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1.6. A propos des objets graphiques

partie 5 : tableau informant des élèves responsables du jour :

6.8. En 2008, « Découvrir l’écrit »

Dans le BO du 19 juin 2008 des Programmes d’enseignement de l’école primaire, le

texte qui concerne la maternelle comporte cinq pages (12 – 16) puis deux pages de « repères

pour organiser la progressivité des apprentissages en maternelle» (29, 30) présentant des objectifs en langage oral et écrit répartis selon les sections. Le domaine du langage est abordé en premier et correspond quantitativement à un tiers du texte consacré à la maternelle. Dans la rubrique du langage, les préconisations concernant la langue écrite occupent les deux tiers.

L’enseignement de l’écrit est donc une priorité ; « Découvrir l’écrit » se décompose en deux

rubriques qui font passer d’une approche par imprégnation pour le premier à un enseignement structuré pour le second : « se familiariser avec l’écrit » et « se préparer à apprendre à lire et à

écrire ». En ce qui concerne l’apprentissage de la lecture, les contenus sont identiques à ceux de 2002 : on retrouve une même centration forte sur ce qui est désigné par l’expression approximative de « relations des sons et des lettres ».

L’espace graphique est rapidement évoqué en situation de réception à propos de livres

qui sont une occasion pour les enfants de « commenc[er] à se repérer dans une page, sur une

couverture ». Un travail de repérage est également préconisé à l’échelle du livre.

Comme en 2002, l’espace graphique est associé au domaine du repérage dans

l’espace relevant de la rubrique « Découvrir le monde ». Les activités sollicitant un passage du

plan vertical au plan horizontal et inversement demandent une attention particulière : « (e)lles

préparent à l’orientation dans l’espace graphique. Le repérage dans l’espace de la page ou d’une feuille de papier, sur une ligne orientée se fait en lien avec la lecture et l’écriture » (16).

En conclusion, en 2008, comme en 2002, les objectifs d’enseignement dans le domaine du langage écrit accordent une place centrale à la compréhension du fonctionnement alphabétique.

6.9. Conclusion

Selon le cadre théorique de la transposition didactique, le travail de diffusion à l’œuvre dans les instructions officielles vise à légitimer et à transmettre des savoirs à enseigner. Pour notre analyse, il est délicat de comparer le contenu :

- de textes de taille très variable (d’un ouvrage de près de deux cents pages en 1992 à sept pages en 2008),

- de discours hétérogènes du point de vue de leur fonction de communication (texte prescriptif, texte justificatif convoquant des savoirs savants, texte proche de la pratique décrivant des activités à mener, ces "catégories" se présentant souvent amalgamées),

- de discours fondés sur des idéologies et des représentations de l’école qui ont évolué. Néanmoins, quelques phénomènes sont notables. Nous ne présentons que ceux qui concernent l’écrit, les supports écrits et leur didactisation.

Depuis les salles d’asile, la crainte d’une dérive de scolarisation précoce

Un phénomène récurrent se manifeste : le rappel de ne pas instruire d’une façon prématurée, dans le domaine du lire et de l’écrire, des enfants d’un âge compris entre deux et

sept ans. Cette préoccupation prend des sens différents selon qu’elle dénonce des pratiques inadaptées (toutes les instructions officielles depuis les salles d’asile jusqu’aux plus récentes) ou qu’elle est révélatrice d’un discours pédagogique convaincu d’une créativité spontanée et conquérante de l’enfant (1977 et, dans une moindre mesure, 1986). Cependant, tout en perpétuant la proscription d’un enseignement trop systématique, les derniers programmes (2002, 2008), par leur insistance forte sur les activités d’apprentissage du fonctionnement du code, ouvrent la grande section à des contenus d’apprentissages "nouveaux" (conscience phonique fine, compréhension de la relation précise entre phonie et graphie).

