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Analyse de la situation de classe où un élève a recours au dictionnaire des prénoms prénoms

1.6. A propos des objets graphiques

partie 5 : tableau informant des élèves responsables du jour :

5.2. Un réseau de supports

5.2.2. Analyse de la situation de classe où un élève a recours au dictionnaire des prénoms prénoms

Au cours de la première séance filmée, l’observation d’un élève qui, sur l’invitation de

l’enseignant, consulte le dictionnaire des prénoms, nous permet d’analyser deux procédures

d’utilisation de ce support.

Des possibilités de transferts

La tâche instaurée lors de cette séance consiste pour les élèves, après une phase collective de travail, à classer une dizaine de prénoms dans un cahier-abécédaire que nous décrirons plus longuement ci-dessous. Le contexte scriptural de cette tâche comporte de nombreux supports, certains pour une phase de travail collective et d’autres pour une phase individuelle. Pour la phase en groupe avec les seuls Grands assis devant le tableau, c’est la collection des étiquettes – prénoms qui est utilisée pour classer. Ces objets marqueurs d’une présence / absence figurent tous forcément au tableau au démarrage de la séance.

Outre les étiquettes-prénoms, la phase collective re-mobilise le principe de mise en colonne adoptée pour la routine de lecture et de dénombrement des présents / absents. Nous soulignons comment ces gestes en usage dans la classe, à savoir disposer en colonne et entourer d’une ligne fermée les éléments d’un même ensemble, sont en partie repris dans la situation qui catégorise les prénoms selon leur initiale. Un transfert de savoir-faire est ainsi opéré, en l’occurrence tracer une ligne rectangulaire fermée et une "pancarte" qui informe du

trait commun à tous les éléments spatialement et graphiquement réunis. L’observation d’élèves occupés à tracer un cadre pour chaque sous-ensemble de prénoms nous permet d’apprécier la compréhension qu’ont certains élèves des gestes graphiques d’entourer et de mettre un "titre" à l’ensemble. Des élèves ont compris la signification conventionnelle de ces gestes et en usent efficacement. D’autres se contraignent à une fidélité formelle stricte en s’attachant par exemple à placer la pancarte dans une position absolument identique à celle de la routine, sur l’axe de symétrie de la figure et en partant vers le haut (séance C1, de 70 à 74). Il nous semble que ces derniers s’appliquent à une conformité de surface : ils ne sont pas en mesure de différencier les éléments graphiques indispensables de la représentation d’une collection (ligne fermée à laquelle est conventionnellement attaché un titre) de ceux conjoncturels et non pertinents fondés sur l’habitude de présentation des présents / absents propre à la classe.

Pour la phase individuelle, chaque élève de grande section dispose d’un cahier-abécédaire et d’une liste d’une dizaine de prénoms en majuscules d’imprimerie, disposés en colonne, chaque prénom étant séparé du précédent par une ligne visible. Il s’agit d’associer l’initiale d’un mot à la page correspondante de son abécédaire.

Pour ce qui concerne le passage du plan vertical du tableau mural au plan horizontal de la table et, ce faisant, celui du travail collectif au travail individuel, nous faisons l’hypothèse que la ressemblance entre le rectangle étroit tracé au tableau et celui de la page toute en hauteur de l’abécédaire est facilitatrice. En effet, grâce à cet isomorphisme, l’élève retrouve dans la forme rectangulaire des ensembles encadrés au tableau celle des pages de l’abécédaire. Notons que la limite extérieure de la page prend alors une valeur sémiotique particulière : le bord de la feuille prend la même signification que le trait à la craie qui signifie que tout ce qui est à l’intérieur a un trait en commun ; en effet, tout ce qui se trouve sur la page de l’abécédaire a comme trait commun de commencer par la même lettre.

Par ailleurs, d’un point de vue cognitif, pour associer correctement prénom et page, il faut repérer dans le mot l’élément discriminant, en l’occurrence l’initiale. En croisant l’observable de la séance avec des faits observés à partir de notre propre terrain professionnel, nous pouvons dire que ce repérage n’a rien d’évident car, pour les élèves en début d’apprentissage, un mot n’a aucune orientation. La notion de première lettre n’est pas d’emblée opératoire pour un apprenti. Il y a donc construction nécessaire d’un sens de lecture à l’échelle d’un mot. Ce faisant, l’élève change sa perception du mot, construit autrement son regard sur ce mot. D’une approche première holistique fondée sur une conception logographique de l’écrit, il passe à une focalisation à l’échelle de la lettre. Il s’agit donc, sur

un matériau graphique visuellement familier, de rompre en partie dans la façon de le considérer et d’en isoler des constituants dont en particulier celui culturellement institué comme premier. Dans le cadre de la tâche scolaire décrite lors de la séance de janvier, les élèves ont également à souligner le cas échéant autant de fois que nécessaire la même que l’initiale dans la suite des lettres. Cette règle mobilise une nouvelle fois l’analyse d’un mot selon ses constituants alphabétiques.

