire correctement l’aimantation sous champ des ferrofluides concentrés, où l’interaction mutuelle entre moments dipolaires ~

µp n’est plus négligeable [129]. On utilise pour cela le paramètre ¯γ introduit p. 7, qui prend en compte les interactions magnétiques dipolaires moyennes entre nanoparti-cules. Celles-ci sont alors prises en compte par un paramètre de Langevin effectif ξe

tel que :

ξe = ξ + λ¯γL(ξe) (1.55)

Ce paramètre tient compte du champ crée par les dipôles voisins. Le paramètre λ est une constante quantifiant ce champ effectif, et dont la valeur classique de Lorentz5

vaut λ = 1/3. La description de l’aimantation des ferrofluides concentrés jusqu’à ¯

γ ∼ 6 à 8 est toutefois obtenue avec l’ajustement à λ = 0, 22 pour un modèle de champ moyen au premier ordre. On en tire une expression de la susceptibilité magnétique : χ(φ) = ¯ γ 3 1− λ¯3γ (1.56)

Un modèle en perturbation au second ordre de Ivanov et al. [226] propose le développement suivant valable pour φ < 0, 18 en gardant λ = 1/3 :

χ(φ) = γ¯ 3  1 + λ ¯γ 3  + 1 144  ¯γ 3 2 (1.57)

5. Le paramètreλ est équivalent à un paramètre dépolarisant (ou démagnétisant) Nkintroduit dans l’eq. 1.27 pour une inclusion ellipsoïdale. Pour une inclusion sphérique il vaut donc1/3.

Pour les systèmes dilués, on retrouve dans les deux cas la relation linéaire sui-vante : χ0 = lim ξ≈ξe1(M/H)≈ msφ µ0µ 3kBT = ¯ γ 3 pour φ  1 (1.58)

Les deux modèles sont illustrés par la figure 1.23, qui montre la susceptibilité χm

d’une large variété de ferrofluide en fonction de φ (tiré de [129]).

Figure 1.23 – Susceptibilité magnétique initiale (i.e. en champ nul) en fonction du paramètre d’interaction magnétique dipolaire ¯γ, tirée de [129]. Les mesures sont faites sur des ferrofluides de différentes concentration φ, taille et composition (γ– Fe2O3 et CoFe2O4). La courbe en trait plein désigne le modèle 1.56 avec λ = 0, 22, la courbe en pointillé correspond à χ = ¯γ

3 ( 1.57), et la courbe en tiret au modèle de perturbation au second ordre décrit dans [226].

Application à la biréfringence d’un ferrofluide

Pour une solution diluée (φ < 1%), la biréfringence magnéto-induite ∆n(H) d’objets magnétiques optiquement uniaxes sans interaction s’écrit comme :

∆n(H) = δngrain φ S2(H) (1.59)

= δngrain φ L2(ξ) Σ2(ς) (1.60) où δngrain représente une moyenne de la biréfringence intrinsèque à chaque grain, lorsqu’il est parfaitement orienté (pour ~ν ~eH exactement), et φ est la fraction volumique en nanoparticules.

L’expression de δngrain peut s’écrire de façon générale comme [223,227]

δngrain = 1 2nsolv χ e k− χe  (1.61) où nsolvest l’indice optique du solvant, et χe

k (resp. χe

) est la susceptibilité électrique effective de la particule dans l’axe k (resp. ⊥). L’expression de (χe

k− χe

l’origine physique de l’anisotropie. Si le matériau composant les particules est iso-trope, l’anisotropie de χe est alors uniquement due à la forme faiblement anisotrope des particules [228], et peut s’exprimer à partir des facteurs Nk et N introduits dans l’expression 1.27 : χek = s − s s+ Nk(− s) χe = s − s s+ N(− s) (1.62)

Dans le cas d’un liquide magnétique où les NPM sont bien dispersées indivi-duellement, la biréfringence magnéto-induite ∆n(H) varie donc avec le champ H comme :

∆n(H) = ∆nsat L2(ξ(H)) (1.63)

∆nsat = δn0· φ (1.64)

δn0 = δngrain· Σ2(ς) (1.65) où δn0est la biréfringence spécifique des nanoparticules qui tient compte de la valeur finie de leur énergie d’anisotropie ς.

Nous venons de voir le comportement sous champ d’objets ferri- ou ferromagné-tiques présentant un moment magnétique permanent ~µp et une énergie d’anisotropie Ea quelconque. En particulier, nous avons vu que l’aimantation d’une assemblée de tels moments magnétiques permanents présente sous champ des propriétés qui peuvent dans certaines conditions être bien décrite par le modèle du paramagné-tisme de Langevin, en particulier si les particules sont libres de tourner. On peut donc légitimement penser qu’un objet magnétique composite, tel qu’on se propose de fabriquer dans ce travail à partir de NPM ferrimagnétiques, pourra dans le cas général présenter à la fois un moment magnétique permanent ~µp et une susceptibilité magnétique anisotrope ∆χ. C’est ce que nous présentons ci-dessous. En raison de la complexité des calculs, nous ne détaillerons ici que le cas des « dipôles rigides » pour lesquels ς → ∞.

3.4 Particules magnétiques complexes sous champ statique