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1.2 Le contexte scolaire des élèves en Haïti

1.2.1 La structure et la gestion du système scolaire

En plus de la formation technique et professionnelle, depuis la mise en œuvre de la dernière réforme éducative de 1982, la structuration de l’école haïtienne comporte quatre niveaux d’enseignement/apprentissage : le préscolaire (3-5 ans) non obligatoire, le fondamental (6- 15 ans), le secondaire (15-19 ans) et le niveau universitaire. Dans cette nouvelle structure, l’enseignement fondamental doit être complet et reparti en trois cycles. Les deux premiers

cycles, de la 1reà la 6e année correspondant au primaire traditionnel sont obligatoires. Le troisième cycle regroupe les trois premières années du secondaire traditionnel, ensuite vient le nouveau secondaire dont la réorganisation et l’expérimentation étaient prévues pour 2007. Ces deux blocs d’études sont répartis sur sept ans. Les quatre niveaux d’enseignement sont tous gérés par le Ministère de l’Éducation Nationale de la Jeunesse et du Sport (MENJS), aujourd’hui Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation professionnelle (MENFP). Ce ministère est chargé d’évaluer la performance de tous les établissements scolaires, veiller à l’élaboration des programmes d’études et à leur mise en œuvre, planifier et organiser les examens officiels de fin de cycle d’études. Par ces examens, il sanctionne la fin des deux derniers cycles d’études de l’école fondamentale et les deux dernières années du secondaire (MENFP, 2007, 2014 b; MENJS, 2004; PNUD, 2014).

Depuis le début des années 1980, la demande forte et croissante des familles haïtiennes pour l’éducation de leurs enfants, jointe à la difficulté de l’État à réguler la gestion du secteur de l’éducation, donne lieu à un système éducatif structuré de manière unique au monde (United States Agency for International Development- (USAID, 2008). En effet, comme dans tous les autres domaines de la vie sociale haïtienne, le pays gère un système éducatif fragmenté, caractérisé par une diversité de profils et d’appartenance regroupés en deux secteurs, privé et public. Paradoxalement, le système scolaire est majoritairement privé, alors que, théoriquement, la constitution haïtienne de 1987 et le Décret-loi de 1989 confient au Ministère la charge et la gestion de tout le secteur de l'éducation.

Le secteur privé, la principale voie d’accès à l’éducation des enfants et des jeunes, joue un rôle actif et prépondérant. Il assure l’enseignement dans approximativement 94.5 % des écoles au préscolaire, 92 % au primaire et 91 % au secondaire (Cadet, 2003; MENJS, 2004). En comparaison, en République dominicaine, de l’autre côté de la frontière, le secteur privé ne gère que 22 % de l’éducation. Regroupé dans la Fondation Nationale Haïtienne des Écoles Privées (FONHEP), le secteur privé de l’éducation compte deux grands types d’écoles, catholiques et protestantes. À chacun de ces deux types est affiliée

une autre catégorie regroupant des écoles autonomes ou indépendantes, selon le cas (MENFP, 2007). Dans la plupart des cas, ces écoles se développent de plus en plus dans les zones à risque les plus vulnérables en périphéries urbaines et sont tenues par des particuliers ayant manifesté peu de souci pour améliorer la qualité de formation offerte aux jeunes et aux enfants.

Au total, à l’élémentaire, le secteur des écoles catholiques occupe 24 % du système scolaire et est composé d’écoles presbytérales, congréganistes et autonomes. Apparues officiellement dans le système scolaire en Haïti au début du 20e siècle, la plupart des écoles presbytérales, tenues par les représentants des curés de paroisse, sont difficiles d’accès et dépourvues d’infrastructures. Par ailleurs, ces écoles desservent une importante population d’élèves du primaire; elles sont à 90 % localisées en milieu rural et 10 %, en milieux urbains défavorisés et marginalisés. Selon les résultats de la plus récente enquête, seuls 46 % des classes des écoles presbytérales fonctionnent dans des locaux appropriés (Commission épiscopale pour l’éducation catholique - (CEEC, 2007). Les écoles congréganistes, primaires et secondaires, sont dirigées et administrées par les communautés religieuses. Reconnues dans la plupart des cas pour leur performance et la qualité de l’éducation offerte, ces écoles accueillent une clientèle diversifiée d’élèves provenant de milieux socioéconomiques et socioculturels contrastés. En matière de scolarisation en Haïti, le fossé de plus en plus grand, entre l’offre et la demande, donne lieu à l’éclosion d’un nouveau type d’écoles catholiques dites « écoles catholiques autonomes », apparues au début des années 1960. Plus nombreuses en milieu urbain qu’en milieu rural, ces écoles desservent, comme les écoles congréganistes, une clientèle d’élèves de familles au profil contrasté. En effet, l’ensemble de ces écoles, qui ne représentent que 15 % des établissements scolaires du pays, constitue le réseau éducatif le plus homogène du pays (CEEC, 2012).

Concernant les écoles de confession protestante, regroupées au sein de la Fédération des écoles protestantes d’Haïti (FEPH), elles incluent des écoles créées et soutenues par des églises protestantes affiliées à une convention et d’autres par des églises protestantes

indépendantes. Ces établissements scolaires représentent un pourcentage d’environ 35 % des écoles du pays, dont 33 %, au primaire. À l’exception de certaines institutions implantées en milieu urbain, la plupart de ces écoles fonctionnent dans des locaux inappropriés, avec un personnel enseignant et non enseignant généralement sous-qualifié. La solidité des bâtiments logeant la plupart de ces écoles laisse à désirer. L’effondrement du collège « La Promesse », le 7 novembre 2008 dans la région métropolitaine de Port-au- Prince, illustre bien les conditions dans lesquelles fonctionnent la grande majorité de ces écoles dites indépendantes.