Entrer dans le dictionnaire des prénoms

C’est durant la phase individuelle que, pour lire des prénoms à coller dans

l’abécédaire, un élève a recours à plusieurs reprises au dictionnaire des prénoms. L’élève a

une liste des prénoms en une colonne à découper et classer dans son abécédaire. Dans l’extrait suivant, nous constatons que la tâche de classement selon la première lettre peut être menée à bien sans que l’élève soit en mesure d’oraliser le mot. C’est lors d’une interaction avec un élève, à propos de sa compréhension de l’activité menée, que l’enseignant constate une erreur

de lecture d’un prénom lu Adénaïs alors qu’il s’agit d’ANDREA. Cette erreur amène

l’enseignant à proposer de recourir au dictionnaire des prénoms. L’enseignant enjoint l’élève

à chercher une « plaquette » pour vérifier si son hypothèse de lecture est bonne. Il s’agit pour

Alexis d’entrer dans le dictionnaire par l’information iconique. Alexis se déplace vers le

panneau et prend trente secondes pour repérer la photographie d’Adénaïs dans l’ensemble qui en compte une trentaine. Revenu à sa place avec la plaquette, amené à comparer l’écrit de la plaquette (ADENAÏS) avec le mot écrit sur l’étiquette collée sur son abécédaire (ANDREA), il admet immédiatement que l’écrit est différent. L’enseignant lui demande alors de chercher, dans la liste des prénoms à classer, ADENAÏS qui figure sous la photo. Il s’agit alors pour l’élève de garder visuellement en mémoire un écrit pour le repérer dans une liste d’écrits. Nous observons alors combien il est difficile pour Alexis de procéder méthodiquement. Le regard d’Alexis se perd sur la plaquette : ses yeux semblent happés par la photo, reviennent à l’écrit en-dessous, quittent la plaquette et balayent la liste, en vain. Alexis revient à la plaquette, repart sur la liste. Après plus d’une demi-minute de recherche, pour sortir de l’impasse, l’enseignant pointe le prénom recherché. Pour finir, c’est aussi l’enseignant qui oralise le prénom qu’Alexis avait pris pour ADENAÏS. Il s’agit du prénom d’Andréa qui de fait a cinq lettres communes avec celui d’Adénaïs ce qui peut expliquer la confusion.

23 :23 193 M qu’est-ce que tu as fait ici ? ça m’intéresse de comprendre ce que tu as fait / alors ?

194 Alexis en fait 195 M oui

196 Alexis j’ai souligné parce que il y a deux A

197 M il y a deux A donc qu’est-ce que tu as fait comme il y a deux A ? 198 Alexis c’est Adénaïs

199 M alors qu’est-ce que tu as fait comme il y a deux A ? tu as fait quoi ? 200 Alexis souligner

201 M bon / et c’est quel prénom ça déjà ? 202 Alexis Adénaïs

203 M ah ! Adénaïs tu es sûr de ça ?

204 Alexis oui Accompagné d’un geste d’affirmation de la tête

24:49

205 M alors moi je pense que c’est pas Adénaïs

tiens je vais aller te cherch’ / tu vas aller chercher sur le dictionnaire des prénoms la plaquette d’Adénaïs / on va vérifier ensemble si c’est bien ça ///

alors tu as trouvé ? Adénaïs ok

on regarde ? est-ce que est-ce que c’est Adénaïs ça ?

cherche 30 secondes ; prend la plaquette et revient 206 Alexis non 24 :56 25 :22 25 :33

207 M tu vérifies ? non ? non

elle est où Adénaïs dans ta liste ? /

prends ta liste / je crois qu’il est plutôt dans le bas de la liste hein / cherche un peu dans le bas regarde //

pas forcément tout en bas //

je te le montre ? je le vois déjà / il est là d’accord ? alors ce que tu disais tout à l’heure c’est juste hein / il y a deux A dans Adénaïs c’est vrai hein il y a deux A comme dans Amira bien vu / comme dans Andréa

voilà ce qui est écrit là c’est Andréa ce n’est pas Adénaïs

c’est Andréa mais il y a deux A aussi ok c’est bien / je te laisse continuer ? Il cherche en vain pendant 37 secondes. Le M pointe avec les ciseaux. ADENAÏS puis les deux A.

208 Alexis oui

Lors de la poursuite de cette séance, Alexis, en difficulté de lecture d’un autre prénom, est amené à rechercher sur le panneau de plaquettes non plus une photo mais un écrit. Il essaie alors d’organiser sa recherche en minimisant les déplacements de son regard : il tient à bout de bras l’étiquette en papier sur laquelle est écrit ANTONIN pour réduire la distance entre l’écrit de l’étiquette et l’écrit des plaquettes. La fatigue de son bras tendu l’amène à changer de stratégie : il pose l’étiquette au sol et suit du doigt l’écrit de certaines plaquettes. Il opère ainsi de nombreux allers-retours. Il trouve après plus d’une minute de recherche.

Ce que nous donne à voir Alexis de la classe C est très proche du cas d’un élève dans

la classe B qui doit rechercher un écrit dans un « tableau de lecture » dont il a été question

dans la précédente monographie. Cette expression propre à la classe B désigne de la même

façon que le dictionnaire des prénoms une collection non organisée de plaquettes. Il s’agit

d’un ensemble de grandes étiquettes dont les enfants peuvent se saisir comportant dans le cas de la classe B un écrit dans les trois graphies et une image. La logique de recueil des mots de

cette collection est tributaire du choix de l’enseignante et des thématiques abordées en classe.

Il s’agit uniquement de noms, soit communs comme arbre, automne, galette, ou propres

comme Saint Nicolas ou le Graoully. Comme pour la classe C, l’ensemble de mots n’est pas

classé, ni d’un point de vue sémantique, ni d’un point de vue alphabétique. Nous avons remarqué que cette situation de recherche de la signification d’un écrit dans une collection inorganisée de mots associés à des images est courante en maternelle.

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