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3. Étude empirique 50 

3.3 Identification des potentiels tuteurs de résilience 119

Dans la revue de littérature, nous avons vu que la notion de « tuteur de résilience » désignait l’ensemble des intervenants susceptibles de former un maillage permettant à l’individu en souffrance de « tisser sa résilience » afin de surmonter « des épreuves significativement adverses ou traumatiques » (Anaut, 2015b). D’après les trente entretiens semi-directifs effectués dans cette recherche, nous venons de voir en quoi la formation infirmière pouvait confronter l’étudiant à un contexte vulnérabilisant voire à des situations traumatiques ou de réactivations de traumatismes plus anciens. Nous allons identifier les tuteurs à la disposition des apprenants durant leur scolarité puis nous dégagerons les grandes caractéristiques de ces tuteurs.

3.3.1 L’environnement affectif

3.3.1.1 La famille

Selon Delage (2004), « la famille quand elle existe est le premier environnement ressource, le premier à recevoir la souffrance du sujet et le récit de ses expériences, le premier à pouvoir contenir et permettre la reprise du développement du monde interne ». Dans cette recherche, la famille est apparue comme un étayage important. Par exemple, Patricia dit à ce propos : « certains étudiants vont être bien soutenus par leur entourage » et à propos de l’étudiante en stage en réanimation néonatologie « Elle a pu compter sur son entourage familial ». Maeva, IDE, a mentionné qu’elle pouvait toujours s’appuyer sur sa famille. Manon, lors de son agression en tant qu’étudiante infirmière, a pu compter sur son frère gendarme et sa sœur aide-soignante pour l’écouter et la soutenir. Fatia ajoute qu’à la fin d’une journée très dure, après avoir pris en charge des personnes en fin de vie ou gérer des décès dans son service de soins palliatifs, rentrer chez soi et « serrer ses enfants dans les bras » est quelque chose qui rattache à l’existence et permet de l’aborder sur un versant plus positif.

Les conjoints ont été aussi mentionnés par quelques interviewés. Manon a souligné la nécessité du soutien de son copain. Martin explique qu’il parle souvent de ce

qu’il ressent ou vit en stage avec sa petite amie. Pour lui, c’est capital, car elle n’est pas du milieu et lui permet d’avoir un regard « extérieur » sur les situations.

3.3.1.2 Les amis

Dans cette enquête sur le milieu de la formation infirmière, il y a deux catégories de camarades : ceux qui sont des collègues de promotion et ceux qui sont extérieurs à celle-ci. Concernant ces derniers, ils ont peu été mentionnés. En revanche, les collègues de promotion qui sont des amis, mais aussi des pairs semblent très importants. En effet, pratiquement tous les interviewés en ont parlé. Les psychologues comme Régine ont dit que pour avancer malgré l’adversité, les étudiantes qu’elle a soignées vont « coller » à d’autres apprenants. Sophie, ESI, lorsqu’elle est partie, sans prévenir son père, sa mère et l’IFSI dans le sud de la France, pour rentrer trois jours plus tard en se faisant « virer » de chez ses parents, a trouvé refuge « chez son meilleur ami pendant un mois » et est restée en contact avec une collègue de promotion. Cette dernière a été à l’écoute et compréhensive, mais elle lui a aussi rappelé que ce qu’elle avait fait était répréhensible. Manon, quand elle a été agressée, a pu en « parler à des copines de l’IFSI ». Élodie, qui a été durement affectée par son premier décès durant sa formation a pu en parler à ses « amis de l’IFSI ». Maeva, lorsqu’elle était étudiante, savait qu’elle pouvait compter aussi sur les siennes pour « rigoler » et « partager ».

En référence aux caractéristiques des tuteurs de résilience de Lecomte (2005), les amis semblent importants pour partager et bénéficier d’un témoignage de bienveillance et d’affection. Au-delà de l’empathie et puisque ce sont plus les collègues, il semblerait que les étudiants puissent trouver entre eux de la compassion : il s’agit d’obtenir le soutien d’un pair qui peut comprendre ce qui a été vécu, étant traversé par des affects similaires durant la formation.

3.3.2 Les psychologues ou les psychiatres

Durant les entretiens, nous avons pu mettre en évidence que les étudiants fragilisés lors de la formation pouvaient avoir recours à l’aide d’un psychologue ou d’un psychiatre. Parfois, ils sont intégrés à un IFSI comme c’est le cas de Mylène. D’autres IFSI les font intervenir pour des groupes de parole comme là où exercent Marie-Françoise ou Patricia. En revanche, tous les formateurs et directeurs des IFSI ont en tête de soutenir

psychologiquement les étudiants en même temps que leur accompagnement pédagogique. Par exemple, Catherine, formatrice, avant d’aborder les points d’apprentissage à travailler en entretiens de suivi, s’attache à leur poser des questions d’ordre relationnel. Ces questions sont faites pour libérer l’esprit des apprenants, car sinon, d’après Catherine, c’est « impossible » de passer au côté pédagogique. Mais si tous les cadres des IFSI et directeurs ont précisé qu’ils accueillaient la souffrance, ils veillaient à ce que ce partage soit suffisamment en lien avec la formation. Si la dimension personnelle à travailler est forte et qu’elle s’approche de la thérapie, tous ont été amenés à orienter un étudiant vers un accompagnement spécialisé assuré par un psychologue ou un psychiatre. Par exemple, pour Dominique, directeur qui n’a pas de psychologue dans son IFSI, « les professionnels de la psy […] interviennent à la demande d’un étudiant ayant besoin de travailler la dimension personnelle qui a été en lien avec un vécu difficile en formation ». Il précise que l’IFSI ne s’engage pas dans cet accompagnement : « ça ne nous appartient pas en tant qu’école ». Ahmed, qui selon le projet de l’établissement, finance un poste de psychologue à la disposition des apprenants sur rendez-vous ou spontanément en passant devant son bureau ouvert : « la proximité d’avoir un psychologue pour nous, c’était d’orienter tout de suite l’étudiant. Vous irez demain, après-demain, dans deux jours, vous irez voir la psychologue. »

Dans tous les cas, les psychologues ou les psychiatres sont identifiés pour avoir ce rôle de soutien et d’écoute empathique.