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4. Discussion 146 

4.4 Des tuteurs choisis ou des professionnels de la résilience ? 154

4.4.3 Le suivi pédagogique 157

formatrice à se mettre en arrêt de travail pour la fin de son stage afin de se reposer, car elle était épuisée.

De plus, nous avons souligné que les tuteurs de résilience des ESI agissaient délibérément pour apporter une vision positive aux épreuves qu’ils rencontrent et aidaient les élèves à trouver et à s’apercevoir de leurs ressources pour faire face aux difficultés. Nous pouvons reprendre l’exemple de Fatia, infirmière, qui accompagne volontairement chaque étudiant vulnérabilisé par les soins palliatifs, à identifier chaque dimension positive dans les actes et à agir dans cette perspective : la toilette pour le confort de la personne mourante, la douceur pour le bien-être, etc.

En outre, nous avons pouvons repérer que les professionnels encadrant les étudiants sont attentifs à adapter les parcours d’apprentissage lorsque le contexte fragilise leurs capacités de réflexion. Par exemple, les directeurs Dominique et Marie-Françoise veillent à ce que le regard des formateurs de leur équipe favorise le postulat d’éducabilité. Les infirmiers également constatent parfois un mal-être chez un étudiant. Ils modifient immédiatement les parcours de stage. Par exemple, Maeva les change de la réanimation pour une poursuite de stage en soins continus où les situations sont moins complexes à gérer. Ces professionnels agissent délibérément pour veiller à la croissance de leurs élèves.

Par conséquent, la limite entre être un tuteur de résilience ou un accompagnateur de celle-ci résiderait dans le fait que les premiers aient pris conscience de leur rôle d’aide et qu’ils agissent volontairement pour la résilience des étudiants même s’ils n’utilisent pas directement ce terme. Dans le cadre de la formation infirmière, nous avons identifié des interventions pédagogiques spécifiques qui mettent particulièrement le professionnel dans un rôle de tuteur voire d’accompagnateur de la résilience de l’étudiant en cas de situations délétères.

4.4.3 Le suivi pédagogique

D’une manière assez spécifique comparée à d’autres formations universitaires, le suivi pédagogique apparaît clairement comme une recommandation du référentiel de formation de 2009. Le suivi est noté ainsi :

— art 59 : le formateur responsable du suivi pédagogique présente à la commission d’attribution des crédits les résultats des étudiants afin que celle- ci se prononce sur l’attribution des crédits européens et sur la poursuite du parcours de l’étudiant. Lors du dernier semestre, les résultats sont présentés

devant le jury d’attribution du diplôme.

– Annexe III : Lors de l’évaluation des compétences en stage : chaque semestre, le formateur de l’IFSI responsable du suivi pédagogique de l’étudiant fait le bilan des acquisitions avec celui-ci. Il conseille l’étudiant et le guide pour la suite de son parcours. Il peut être amené à modifier le parcours de stage au vu des éléments contenus dans le portfolio.

– Annexe VI : utilisation d’un portfolio, outil qui permet au formateur responsable du suivi pédagogique, d’effectuer un bilan de fin de formation avant de passer devant le jury final

Dossier d’évaluation continue de la formation : la feuille de synthèse des acquisitions des compétences en stage est remise au formateur responsable du suivi pédagogique de l’étudiant qui fait une synthèse des acquisitions. Cette feuille est ensuite soumise à la commission d’attribution des crédits.

Nous pouvons conclure après lecture de ce programme que de manière commune à tous les IFSI, le suivi pédagogique doit s’organiser formellement au moins deux fois par an chaque semestre. Il met en relation d’apprentissage un cadre de santé qui est le référent de l’étudiant pour un an. Ce suivi doit favoriser le bilan des acquisitions de connaissances et de compétences. La relation pédagogique étudiant/cadre de santé formateur doit permettre de conseiller et guider l’ESI pour la suite de son parcours.

