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2. Revue de littérature 9 

2.3 La vulnérabilité en formation infirmière 23

2.3.4 Le stress des études infirmières 32

Les recherches sur la population étudiante infirmière s’accordent sur le fait que les apprenants ont un vécu stressant de leur formation. Outre les facteurs de vulnérabilité identifiés en rapport avec l’éducation à la relation d’aide et les problèmes liés au contexte de l’hôpital aujourd’hui, d’autres éléments spécifiques à la situation étudiante apparaissent : la précarité de certains ESI et les difficultés inhérentes à l’organisation des IFSI français.

De manière générale, la condition étudiante est reconnue pour être un statut précaire financièrement. Au-delà d’une absence de revenu durant l’apprentissage qui a un coût important pour se loger près de l’institut ou pour se déplacer sur les lieux de stage parfois lointains..., « la précarité touche aussi les étudiants qui ne peuvent accéder aux bourses à la suite d’une rupture familiale ou du refus d’un parent de communiquer ses revenus » (Antipoff-Catheline, 2003). Pelège et Lamberton (2008) ont constaté que la précarité financière était un facteur de stress important et une raison d’abandonner ses études infirmières. Cet élément est à considérer car les directeurs d’établissements interrogés par ces deux chercheurs ont fait part de cette observation et affirment que la précarité est en augmentation chez les étudiants infirmiers. Ce facteur de vulnérabilité durant les études peut dans certaines circonstances être intense. Ainsi, un fonds d’aide d’urgence peut être trouvé. Par exemple, pour les étudiants infirmiers de la région Rhône- Alpes, ce fond représente entre 1500 et 3000 €, une seule fois par an, versé en une fois à la demande de l’étudiant et suite à l’acceptation d’une commission. Mais surtout, nombreux s’en sortent en travaillant le week-end. Le secteur de la santé offre la possibilité aux ESI, ayant validé certaines unités d’enseignement de première année, d’exercer comme aides-soignants. C’est une opportunité de financement dont certains se saisissent. Toutefois, cet emploi effectué en plus des études à 35 heures par semaine peut engendrer une certaine fatigue physique et psychique déstabilisant l’équilibre émotionnel outre les autres causes déjà relevées (Lamberton, Pelège, 2008).

D’autres facteurs de vulnérabilité, inhérents à l’apprentissage en IFSI, peuvent fragiliser l’étudiant. L’évaluation est citée comme particulièrement source de stress notamment à cause de son nombre important en formation infirmière française. En effet,

les ESI français sont évalués en permanence sur le lieu de stage et de très nombreuses fois de manière théorique. En IFSI, selon la prescription du référentiel, ils passent 12 devoirs écrits ou oraux au semestre 1, 11 évaluations au semestre 2, 10 au semestre 3, 10 au semestre 4, 10 au semestre 5 et 4 partiels au semestre 6 dont un travail d’initiation à la recherche. Les étudiants se sentent stressés par ces contrôles théoriques récurrents et très fréquents (Lamaurt et al., 2011). Dans le rapport de Lamberton et Pelège (2008), nous pouvons lire les propos d’une directrice qui évoque ce sujet : « il y a la pression scolaire très forte que subissent les étudiants. Ils sont sans arrêt en évaluation. C’est perçu par certains comme une forme de sélection : si on supporte tout ça, c’est que l’on peut être infirmier. »

En référence au programme de formation (Référentiel de formation, 2009), en plus de ces partiels, ils analysent sur le terrain des situations de soins. Le compte-rendu écrit de ces analyses fait partie des critères de validation du stage. Les formateurs des IFSI effectuent aussi des enseignements sur les lieux d’apprentissage pratique. Les étudiants ont à ce moment-là des démarches cliniques à présenter à un cadre de santé enseignant. Ces analyses de cas réels de patients sont souvent encadrées de manière formative, mais peuvent aussi générer une note, et sont toujours vectrices de beaucoup de travail et d’un moment d’évaluation pour l’attribution des crédits de stage. Mais la pression de l’évaluation la plus dure à assumer serait celle des compétences à acquérir en pratique. En effet, chaque période passée sur le terrain fait l’objet d’une synthèse d’évaluation écrite des compétences développées en stage au jour le jour. Celle-ci se réalise par des modèles identitaires professionnels et des séniors, et leur donne les bases de leur personnalité professionnelle. Elle a beaucoup de valeur ce qui augmente encore un peu plus son potentiel stressant (Lamberton, Pelège, 2008). De plus, du moment où l’étudiant se présente sur son lieu de stage le premier jour, les élèves sentent que l’équipe les juge déjà. Lovens (2008) rapporte même, de manière concordante avec les dires de la FNESI, que les étudiants tairaient toute souffrance ou difficulté en stage par « crainte de la sanction ».

Ensuite, l’augmentation des promotions et l’éloignement de l’IFSI de certains lieux de stage rendraient le suivi insuffisant et ne permettraient pas de dépister le stress et d’accompagner les étudiants vulnérabilisés en difficulté. Ils seraient nombreux à se sentir mal à cause de ce manque de lien. « L’incohérence des parcours de stage et la défaillance des liens entre IFSI et terrain » fragilise un peu plus l’étudiant infirmier (Lamberton, Pelège, 2008). Les auteurs mettent en cause ici le travail d’organisateur de l’alternance des cadres de santé formateurs. Sans des liens forts entre les lieux

d’apprentissage et une cohérence du parcours individuel de stage, une alternance mal réfléchie serait un facteur de vulnérabilité.

Enfin, nous pouvons lire que la relation pédagogique unissant les cadres de santé formateurs aux étudiants infirmiers est très importante (Boittin, 2002 ; Lamberton, Pelège, 2008). Toutefois, lorsque cette relation est absente ou « malade », les étudiants peuvent en souffrir. En effet, dans ces cas-là, les élèves ressentent un manque d’intérêt manifesté de la part des formateurs envers leurs problèmes rencontrés (FNESI, 2015). Ces derniers vivraient donc la formation comme « violente ». Par ailleurs, la relation pédagogique durant les études infirmières telle qu’elle est prescrite en IFSI comporte les mêmes enjeux négatifs pour l’élève que dans tout apprentissage, mais aussi des enjeux spécifiques liés au fait que ces formateurs soient d’anciens soignants. Par exemple, l’examen des compétences relationnelles peut comprendre des moments « douloureux et intrusifs » si les formateurs-évaluateurs ne sont pas vigilants à ne pas se conduire comme des thérapeutes : « certains formateurs dépassent ce qui est de l’ordre de la formation, ils interviennent sur notre personnalité » affirme un étudiant rencontré par Lamberton et Pelège (2008).