Quant au secteur public, pratiquement stagnant depuis plus de deux décennies, à côté du secteur privé en pleine évolution (Coordination Haïti-Europe- (CHE, 2007; MENFP, 2007, 2014 b), il regroupe des écoles partiellement financées par l’État, certaines écoles congréganistes, notamment à l’élémentaire, dirigées et administrées par les communautés religieuses en Haïti, affectées par la loi du concordat de 1860. Viennent ensuite, les écoles entièrement gérées, financées et administrées par le MENFP. Même avant le séisme du 12 janvier 2010, les infrastructures éducatives de ces écoles ne pouvaient accueillir qu’un faible pourcentage de l’effectif total d’élèves du pays.

Au plan de la gouvernance, on estime qu’environ 75 % des établissements scolaires du secteur privé fonctionnent sans avoir obtenu d’autorisation (GTEF, 2011; MENFP, 2007). Privé de moyens lui permettant d’exercer son rôle normatif et régulateur dans le système éducatif haïtien, le MENFP perd ainsi tout contrôle sur l’évolution de l’éducation en Haïti. L’accessibilité est limitée à tous les niveaux d’enseignement, notamment pour les groupes vulnérables (CCI, 2004; USAID, 2007). La situation paraît encore plus difficile en milieu rural, particulièrement chez les couches défavorisées où six enfants sur dix sont scolarisés. La majorité des écoles, singulièrement le préscolaire et le secondaire, sont localisées dans les grands centres et celles qui existent en milieu rural sont dépourvues d’infrastructures et difficiles d’accès (MPCE, 2007). Ainsi, pour être scolarisés, de nombreux enfants se voient très tôt obligés de se séparer de leurs parents pour être mis en pension dans une famille

d’accueil qui ne peut parfois que difficilement leur venir en aide au niveau scolaire (AAPH, 2005; Bien-Aimé, 2006).

À l’heure où les discours sur les politiques éducatives sont unanimes sur l’impératif de scolarisation universelle, malgré les efforts réalisés aux deux premiers cycles de l’école fondamentale en Haïti, le taux de fréquentation scolaire a encore une côte à remonter. En ce qui a trait à la disponibilité des données statistiques, le système éducatif haïtien accuse d’importantes lacunes. Toutefois, selon les données provenant du dernier rapport du Programme des Nations-Unions pour le Développement (PNUD, 2014), le taux de fréquentation scolaire se serait amélioré et serait passé de 76 % en 2003 à 88 % en 2011. Ce rapport montre également une tendance à la baisse chez les élèves qui terminent les deux premiers cycles d’études : 68 % en 2001 et 66,2 % en 2012. Étant donné les difficultés internes du système éducatif au pays, il est permis d’inférer que cette tendance risque de se perpétuer jusqu’à la fin du secondaire. Aucune donnée récente et officielle n’est disponible pour ce niveau d’enseignement, mais selon Haïti-Éducation-Formation- HEF (2013), le taux de fréquentation scolaire serait plus faible au secondaire soit (22 %), donnée statistique provenant du recensement de 2003.

En fait, qu’elle soit privée ou publique, l’école haïtienne reste encore calquée sur un système conservateur, rigide et élitiste, qui ne développe pas réellement une culture de réussite scolaire chez ses élèves (Brice, 2003; François, 2004; Joint, 2006; Tardieu-Dehoux, 1988). En effet, la problématique de la réussite scolaire a donné lieu à plusieurs réformes éducatives visant à redresser la situation. Nous pouvons citer, entre autres, celle de Bellegarde (1920), de Dartiguenave (1940), de Bernard (1980) et le Plan National d’Éducation et de Formation (PNEF – 1997). Cette dernière réforme, en particulier, dont la mise en œuvre a été prévue pour une décennie, visait à donner un nouvel élan au secteur de l’éducation afin de réduire l’inégalité des chances de réussite entre les élèves (MENJS, 2004). Malgré ces réformes, la formation offerte est loin d’aider les apprenants à transformer leurs rapports aux savoirs pour enfin apprivoiser les clefs de la réussite scolaire.

Outre l’influence évidente du contexte général qui prévaut en Haïti, d’autres facteurs sont avancés pour expliquer l’échec des réformes. Ainsi, aucune évaluation exhaustive n’a été réalisée pour vérifier en profondeur leur impact sur l’éducation des enfants. Aucune stratégie d’intervention n’a été explicitement formulée dans ces réformes pour contrer l’échec scolaire, ni pour venir en aide aux élèves qui éprouvent des difficultés d’apprentissage ou pris avec des handicaps (GTEF, 2011; MENFP, 2007). Pourtant, Perrenoud (2008) jauge l’enjeu d’une réforme scolaire dans la priorité qu’elle accorde à la réussite éducative des élèves, notamment celle des élèves en difficulté. Également, aucune de ces réformes en Haïti ne s’est réellement penchée sur la problématique du rapport école- familles dans leur mise en œuvre. Le plan opérationnel de 2010-2015 élaboré après le séisme du 12 janvier 2010 a fait l’état des lieux sur la problématique de l’éducation en Haïti et suggère la collaboration des deux secteurs d’enseignement et des objectifs à atteindre en vue d’améliorer la qualité de l’éducation offerte dans les écoles (MENFP, 2010).