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De la production à la re-production : un travail conceptuel de transcodage d’écrit sur étiquette à écrit manuscrit d’écrit sur étiquette à écrit manuscrit

1.6. A propos des objets graphiques

partie 5 : tableau informant des élèves responsables du jour :

4.3. Travail en groupe : tactiques d’élèves pour réaliser des objets à lire, à coller et à recopier

4.3.3. De la production à la re-production : un travail conceptuel de transcodage d’écrit sur étiquette à écrit manuscrit d’écrit sur étiquette à écrit manuscrit

Fort opportunément pour lui, Alexis est le dernier élève à terminer son travail ; l’enseignante lui consacre alors plus de temps et d’attention (entre 12 et 15 minutes en interaction duelle, entrecoupées de consignes données aux autres élèves). Il termine après une vingtaine de minutes après avoir successivement posé les productions suivantes :

SOPHIE EST JAUNE LE CHATEAU HABITE

LE CHATEAU DRAGON ARBRE RAISIN LE CHATEAU DRAGON ARBRE REGARDE LE CHATEAU REGARDE DRAGON

LE CHATEAU REGARDE LE DRAGON

Notre analyse concerne le moment où Alexis a terminé sa phrase et en a collé minutieusement chaque élément sur une bande.

Avec Alexis, nous observons une difficulté proprement épistémique : comment mentalement, pour un élève, opérer la disjonction entre la matérialité dans laquelle se présente une production langagière écrite et sa signification.

Malgré les indications de l’enseignante, à propos d’une copie à réaliser, qui lui sont

adressées : « oui sur le c’ non dans le cahier de vie il faut la recopier / là ta maman va la

lire » (638), puis « prends ton histoire et / on va la recopier dans le cahier pour que ta

maman puisse la lire » (642), Alexis n’a pas compris que l’activité de fabrication, comme il

la nomme lui même, se prolonge par un travail de copie dans son cahier de vie*. Il semble

que, pour cet enfant, recopier ne reproduise pas.

637 Alexis on la mettra encore dans notre cahier de vie ?

638 M oui sur le c’ non dans le cahier de vie il faut la recopier / là ta maman va la lire 639 Alexis ça va être rigolo

640 M ben oui

641 Alexis quand elle la verra elle se dira qu’est-ce que c’est donc / (l’enseignante s’est éloignée)

je me demande qu’est ce qu’on va en f(aire) je me demande qu’est ce qu’on va en faire quand elle sera lue peut-être qu’on gardera

(trois syllabes inaudibles) ce serait bien comme ça

ben c’est sûr qu’on en refabriquera /// voilà je vais écrire mon nom derrière

Invité à prendre son histoire pour commencer la phase de copie, Alexis place la bande

sur la table, à droite, le long de son cahier. Ce faisant, il ne la rend pas visuellement

disponible pour une copie. Intriguée, l’enseignante demande : « alors comment on la met pour

pouvoir / le / l’écrire ? tu peux regarder les mots là pour les écrire ? » (642). Alexis se déplace face à la bande, donc perpendiculairement au cahier, et répond, serein et souriant, que oui. Pendant qu’elle s’adresse à d’autres élèves, il se rassoit face au cahier. A la reprise du questionnement magistral, Alexis prend la bande sur sa droite et s’apprête à la poser horizontalement sur la page du cahier. L’enseignante, ayant compris son intention, suspend

son geste et s’écrie, en désignant les deux lignes tracées sur le cahier : « non mais moi je ne

veux pas que tu la colles / tu comprends ? / je ne veux pas que tu la colles / qu’est-ce que je veux à ton avis ? / ben à quoi ça sert ça ? là ce que j’ai fait ? ». Alexis, pas à cours

d’argument, propose d’abord d’y mettre une photocopie puis de dessiner. Malgré un

environnement scriptural de lignes et des injonctions répétées citant clairement un travail de copie, Alexis résiste nettement à comprendre comment opérer pour que sa mère, convoquée à deux reprises dans le discours de l’enseignante comme destinataire de l’écrit, pourra lire sa

fabrication tout en n’ayant pas celle-ci concrètement sous les yeux.

642 M heu attends ! / tu vas déjà / viens ici si tu veux / voilà / prends ton histoire //

prends ton histoire et / on va la recopier dans le cahier pour que ta maman puisse la lire //

alors comment on la met pour pouvoir / le / l’écrire ? tu

peux regarder les mots là pour les écrire ? Il a posé la bande le long du cahier à droite.

643 Alexis ouais Il se re-déplace face à la bande.

644 M ben ça va être compliqué hein tu devrais plutôt /

(parle à d’autres)

alors / comment on va la mettre ? ben voilà / ben prends-la !

non mais moi je ne veux pas que tu la colles / tu

comprends ? / je ne veux pas que tu la colles / qu’est-ce que je veux à ton avis ? / ben à quoi ça sert ça ? là ce que j’ai fait ?

Il s’assoit pendant que l’enseignante parle à d’autres.

Il prend la bande en main

et veut la poser sur le cahier.