Les supports écrits, extérieurs à l’école ou produits "ad hoc"

Les livres de littérature de jeunesse sont depuis la fin des années cinquante, des objets valorisés à l’école maternelle (D. Delaborde : 2000). La nécessité de proposer des supports écrits autres que ceux produits par et pour l’école apparaît dans le texte de 1992 et, depuis, est régulièrement réaffirmée. Ce mouvement d’ouverture de la classe à des objets culturels qui ne lui sont pas directement destinés (2002 : 68, 69, 71) répond à la préoccupation d’acculturer les enfants aux écrits sociaux et s’accompagne du souci de proposer des situations de

communication authentique. Le concept de transposition didactique peut, là encore, nous éclairer sur la logique à l’œuvre. Un des phénomènes observés dans le mouvement de

transposition est que le savoir didactisé est « désyncrétisé », c’est-à-dire découpé en « champs

de savoir délimité, donnant lieu à des pratiques d’apprentissage spécialisées » (Verret :1975, cité par Bronckart : 1998 : 36). Cette fragmentation ne permet pas aux enfants de reconstituer une finalité sociale des enseignements programmés. Recourir à des objets écrits provenant directement du "monde réel" peut pallier la perte de signification inhérente au phénomène de

désyncrétisation. Pour autant, ces objets écrits sont-ils d’un usage, d’un accès, d’une lecture

aussi évidents que les préconisations régulièrement réitérées à y recourir depuis 1992 le

laissent penser ?

Par ailleurs, les programmes enjoignent à produire des objets, propres à la classe, susceptibles de rendre durablement disponibles des écrits : listes diverses, abécédaire, dictionnaire, répertoire, etc. Hormis la suggestion d’affichage, rien n’est précisé sur la forme collective ou individuelle à leur donner, leur organisation, les usages à construire autour d’objets graphiques tels que répertoire, abécédaire, classeur, cahier ou simplement étiquettes.

Une didactisation de l’espace graphique qui émerge et disparaît

L’ouvrage sur la maîtrise de la langue de 1992 présente la particularité de comporter dans sa seconde partie un texte "savant" : « Le point des connaissances», signé de chercheurs universitaires. Généralement, les programmes officiels, parfois préfacés par le ministre en exercice, sont anonymes et, quand ils font référence à des savoirs savants (1977, 1995), n’en identifient pas les sources.

Ce texte est également remarquable en ce qu’avec lui advient un ensemble nouveau de

savoirs à enseigner, ceux utiles à la lecture et à l’investissement de l’espace graphique.

L’introduction de ce savoir est motivée, et justifiée dans le texte, par le fait que l’espace de la

feuille comporte ses codes « explicites et implicites» de disposition des signes alphabétiques sur

la surface. Les savoirs sont à construire à la fois en situation de réception d’écrit pour inférer à partir des jeux typographiques qui isolent des unités textuelles par groupements de sens ou mettent en valeur des mots etc., et en situation de production d’écrit pour organiser la surface en fonction du message, son contenu sémantique, sa quantité.

Notons que le texte de 1992 décrit finement la nature des codes graphiques dont la

connaissance est utile pour repérer des indices de lecture non linguistiques portés par la surface. Néanmoins, malgré leur pertinence, les savoirs à enseigner concernant l’espace graphique disparaissent du texte des programmes en 2002. Cette disparition est d’autant plus regrettable que le recours aux textes imprimés de sources scolaire et extra-scolaire est par ailleurs recommandé.

La notion d’espace graphique n’est le plus souvent citée que sommairement, dans deux situations différentes. D’une part en référence aux difficultés motrices pour écrire en cursive, qui amènent à proposer une progressivité dans le lignage : d’abord un papier uni, puis une ligne, puis deux pour contraindre de plus en plus le geste (1977 et 2002). D’autre part en référence à l’orientation de l’espace graphique dans lequel les signes sont à disposer de haut en bas et de gauche à droite.

Toutefois, ni le texte pourtant très développé de 1992 ni les autres textes n’évoquent

explicitement l’espace graphique comme une aide possible à la réflexion collective ou

individuelle, comme un outil méthodologique permettant de faire co-exister dans un même espace des informations à comparer par exemple, comme une ressource technique visuelle propre à l’écrit, à mettre au service de la pensée (Bautier, 2006b).

