• Aucun résultat trouvé

Observation des gels en microscopie optique

Pour sonder les inhomogénéités des échantillons gels à plus grande échelle, nous avons effectué des observations en microscopie optique.

Conditions expérimentales de l’observation

Les observations sont réalisées avec un microscope optique inversé Leica en lu-mière blanche dans des cellules de verre d’épaisseur e = 0, 1 mm, avec un objectif de grossissement ×40. Ces cellules sont fabriquées avec une lame et une lamelle

espacées par du parafilm fondu par chauffage à T ∼ 50°C, puis solidifié après refroi-dissement, en maintenant une ouverture pour pouvoir y introduire l’échantillon à observer. Après le remplissage de la cellule, l’ouverture n’est pas gênante puisque les échantillons gels se régénèrent et donc ne coulent pas, mais elle est toutefois obturée avec un peu de parafilm, sans assurer cependant une étanchéité contre l’évapora-tion. En raison de la forte absorption de la lumière par les NPM de ferrite de cobalt, seuls les gels à base de maghémite ont été étudiés ainsi, et même pour ces derniers, l’absorption importante de la puissance lumineuse de la lampe du microscope peut contribuer à chauffer légèrement l’échantillon tout au long de son observation, et augmenter l’agitation thermique ambiante du gel.

Résultats expérimentaux

Lors de leur observation en microscopie, les échantillons ont environ tw ≈ 50 j. Nous présentons ici trois échantillons, parmi lesquels :

– un sol bien stabilisé avant ajout de sel ;

– deux gels prenant en masse dès tw ≈ 0 et ici régénérés après avoir été secoués pour le remplissage de la cellule.

Puisqu’il s’agit de systèmes n’évoluant pas ou plus, l’âge des échantillons n’est donc pas pertinent et ne représente pas un problème pour la comparaison de ces trois échantillons. Aucune inhomogénéité macroscopique n’est visible par inspection à l’œil nu dans chacun de ces trois échantillons.

(a) solγ–Fe2O3(M) pH≈ 3 ; Isel = 0 M

(b) gelγ–Fe2O3(M) pH≈ 2 ; Isel = 0,3 M

(c) gel γ–Fe2O3 (P) pH≈ 2 ; Isel = 0,4 M

Figure 4.17 – Prises de vue d’échantillons de γ–Fe2O3 en grossissement ×40.

La figure 4.17 présente une prise de vue au microscope de chacun de ces trois échantillons. Le premier apparaît parfaitement homogène, tandis que les deux autres présentent clairement une granulosité caractéristique d’inhomogénéités de tailles mi-croniques, mais sans grosses vacuoles ou gros amas de clusters. À l’œil nu, l’absence de vacuole ou de poches de surnageant confirme cette observation. Ceci ne coïncide pas avec les observations menées par microscopie optique sur les gels thixotropes de NPM natives dans les références [104, 105], où une synérèse était observée à diffé-rentes échelles6. Ici l’organisation des NPM en clusters conduit à une macrostructure quasiment homogène au-delà de quelques microns. On remarque que la granulosité

est plus fine pour l’échantillon gel γ–Fe2O3 (M) pH ≈ 2 ; Isel = 0,3 M, et devient plus marquée pour le gel γ–Fe2O3 (P) à pH ≈ 2 ; Isel = 0,4 M.

Une évaluation de la taille maximale des inhomogénéités spatiales dans le gel est intéressante, car elle peut permettre de déterminer si les clusters observées en DXPA sont en interaction attractives ou répulsives : s’ils sont répulsifs, ils se tiennent à l’écart les uns des autres et la structure devient homogène à l’échelle du microscope, tandis que s’ils sont attractifs, ils peuvent former des structures inhomogènes beau-coup plus grandes, telles que des « super-clusters », compatibles avec des facteurs de structure des clusters Sagg(q) attractifs (voir figure 4.16(b)).

L’analyse de cette granulosité appelle quelques précautions : D’abord, il s’agit d’une image de transmission correspondant à une projection en deux dimensions de l’arrangement des NPM dans le gel tridimensionnel, ce qui nous fait perdre de l’in-formation. Ensuite, les fluctuations temporelles de l’échantillon aux temps inférieurs aux temps de pose de la caméra (∼ 0,04 s pour 25 Hz) peuvent contribuer à lisser la rugosité observée.