La bande est finalement posée sur la table, en haut de la page ouverte. 645 Alexis c’est pour mettre une photocopie

646 M non / je te donne un crayon un feutre plutôt et qu’est-ce qu’on va faire ? il faut que tu ? 647 Alexis dessines

Alexis exprime nettement cette difficulté quand, en réponse à notre question (MD dans

les transcriptions), il dit ne pas savoir comment faire pour « mettre le même ici ». Quelle est

pour lui la nature de l’objet à transférer ? Il semble qu’il considère l’histoiremélangée à faire

lire à sa mère avant tout par sa matérialité particulièrement mise en avant dans le dispositif didactique jusque-là. Le désir de montrer son œuvre déjà achevée selon lui ainsi qu’une

conviction que l’"essence" de son histoire fait corps avec le support font obstacle à l’opération

cognitive de disjonction entre le message et son support.

649 Alexis les phrases qu’on va mettre dans le cahier c’est un peu dur

650 MD9 qu’est-ce que tu dois faire ?

651 Alexis je s’ / on envoie au CP mais on doit faire quelque chose pour mettre le même ici

652 MD et comment tu vas faire pour que ce soit pareil ? 653 Alexis ben je sais pas

654 MD tu vois pas ? 655 Alexis non

656 MD faudrait peut-être recopier ?

657 Roxane non ! non on a pas le droit de recopier (ton anxieux et catastrophé !) 658 MD vous n’avez pas le droit de recopier ?

659 M ah Roxane / je le ferai avec vous cet après-midi alors qu’est-ce qu’on en fait ?

660 Alexis je trouve pas

661 M tu ne trouves pas ? !

tu veux que maman voie ton histoire / or l’histoire que tu as faite là je vais la donner aux camarades du CP / donc est-ce que maman pourra la voir si je la donne au CP ? 662 Alexis non

663 M bon alors qu’est-ce qu’il faut faire pour que maman puisse la voir ? puisqu’elle aura le cahier de vie là / ce soir /

9

664 Alexis ben je sais pas

665 M ben qu’est-ce que tu crois pourquoi j’ai fait ça ?

666 Alexis heu / pour mettre le truc là (Il désigne du doigt la bande.)

667 M oui mais pour mettre le truc ici comme tu dis il faut que ça soit toi qui le mettes alors comment tu vas faire pour le mettre ? (…) alors ?

668 Alexis je sais pas

Notons au passage l’intervention inquiète de Roxane qui semble faire référence à

l’interdiction de copier sur son voisin. Il est difficile d’apprécier si les glissements entre

copier, tâche demandée, et recopier, activité prohibée, expliquent aussi la résistance d’Alexis à comprendre ce qu’on lui demande.

Alexis finit par émettre l’hypothèse qu’il pourrait recopier mais reste encore perplexe

sur l’efficacité exacte de ce qui sera reproduit (672) : « mais comment ça va faire ? ».

669 M moi j’ai un crayon (…) /

donc j’ai un crayon j’ai le tracé que Jennifer a préparé dans le cahier de vie / et j’ai ma phrase que tu veux que maman lise

670 Alexis on recopie

671 M on recopie alors voilà alors vas-y / et tu sais quoi Alexis ? tu sais que tu écris gros hein alors tu vas essayer d’écrire un peu moins gros

672 Alexis mais comment ça va faire ?

673 M alors on y va / on essaye / le premier mot / le petit mot jaune // oui vas-y / pas trop gros hein si tu veux que ça rentre // bon / voilà

Lors de l’entretien d’autoconfrontation à propos de cette séance, l’enseignante commente longuement l’attitude générale d’Alexis en classe (Cf. entretien B1, de (171) à (214)). Elle rapporte directement les propos spontanés d’Alexis le lundi suivant, après que sa

mère a lu son histoire mélangée. L’enfant rend compte, après en avoir fait l’expérience, du

fait que sa mère a été en mesure d’oraliser à partir de l’écrit du cahier ce qui figurait sur la

bande restée en classe. Cette fois-ci, on peut faire l’hypothèse que le terme de même se

rapporter au message perçu comme indépendant de son support.

196 MH et bien maman a lu la même chose voilà 197 MD ben c’était peut-être une révélation pour lui

198 MH voilà elle a lu la même chose que j’avais écrit et que la bande qui est sur ton bureau maîtresse

199 MD et je suis sûre que ça devait l’étonner 200 MH oui / tout à fait

La résistance d’Alexis à admettre que la copie en écriture manuscrite maintient à l’identique le sens d’un message écrit nous alerte sur le travail de conceptualisation nécessaire

pour distinguer l’écrit au sens restreint de combinaisons de signes alphabétiques du support sur lequel il figure.

Chapitre 5

5. T

ROISIEME MONOGRAPHIE

: D

ES OBJETS GRAPHIQUES QUI CONSTITUENT DES OUTILS QUI AIDENT

OU PAS

Pour l’étude de l’environnement graphique et scriptural de la classe C, classe de dix-huit Moyens et douze Grands, nous fondons notre description sur les supports scripturaux visibles dans les enregistrements vidéos et ce qu’en dit et fixe par un schéma l’enseignant (Cf. les entretiens d’auto-confrontation C1 et C2). En tant qu’outil au sens que confère à ce terme Rabardel, les supports se définissent à la fois comme artefacts et comme schèmes d’utilisation ; c’est pourquoi nous analysons comment ces objets se présentent matériellement, comment ils sont structurés et quels gestes et logiques d’action ils rendent possibles. Nous montrons également comment ils fonctionnent en réseau et comment le passage d’un outil scriptural à un autre est pensé et anticipé par l’enseignant. Nous observons des élèves faire usage de ces outils. Les annexes présentant des schémas permettant de reconstituer en partie l’univers graphique des trois séances enregistrées et les transcriptions occupent les pages 261 à 334.

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