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2. Revue de littérature 9 

2.4 La résilience en formation infirmière 39

2.4.5 Les tuteurs de résilience en formation infirmière 46

Les IFSI et les stages mettent à disposition un ensemble de personnes qui gravitent autour de l’étudiant. Dans le cadre d’un processus de résilience enclenché en formation, l’apprenant vulnérabilisé pourra tisser sa résilience, entre autres grâce à ce maillage de tuteurs constitué par les personnes entourant le sujet durant sa scolarité en IFSI.

Premièrement, le soutien affectif et la mobilisation des sentiments liés à l’attachement étant essentiels dans le cadre d’un processus de résilience, nous devons évoquer le rôle important des proches. En effet, même s’ils ne font pas partie des membres pédagogiques de l’IFSI, leur fonction est à souligner. Les étudiants sont d’ailleurs souvent

reconnaissants de ce soutien lors des remerciements écrits en premières pages de leur mémoire d’initiation à la recherche. Ces personnes sont issues de la famille proche : les parents, les frères et sœurs. Mais aussi, dans le cadre d’une formation adulte, le conjoint est un soutien affectif très fort. Notamment quand la relation avec les parents au sens large est plus difficile, ou lorsque l’étudiant est déjà plus âgé et n’évolue plus dans sa sphère familiale, le rôle du conjoint ou même des enfants est très important. En effet, ils offrent une vision de la vie et de l’amour hors des situations douloureuses de maladie et de mort rencontrées à l’hôpital. Lorsque les relations sont saines et plus ou moins sans orage, elles apportent aussi une soupape pour exprimer les difficultés d’équipe et soutenir moralement et sentimentalement. Ce qu’on appelle la périfamille est crucial : toute forme de liens affectifs positifs est importante à maintenir dans le cadre de la formation comme les relations amicales.

Deuxièmement, en relation plus directe avec l’univers de la formation infirmière, il y a des acteurs pouvant jouer le rôle de tuteurs de résilience « explicites » (Cyrulnik, 2014). En référence à l’organisation des IFSI, les médecins du travail, les psychologues et les assistants sociaux sont des ressources utilisables par l’étudiant pour surmonter les difficultés. Troisièmement, il y a les tuteurs de résilience faisant partie de l’entourage direct des étudiants durant leur formation. Il y a tout d’abord les pairs, nous avons vu précédemment leur importance en ce qui concerne l’affiliation. Ceux-ci jouent un rôle majeur dans le transfert d’affectivité et dans l’identification. En effet, les nombreuses occasions de partage d’émotions, mais aussi de savoirs peuvent favoriser la résilience. En APP par exemple, un étudiant en difficulté pourra comprendre ce qu’il vit au travers d’un autre. Il pourra se saisir inconsciemment des parties de personnalité de l’autre pour surmonter ses propres obstacles durant un échange sur le vécu de stage. Le nombre d’élèves offre un réseau important pour partager le stress, mais aussi d’organisation des révisions par exemple ou de ressources de connaissances lors de difficultés d’apprentissage. De même, ces étudiants, tous soignants, forment un tissu relationnel où nous pouvons supposer que l’empathie, le respect du vécu de chacun et le soutien émotionnel sont inhérents à chaque membre de ces promotions soignantes, et utilisables par celui qui est en souffrance.

Nous pouvons préciser également le rôle de pédagogues qui garantissent un cadre juste et bienveillant durant l’apprentissage, attitude importante des tuteurs de résilience selon Lecomte. Il s’agit des directeurs d’institut, des formateurs, des maîtres de stage et des professionnels de proximité. Chacun d’entre eux, selon leurs responsabilités hiérarchiques, garantit aux étudiants des conditions d’apprentissage favorables à la

résilience. Par exemple, concernant le rythme de travail, les cadres des unités veillent à ce que les horaires leur accordent suffisamment de repos. Le directeur fait attention à l’équité de traitement en sanctionnant les manquements au règlement intérieur et invite chaque professionnel de la formation à respecter un projet pédagogique défendant des valeurs : par exemple, certains inscrivent les principes de bienveillance et d’équité clairement dans ce projet. Mais encore, nous avons vu que l’évaluation pouvait être cause de résilience si elle est garantie par un cadre juste et bienveillant. Lorsqu’elle se déroule accompagnée d’un retour constructif et compréhensible par l’étudiant de la part des pédagogues-évaluateurs, l’évaluation peut être source de progrès, d’encouragement et de renforcement de l’image positive, et par conséquent de résilience.

Les apprenants sont formés par des soignants. En effet, qu’ils soient infirmiers ou aides-soignants en activité de soins, ou ceux qui ont évolué vers des fonctions de directeurs, de cadres formateurs ou de cadres de santé/maîtres de stage, nous pouvons supposer qu’ils aient en possession des compétences attribuées aux tuteurs de résilience comme l’empathie et la bienveillance. Par leur expérience de la relation d’aide auprès de patients, ils sont formés et donc sans doute dotés d’une capacité d’écoute importante : le directeur peut les recevoir pour prêter attention à leurs discours et pour les orienter lors de difficultés sociales, financières ou personnelles ; les formateurs les accueillent pour des accompagnements pédagogiques individuels qui sont souvent des instants relationnels d’écoute et d’empathie ; les infirmiers vivant les mêmes contextes de soins difficiles peuvent solliciter un moment de partage de situation et ainsi permettre l’évacuation des tensions ressenties par l’étudiant etc. Par ailleurs, leur qualité de soignant fait que les étudiants peuvent s’identifier à eux et projeter des affects. Ceux-ci, s’ils sont en processus de résilience, peuvent se saisir d’éléments positifs de personnalité et d’attitudes pouvant leur permettre de trouver des ressources pour surmonter les contextes difficiles des soins. La rencontre avec un infirmier qui les écoute, ou bien avec un professionnel à qui ils attribuent des compétences pour affronter l’adversité peut être source de résilience pour eux-mêmes en formation. De même, bien que sous la responsabilité des professionnels en poste, ils vivent en même temps qu’eux les épreuves liées aux soins et peuvent trouver en eux des pairs avec lesquels s’identifier et effectuer un transfert d’affectivité. En outre, nous avons vu que l’humour était un mécanisme de défense et un trait de caractère que l’on retrouve beaucoup dans les équipes infirmières lors de contextes difficiles. Nous pouvons supposer que par identification en stage, les étudiants peuvent aussi trouver dans ces partages entre pairs un moyen de se décharger

du stress des situations de soins pour eux-mêmes l’utiliser plus tard ou avec leurs collègues de promotion.

Enfin, dans le cadre de l’apprentissage, les tuteurs de résilience constitués par les formateurs permanents ou occasionnels des IFSI, les maîtres de stage et les infirmiers, sont là pour favoriser le processus de mentalisation. En effet, lors des cours, les étudiants peuvent faire des liens avec ce qu’ils ont vécu et ainsi comprendre pour avancer et trouver des outils pour surmonter de futurs obstacles. Les analyses de pratique en stage ou en IFSI sont un moment de partage où les explications apportées par les pédagogues permettent cette mentalisation. L’étudiant est invité implicitement à s’en saisir et à faire des liens avec son propre vécu. Ces temps d’apprentissage par les formateurs au sens large peuvent être sources de résilience.