Une unité langagière dont l’usage scolaire a évolué : le mot

En 1855, le programme d’enseignement de l’écrit dans les salles d’asile est encore marqué par deux principes didactiques à l’œuvre jusque-là : 1. l’antériorité de l’enseignement de la lecture sur celui de l’écriture ; 2. une approche de l’écrit du "simple au complexe", des constituants élémentaires aux combinaisons de plus en plus élaborées. Il s’agissait alors de commencer par l’apprentissage des voyelles et des consonnes dans leurs graphies en majuscules puis en minuscules, des accents, composant dans un second temps des syllabes de deux ou trois lettres à épeler avant de les oraliser puis, encore plus tard, des mots que le texte limite à deux syllabes.

Le règlement de 1887 marque une rupture avec ces deux principes et instaure un "rapprochement" entre le matériau linguistique sur lequel travailler et les élèves : il ne s’agit plus de commencer par les lettres indépendamment d’unités porteuses de signification pour

les enfants mais de proposer des mots usuels et des phrases simples. Rappelons qu’un

précédent rapprochement avait été préconisé à la fin du XVIIIe siècle quand J.-B. de La Salle

avait préconisé un apprentissage non plus sur des supports écrits en latin mais dans une langue moins éloignée des élèves, sans être cependant forcément leur langue maternelle, le français.

Ce lexique usuel doit donc leur être connu. Comme indiqué plus haut, dès 1886, P.

Kergomard considère que lecture et écriture gagnent à être apprises conjointement et propose comme support d’apprentissage une unité langagière d’une proximité maximale avec l’enfant, son prénom. En outre, à partir de cet objet langagier propre à chacun, elle indique un processus d’entrée dans l’apprentissage qui préfigure une méthode mixte qui partirait de la décomposition d’un mot pour aboutir à sa synthèse. Il s’agit en effet d’en passer par l’énoncé oral de mots préalablement connus, de les analyser en syllabes puis en lettres avant les recomposer.

Le programme de 1977 reprend le principe de recourir à des graphismes recouvrant des significations, mots ou courte phrase, sans que le prénom soit spécifiquement cité. Tout en rejetant un enseignement systématique, cent ans après les préconisation de P. Kergomard à propos du prénom, les rédacteurs du texte des Orientations pour la maternelle de 1986

estiment « normal » que l’enfant écrive son nom et son prénom ainsi que des mots simples.

Par sa prise en compte de l’entité graphique de la page dans son ensemble, le programme de 1995 situe l’unité mot comme le dernier élément de l’analyse de la page, après le bloc de

texte, le paragraphe et la phrase. Ainsi, en 1995, le mot est à la fois une unité d’analyse du texte et un tout composé de lettres.

Les textes de 2002 et de 2008 sont d’accord pour souligner l’importance didactique du mot ; en tant qu’unité écrite signifiante, le mot est capital pour faire comprendre les relations entre l’écrit et l’oral. Les rédacteurs insistent sur le fait que la notion de mot se construit en partant de l’écrit. Ils précisent qu’un travail global sur les mots ne suffit pas et qu’il est nécessaire d’atteindre le niveau des relations entre graphèmes et phonèmes. La fréquence des

mots repris à l’écrit étant primordiale, le texte de 2002 considère que le prénom est un support

privilégié. De fait, l’usage du prénom en maternelle est largement répandu. Nous verrons que cela ne va pas sans poser de problème dans certain cas.

Chapitre 7

7. A

NALYSE DES CONSTITUANTS DES SURFACES SCRIPTURALES

Après la recherche, dans les textes officiels, du statut accordé aux savoirs à enseigner à propos de l’écrit et des supports écrits, et avant de nous consacrer spécifiquement à l’étude du rôle des objets graphiques dans les situations d’apprentissage, nous observons maintenant un

phénomène de transposition didactique à l’œuvre dans le passage d’un savoir à enseigner à un

savoir enseigné.

7.1. Des situations didactiques qui ne mettent pas en scène le même

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