Le suivi pédagogique est prescrit sur certains points par le référentiel et met en relation un étudiant avec un cadre de santé formateur. La relation pédagogique créée est alors singulière, car elle varie d’un apprenant et d’un formateur à l’autre. Resweber (2011) schématise cette relation au carrefour de « trois pôles » : « réciprocité », « tiers » et « partenaire d’une rencontre ». La « réciprocité » fait référence aux phénomènes psychologiques déjà décrits précédemment comme le transfert ou la projection. Le pédagogue influence donc l’élève et vice-versa. Elle signifie également que les uns apprennent des autres en permanence. Le maître est aussi un « tiers ». Il incarne ce qu’il transmet. Il est le porte-parole du savoir théorique qu’il apporte. Le « juste travail pédagogique » est de mettre à distance ce savoir et de se situer à côté de celui-ci. Le pédagogue est également le « partenaire d’une rencontre ». Il accompagne l’apprenant. Lors des échanges avec celui-ci, il repère son fonctionnement et ses besoins pour l’amener vers celui qu’il va devenir. Reswerber (2011) évoque d’une posture au carrefour de la stratégie de « l’obédience » de Rogers et le transfert cognitif de Piaget. La première permet au formateur de se servir du transfert affectif du thérapeute afin de libérer l’esprit de l’élève pour apprendre. La seconde le place au niveau du transfert cognitif dans une logique de transfert de compétence. La relation pédagogique pour un enseignant ou un formateur se situe « au carrefour » de ces deux stratégies.

celui-ci. Il s’agit bien d’un travail relationnel. Ce lien a été mis en évidence par tous les formateurs, étudiants, cadres d’unité, infirmiers et directeurs comme essentielle pour le bien-être en formation de l’étudiant. À l’inverse, lorsqu’elle est « malade » ou « absente » comme nous l’a suggéré Dominique (directeur) elle peut être très déstructurante pour l’étudiant.

Le suivi pédagogique en stage apparaît également dans le référentiel de formation. Celui-ci organise le stage en nommant le cadre de santé référent d’unité comme le maître de stage, l’infirmier (-ière) référent comme le tuteur, et les autres infirmiers ou aides- soignants comme les professionnels de proximité. En même temps, le formateur référent reste responsable du suivi sur le terrain et de la collecte des informations pour l’évaluation de celui-ci. Nous voyons par cette organisation que l’étudiant apprend auprès de ses pairs et est apprécié par ceux-ci. Ces professionnels constituent un réseau qui offre tout un dispositif de personne que nous avons identifié comme de potentiels tuteurs. Non seulement ils sont là pour l’aspect pédagogique de l’enseignement, mais nous avons vu qu’ils sont soucieux de leur organiser un parcours de stage progressif, de l’adapter selon les besoins, de veiller à ne pas les mettre en difficulté trop brutalement lors de situations douloureuses. Ils garantissent également l’écoute de leurs angoisses et aident à faire des liens avec la théorie pour activer le processus de mentalisation. Bref, le suivi pédagogique en stage est réalisé par de multiples personnes et comporte une dimension psychologique importante comme la relation d’apprentissage en IFSI. Tous les tuteurs interrogés dans cette étude ont conscience de cette forte dimension.

De manière générale, ce suivi apparaît alors comme un moment accompagnant la résilience sur plusieurs points : il permet l’expression du vécu et de porter de l’intérêt au bien-être des élèves ; il peut favoriser la compréhension des cas difficiles et aider au processus de mentalisation ; il peut servir à verbaliser des situations ardues et engendrer la recherche de solutions aux problèmes ; il convie à mettre en lumière les points forts de l’ESI et ses compétences pour l’inciter à trouver le projet professionnel le plus épanouissant pour lui.

Ce qui apparaît clairement dans cette recherche, c’est la compassion des professionnels durant l’encadrement des étudiants et l’intérêt pour leur bien-être qu’ils leur portent. Au-delà d’être de simples référents de suivi pédagogique en IFSI ou en stage, les soignants et les enseignants ont la volonté d’étayer, protéger et faire croître le potentiel des étudiants. Notre étude montre que les tuteurs interrogés ont les caractéristiques dont les élèves en ont besoin pour tisser leur résilience. Mais en majorité, dès qu’ils en ont le temps ou lors de suivis pédagogiques formalisés comme le bilan de mi-stage ou le rendez-

vous de suivi semestriel, les professionnels d’encadrement agissent en utilisant des méthodes relationnelles et pédagogiques qui accompagnent la résilience des étudiants vulnérabilisés. En effet, il s’agirait bien de promotion de la résilience, car, dans le cas d’étudiants fragilisés, les techniques psychologiques mises en place par ces professionnels de la relation d’aide permettent entre autres de se centrer sur la compréhension des problèmes et de trouver des solutions d’adaptation, de mobiliser le réseau de soutien en formation et à l’extérieur de celle-ci pour aider l’étudiant en difficulté. Les temps de suivi pédagogique sont également des moments de conseils envers l’étudiant pour qu’il prenne soin de sa santé. Pour reprendre les paroles de Catherine formatrice, l’attitude et les mots des professionnels disent aux ESI « pour bien s’occuper des autres, il faut prendre soin de soi ».