(a) gelγ–Fe2O3(M) pH≈ 2 ; Isel = 0,3 M

(b) gelγ–Fe2O3 (P) pH≈ 2 ; Isel = 0,4 M

Figure 4.18 – Prises de vue d’échantillons de γ–Fe2O3en grossissement ×40 lissées par un filtre gaussien de rayon rgauss = 2 mm. Pour fixer les idées, le cercle blanc localise une tache noire artificiellement introduite, de diamètre d ≈ 2 mm devenue méconnaissable après filtrage.

L’analyse des images 2D en composantes de Fourier présente l’intérêt de four-nir une mesure moyennée des distances caractéristique apparaissant dans l’image, mais elle n’est pas satisfaisante car elle ne met en valeur aucun pic de structure, et s’apparente trompeusement à une figure de diffusion qu’on ne peut rigoureusement analyser comme telle. La mesure pertinente de la taille maximale des structures visibles n’est alors pas facilitée.

Une estimation de la taille maximale des inhomogénéités peut être donnée en lissant les détails des images par convolution avec un filtre gaussien, dont la lar-geur à mi-hauteur est augmentée jusqu’à ce que l’image paraisse homogène. Sur la figure 4.18 nous avons représenté les deux gels déjà vus sur la figure 4.17, avec un filtre ajusté à rgauss = 2 mm. Les taches noires persistant sur les images sont des artefacts de l’objectif.

Les tailles des inhomogénéités ainsi déterminées sont d’environ 2 mm pour le premier échantillon gel (γ–Fe2O3(M) pH ≈ 2 ; Isel= 0,3 M) tandis qu’elles atteignent 5 mm pour le second (γ–Fe2O3 (P) à pH ≈ 2 ; Isel = 0,4 M). Rappelons les tailles

des clusters de NPM des échantillons déterminées par DXPA pour ces échantillons : nous trouvions respectivement un Rg,agg de 250 nm et 420 nm, soit une différence minimale d’un ordre de grandeur entre les deux échelles. On peut donc considérer que les clusters de NPM dans les gels forment eux-mêmes une super-structure d’objets en interactions attractives. Aux dimensions plus grandes, le gel semble avoir adopté une structure homogène qui n’évolue plus jusqu’à l’échelle macroscopique.

Limites de la microscopie optique

Dans cette étude des gels au microscope, nous avons observé nos échantillons dans l’espace réel en lumière blanche, puis nous avons analysé les images en tentant de quantifier les inhomogénéités des échantillons sur nos prises de vues.

Une étude plus propre est possible au microscope : en focalisant l’optique du microscope sur le plan objet ou le plan de Fourier de l’objet, ce qui est possible avec une lentille de Bertrand, on peut tour à tour visualiser l’échantillon dans l’espace réel ou procéder à une mesure de diffusion de la lumière 2D dans l’espace réci-proque. Ce dispositif nécessite cependant de travailler en lumière monochromatique et d’étalonner la distorsion des focales [302]. Pour ces raisons une amélioration de notre montage de microscopie est prévue. L’accès à l’espace réciproque permettra en outre d’analyser les fluctuations spatiales et temporelles du signal diffusé pour sonder les propriétés dynamique de ces gels thixotropes. Les gels et les verres col-loïdaux présentent en effet des caractéristiques non-ergodiques bien différentes que l’on peut distinguer par leur dépendance en q et en t [106,303,304].

Une étude de ces fluctuations par analyse d’auto-corrélation permettrait d’accé-der aux propriétés dynamiques de ces gels. Les films enregistrés sur microscope à l’aide d’une caméra CCD fonctionnant à 25 Hz montrent justement d’importantes fluctuations dynamiques des échantillons qui traduisent un « grouillement » des clus-ters lié à l’agitation thermique du milieu. Ces fluctuations temporelles locales sont liées aux temps caractéristiques de relaxation du système, et peuvent permettre d’identifier la présence d’objets indépendants. Dans nos spectres de DXPA, ces fluc-tuations temporelles ont été moyennées et sont donc perdues. Elles n’ont pas non plus été prises en compte dans nos observations de microscopie. Pour approfon-dir notre compréhension de ces systèmes, l’étude de ces fluctuations devrait être à l’avenir poursuivie par DLS.

