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1.6. A propos des objets graphiques

partie 5 : tableau informant des élèves responsables du jour :

4.1. Des supports écrits permanents

4.2.2. Survol rapide du stock de mots affichés

Après avoir nommé rapidement la tâche de production écrite avec la formulation de « faire des histoires mélangées », l’enseignante assise face aux élèves se tourne vers le tableau (Cf. figure 3), le montre du doigt et indique par ce seul geste rapide que le "faire"

projeté concerne les étiquettes désignées en (59) par « avec les mots les mots-là ». Le geste de

l’enseignante est à peine ébauché comme si le caractère immédiatement perceptible rendait évident l’usage des objets "disponibles". Pourtant c’est ce petit geste du doigt qui établit le

lien logique entre la phase précédente convoquant l’idée de « faire des histoires » et la phase

de production écrite mobilisant les étiquettes affichées. L’attitude d’Alexis, premier élève

producteur d’un écrit durant la phase collective, indique que l’obligation de « faire

concrètement avec » les étiquettes mises à disposition lui avait échappé : l’enseignante doit lui

préciser : « tu prends ce que tu veux / mais il faut que tu ailles au tableau hein » (126).

Les questions magistrales, « on les connaît les mots-là ? » (59) , « pourquoi on les

connaît ? » (61), sont surprenantes car elles adviennent avant toute activité organisée de lecture. Ces questions laissent à penser qu’une mémoire visuelle suffirait à mobiliser une lecture globale directe. De plus, la seconde question n’ouvre pas une activité de lecture mais,

par une question en pourquoi, suggère qu’une posture distanciée à propos du choix des mots serait possible. Pourtant, à cette phase de la séance où aucun mot n’a encore été lu oralement, une posture interrogeant l’ensemble de la collection n’est pas tenable par les élèves. Notre hypothèse est que l’enseignante voudrait s’autoriser à avancer rapidement dans l’exploration

du stock car certains mots, figurant dans le « tableau de lecture », seraient, de ce fait, déjà

connus.

De fait, une phase d’exploration des mots est entamée à partir de (63). Pendant un peu plus de quatre minutes, des élèves se succèdent au tableau, oralisant chacun un mot. La

logique de lecture convoquée par l’enseignante est celle d’une reconnaissance directe : « ben

on va essayer déjà d’en voir un certain nombre/ alors on lève son doigt (…) si on le reconnaît

(63) »; « il y a Jordan qui en a retrouvé un autre » (75) . Les propos de l’enseignante

indiquent que l’activité de reconnaissance peut s’opérer à partir de deux "fonds de savoir". La

première ressource de savoir, idiosyncrasique, implique la mémoire individuelle: « alors qui

est-ce qui connaît les autres mots ? »(97) ; « est-ce que tu t’en rappelles ? » (105). Grégoire s’est approprié la logique d’un savoir « préexistant » à la séance, censé être disponible en

mémoire et, en réponse à la sollicitation d’aller au tableau refuse et se justifie : « non / je me

rappelle plus » (102). La seconde ressource, collective, est constituée par le « tableau de lecture ; les mots que je connais » pour laquelle, comme indiqué supra, l’enseignante opère un travail de focalisation spécifique pour que les élèves y recourent.

Les mots spontanément lus par les élèves appartiennent tous à la collection des étiquettes sur fond blanc, la plus connue, celle, implicite en tant que classe grammaticale, des noms communs et propres. En (97), l’enseignante les enjoint à explorer les deux autres ensembles, sans les catégoriser explicitement, mais en les désignant en opposition à

l’ensemble lu jusque-là : « bon alors vous avez toujours parlé de ces mots-là / moi je voudrais

bien qu’on parle des autres mots un petit peu / ah les autres mots / c’est sûr ils sont plus durs pour nous / alors qui est-ce qui connaît les autres mots ? ». Hugo, élève interrogé, a des

difficultés pour se détacher de l’ensemble de mots plus familiers. L’enseignante insiste : « je

veux plus qu’on me parle des mots-là (…) / non j’ai dit on s’occupe plus de la colonne » (97).

