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2 Cadre conceptuel et recension des écrits

2.6 Des facteurs liés à l’implication parentale dans la collaboration école-famille

2.6.2 Le style parental

Selon Brown & Iyengar (2008) et Deslandes & Cloutier (2005), l’engagement des parents dans la scolarité des enfants repose sur un style parental imprégnant d’attitudes susceptibles d’influencer positivement leur manière de communiquer avec eux. En effet, le style parental est associé à une constellation d’habitudes et d’expressions non verbales qui structurent la relation parents-enfants dans différentes situations (Darling & Laurence, 1993). Baumrind (1978), pionnière dans l’élaboration des modèles théoriques sur le système de valeurs parentales, a défini trois styles parentaux : autoritaire, démocratique et permissif. L’auteure décrit les parents autoritaires comme étant très exigeants et peu sensibles dans leur relation avec leurs enfants. Les parents permissifs sont peu exigeants, mais très sensibles et offrent un grand soutien à leurs enfants. Pour certains chercheurs, ce

style parental se caractérise par l’importance accordée à l’autorégulation et à la créativité chez l’enfant. Donc, l’autorité parentale est plus négociatrice que correctrice (Baumrind, 1966; Kellerhals & Montandon, 1991; Kellerhals, Montandon, Gaberel, McCluskey, & Osiek, 1991; Kellerhals, Montandon, Ritschard, & Sardi, 1992). Quant aux parents démocratiques, ils sont reconnus pour leur capacité à témoigner à la fois exigence et une sensibilité à l’égard de leurs enfants.

Des études de Brown et Iyengar (2008) ainsi que de Simons et Conger (2007), distinguent un autre style associé au permissif, le négligent : le parent manifeste peu de contrôle et offre peu de soutien affectif aux jeunes. Prenant essor dans les débats publics en France à la fin du 20e siècle, l’expression « démission parentale » laisse envisager également un autre

style associé au négligent, « le démissionnaire » (Akkari & Changkakoti, 2009; Giovannoni, 2008; Périer, 2005; van Zanten, 2001). Ce référentiel met en exergue un registre associé à l’incompétence éducative, à la non-application des savoirs éducatifs et normatifs et suppose que les parents n’assument pas leur responsabilité parentale (Giovannoni, 2008). Selon certains chercheurs, il faut préciser que le style parental, notamment « démissionnaire », n’est pas toujours directement observé par les professionnels (Akkari & Changkakoti, 2009; Périer, 2005; van Zanten, 2001) et que ces derniers l’infèrent souvent à partir des faibles résultats scolaires et des comportements perturbateurs observés chez les élèves à l’école.

Quant au style parental démocratique, par la qualité d’encadrement offert en termes de soutien affectif, de fermeté, de souplesse et d’encouragement à l’autonomie, les parents de ce style témoignent de comportements de collaboration plus favorables à la réussite éducative et sociale des jeunes. Ces parents établissent un ensemble de normes explicites aux enfants et les sanctionnent quand c’est nécessaire, lorsqu’elles ne sont pas respectées. Dans une revue de littérature, Steinberg (2001) récapitule des conclusions sur l’évolution des perspectives liées aux relations parents-adolescents et leur impact sur le développement psychosocial des jeunes. L’auteur estime qu’indépendamment du statut socioéconomique des parents, l’engagement de ceux qui ont adopté un style démocratique se révèle plus

significatif dans le vécu scolaire des élèves. Dans une étude réalisée avec 451 familles nucléaires aux États-Unis, Simons et Conger (2007) soulignent l’importance de la présence d’un parent de style démocratique dans un milieu familial, particulièrement la mère, pour contrebalancer l’influence négative liée aux styles autoritaire, permissif ou négligent de l’autre parent sur la qualité du soutien apporté aux jeunes. D’autres études soulignent aussi l’importance des compétences éducatives des parents dans leurs interactions avec leurs enfants pour un développement harmonieux au plan cognitif et affectif et l’adaptation psychosociale de ces derniers (Gullo, 2013; Kettani & Zaouche-Gaudron, 2012; Steen, Pithon, Terrisse, & Gousse, 2012).

Par contre, ayant analysé la complexité du concept de « contrôle parental » dans le développement socioscolaire de l’élève en l’associant à un ensemble d’activités de supervision exercées par les parents sur l’enfant qui ont des retombées positives sur son comportement scolaire, Brown et Iyengar (2008) ajoutent un bémol au discours véhiculant que le style démocratique serait plus favorable à la réussite scolaire et éducative des élèves. En confrontant le style parental restrictif et contrôlant des familles d’origine chinoise à la réussite scolaire de leurs enfants, les chercheurs suggèrent de ne pas généraliser, ni trop idéaliser les parents démocratiques. Selon les résultats de cette étude, tout comportement adopté par un parent dans le cadre de l’éducation de son enfant doit être compris et analysé dans son contexte socioculturel, car un style parental qui se révèle négatif pour la réussite des enfants occidentaux peut être positif pour ceux d’une autre culture.

Même si les méthodes éducatives diffèrent dans les familles, de son côté, Duru-Bellat & van Zanten (2006) jugent nécessaire que le style éducatif des parents soit concordant à celui des enseignants. Suite aux entrevues réalisées en banlieues françaises, elles constatent que toute analyse du style éducatif des parents ne peut en aucun cas ignorer le style éducatif des enseignants. Les auteures constatent de plus faibles résultats scolaires lorsque le style éducatif familial diffère de celui de l’école. Elles montrent, par exemple, dans leur analyse, qu’indépendamment du style enseignant rencontré à l’école, les enfants proches d’un style éducatif autoritaire, caractérisé par un encouragement parental qui priorise le respect des

normes et des valeurs familiales, manifestent une plus grande autonomie dans leurs travaux scolaires et obtiennent de meilleurs résultats. Selon les auteures, ce style éducatif se rapproche du style « contractualiste » qui recourt à la motivation ou à la séduction comme technique de contrôle pour susciter l’autonomie des élèves. Ce style éducatif pourrait être comparé au style permissif, mais il semble établir une dynamique relationnelle qui laisse la place à la négociation, à l’autorégulation et la motivation interne de l’enfant, deux facteurs favorables à la réussite scolaire (Kellerhals & Montandon, 1991). Dans une recherche réalisée en banlieue parisienne, Duru-Bellat & van Zanten (2006) constatent qu’en contexte de défavorisation, le style éducatif « contractualiste » explique à 80 % la haute estime de soi et la persévérance scolaire des jeunes.

Finalement, qu’il soit autoritaire, démocratique ou « contractualiste », aucun style parental n’est neutre, les pratiques éducatives familiales présentent une dynamique leur permettant d’évoluer dans le temps. Les pratiques éducatives priorisées dans la famille reflètent ses valeurs personnelles et celles véhiculées dans son milieu social. L’important réside dans toutes les conjonctures qui permettent à la famille de mettre de l’avant un style qui tend à responsabiliser les jeunes et les enfants face à leur métier d’élève et à accroître leur sentiment d’autodétermination.