Pour accéder aux propriétés de relaxation dynamique de nos échantillons, nous avons choisi ici de procéder à de faibles perturbations mécaniques de nos systèmes que nous laissons ensuite relaxer. La relaxation de sols et de gels secoués est suivie à l’aide d’une technique de relaxation de biréfringence magnéto-induite en champ faible, qui exploite les propriétés magnétiques des NPM pour induire une perturba-tion mécanique sur les clusters mobiles présents dans nos échantillons.

4 Dynamique de relaxation des clusters de NPM

natives

La relaxation de biréfringence magnéto-induite en champ faible est une technique décrite au chapitre 3 p. 104, et est utilisée pour sonder la dynamique orientationnelle

d’objets magnétiques dispersés en solution.

Appliquée à des systèmes de NPM organisées en clusters, elle permet de fournir une estimation de la taille hydrodynamique de ces clusters, à condition que ces derniers soient libres de tourner, pour pouvoir suivre leur relaxation orientationnelle sous l’effet de l’application ou de la coupure d’un champ magnétique faible. C’est ce que nous voyons sur l’exemple de mesure de biréfringence magnéto-induite présenté sur la figure 4.19(a) (nous reviendrons plus tard sur l’analyse de cette figure), où l’on voit que le signal diminue à mesure que le système évolue vers un état gel, et que de moins en moins de clusters restent libres dans l’échantillon. Cette technique est donc plutôt adaptée à l’étude des sols de clusters encore liquides, ou des gels secoués en cours de régénération, aucun signal n’étant perceptible dans les gels « pris en masse » [104].

Notons que nous ne procédons ici qu’à des mesures de relaxation libre observées après coupure d’un champ magnétique, car le temps de relaxation de montée du signal de biréfringence est trop proche du temps de relaxation de descente (le temps brownien) pour contenir une information complémentaire fiable sur les clusters.

(a) Croissance des clusters pour tw 1 h 24 min.

(b) Gélification de l’échantillon pour tw 1 h 24 min.

Figure 4.19 – Cinétique de « première prise en gel » de l’échantillon γ–Fe2O3 (M) à pH ≈ 2 [TMA NO3] = 0,3 M étudiée par relaxation de biréfringence en fonction de l’âge tw de la préparation dans une seule et même cellule (série 2). Le signal du gel marqué « new cell » est lui un gel déjà pris en masse puis secoué et observé avant sa régénération après le remplissage d’une nouvelle cellule.

Pour étudier la dynamique de relaxation des clusters de NPM natives, nous avons étudié deux séries d’échantillons en sélectionnant les nanoparticules γ–Fe2O3 (M) :

1. La première série est celle qui a été étudiée en DXPA, mais environ 10 jours après leur synthèse. Certains échantillons ont entre temps évolué vers des gels, trahissant des phénomènes de vieillissement à temps longs dans des échan-tillons qui apparaissaient comme des sols stables. Il s’agit donc d’une série d’échantillons d’âge tw fixe mais de composition, taille, pH et force ionique variés.

2. La deuxième série d’échantillons a été préparée à la suite de cette observa-tion dans le but de suivre le processus de vieillissement, tout

particulière-Figure 4.20 – Diagramme sol–gel des échantillons de NPM natives étudiés en biréfringence en fonction de la force ionique Iion et du pH, observée à environ tw ≈ 9à 12 jours après leur préparation.

ment à l’aide de la relaxation de biréfringence magnéto-induite. C’est une série d’échantillons de composition (γ–Fe2O3), de taille (M) et de pH fixes, mais de force ionique Iion et d’âge tw variés (voir les ronds noirs sur la figure 4.2 et un aperçu des relaxations sur la figure 4.19).

Nous allons donc nous intéresser successivement aux deux séries d’échantillons, qui nous fournissent des informations complémentaires sur ces systèmes.