A noter que le terme de colonne désigne seulement l’ensemble des mots sur étiquettes

blanches disposés à droite, en fait sur deux colonnes. Le terme de colonne évoque

elliptiquement que les mots ont été placés d’une façon organisée sans que les critères de classement soient explicités.

La colonne centrale, explorée dans ce deuxième temps de lecture, comporte des étiquettes sur fond rose avec un écrit et un pictogramme. Il est difficile de déterminer si les

élèves infèrent à partir de l’écrit reconnu car déjà capitalisé ou à partir du pictogramme. La spécificité d’un double système sémiotique de ces étiquettes, pictogramme et graphie alphabétique, reste également non exprimée même si en (104), une petite fille y fait

référence : on va te montrer une image. Avec ces mots, elle tente de rassurer Grégoire qui,

pour signifier qu’il ne sait lire aucun des « mots roses », dit qu’il « ne se rappelle plus ». Quatre étiquettes sur les sept sont oralisées.

Puis l’enseignante pousse ses élèves vers l’ensemble le plus à gauche, celui des « petits mots jaunes ». Seront oralisés successivement et très brièvement un mot de chaque

ligne correspondant à LA, LE et L’. Pour oraliser « L apostrophe », en (118), des élèves

proposent successivement [lɛl] et [lə] puis [ɛl]. La maîtresse invalide toutes ces propositions

en reposant la question : « alors comment on dit ? » et en rappelant qu’elle a déjà dit

précédemment la réponse attendue (119). C’est Antoine, élève lecteur, qui propose la réponse

en (121) : L apostrophe, ostensiblement validée. Cet accueil appuyé d’une réponse témoigne

du plaisir de l’enseignante de retrouver chez un élève un terme de métalangage peu courant en maternelle, énoncé lors d’une séance précédente. De fait, il leurre durablement les élèves sur

l’oralisation du L’ qui se réduit au phonème [l], "étrange" à prononcer et à considérer comme

mot du point de vue des élèves. Il échappe à l’enseignante que le déterminant dont la voyelle est éludée a été nommé alors que les deux autres ont été directement lus. Cela donne lieu à

une confusion par la suite, des élèves intégrant que L’ s’oralise « L apostrophe ».A sept

reprises un élève lit « L apostrophe » : en (178) non entendu par l’enseignante comme erroné,

en (292) et (294) avec rectification en collectif et en (305), (361), (401), (568), (614) au cours de lectures individuelles.

En (124), la phase de production écrite annoncée est ouverte par « est-ce que quelqu’un veut venir commencer à faire une petite histoire mélangée ou drôle au tableau ? ».

A ce stade de la séquence, comment est campée l’activité encore à venir d’une production écrite ? D’un point de vue chronologique, il a d’abord été fait référence rapidement au principe d’« histoires mélangées et drôles» ce qui induit, pour les seuls élèves qui en ont saisi le principe, la possibilité de "productions narratives". Puis les élèves ont été invités à explorer par une lecture rapide un ensemble organisé de mots inscrits sur des étiquettes. Pour certains élèves, il est probable à ce moment de la séance que la notion floue d’« histoires mélangées » d’une part et l’exploration rapide des mots d’autre part constituent encore deux activités disjointes. L’insistance de l’enseignante à lire les trois sous-ensembles

de couleur différente peut alerter les élèves attentifs à cet indice que cette exploration est forcément finalisée et qu’elle est, en l’occurrence, au service de l’activité de « faire des histoires ». Toutefois, le lien entre l’évocation de l’album et l’activité réalisée de lecture reste ténu pour beaucoup d’élèves, comme Alexis dont il est question ci-dessous et que le déroulement de l’activité de production à venir soit peu clair pour eux. Le pilotage rapide avec lequel l’enseignante organise la lecture des étiquettes peut s’expliquer par le fait qu’elle a hâte d’entrer dans la tâche de production car elle fait l’hypothèse qu’en situation les élèves comprendront d’une façon plus "concrète" ce qui est attendu.

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