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2 Cadre conceptuel et recension des écrits

2.3 La collaboration école-famille

2.3.2 Le processus de la participation parentale

2.3.2.1 La compréhension du rôle parental

La théorie de la compréhension du rôle parental relève de la théorie du rôle transposé aux choix des parents dans l’éducation des enfants. Cette théorie vise à créer une synergie entre les différents groupes d’appartenance des acteurs familiaux (famille, école, milieu de travail) au profit de l’éducation de l’enfant (Forsyth, 1983). Selon le modèle, elle renvoie au sens que les parents attribuent à leur responsabilité face à l’éducation des enfants et à leur conviction que leur capacité à soutenir leur apprentissage peut les aider à réussir (Hoover-Dempsey & Sandler, 1997; Hoover-Dempsey, & al., 2005). La compréhension du rôle parental est également liée à des croyances partagées par les parents par rapport à leurs responsabilités vis-à-vis de la formation de leurs enfants. Les chercheurs utilisent également le « sentiment de responsabilité parentale » pour désigner cette composante. À l’aide des questionnaires acheminés à domicile, une étude de Deslandes & Bertrand (2004) vérifie le premier niveau du modèle Hoover-Dempsey & Sandler (1997) sur le

processus de la participation parentale auprès de 1227 parents d’élèves, à tous les niveaux d’enseignement du primaire. Ces parents proviennent de sept écoles de la Région du Québec. Les résultats révèlent que la compréhension du rôle parental s’avère une composante très importante, car elle serait le facteur motivationnel le plus déterminant de l’engagement des parents dans l’éducation de leurs enfants. Elle conditionne le choix des activités que les parents jugent nécessaires pour susciter l’intérêt des enfants. Le sentiment de responsabilité parentale se structure à partir des croyances des parents sur le développement et l’éducation de l’enfant et le rôle des soutiens appropriés au foyer et à l’école; il peut toutefois différer d’un parent à l’autre. Les chercheurs expliquent, par exemple, que certains parents jugent important de gérer quotidiennement les activités scolaires de leurs enfants et se perçoivent comme des partenaires égaux dans le processus de la scolarisation de leur progéniture, alors que d’autres pensent que cette tâche de scolarisation revient uniquement à l’école. Une telle perception semble diminuer l’engouement des parents.

Cependant, dans une autre étude, Green & Hoover-Dempsey (2007) montrent qu’une fois que le rôle parental est appréhendé, les parents font preuve d’un engagement si remarquable qu’ils parviennent à transcender l’influence de leur faible statut socio-économique dans l’encadrement offert aux enfants à la maison. Mais, selon d’autres chercheurs, les expériences personnelles et professionnelles des parents, ainsi que celles vécues avec le personnel scolaire ou les autres parents, sont susceptibles de renforcer leur compréhension face à leur responsabilité (Green, Walker, Hoover-Dempsey, & Sandler, 2007; Hoover- Dempsey, & al., 2005). Ces études notent, par ailleurs, que la compréhension du rôle parental est un phénomène socialement construit; les parents se l’approprient à mesure que les enfants se développent et progressent dans leur scolarité. Elle est, donc, sujette au changement lorsque leurs conditions sociales s’améliorent ou lorsque l’école entreprend des activités qui visent à les outiller pour mieux répondre à ses exigences.

Par exemple, selon Deslandes & Bertrand (2004), les parents font preuve d’une compréhension plus affinée de leur rôle auprès des jeunes du secondaire. Au primaire,

l’encadrement converge davantage vers l’aide aux devoirs alors qu’au secondaire, le soutien est orienté vers l’encouragement à l’autonomie à travers de saines discussions (Deslandes & Bertrand, 2005). Houtenville & Conway (2008) et Van Voorhis (2009) soulignent, par exemple, que ces périodes de discussion sont importantes pour la formation des jeunes et lorsqu’elles sont régulièrement pratiquées à la maison, leur influence se révèle plus significative pour leur réussite scolaire.

Dépendamment du contexte socioculturel dans lequel elles sont offertes, ces formes de soutien parental ne semblent pas avoir d’impacts similaires sur la réussite des adolescents. Se basant sur les résultats d’une méta-analyse totalisant 438 études traitant de la relation entre les pratiques parentales et la réussite scolaire en milieux pluriethniques aux États- Unis, Rosenzweig (2001) constate que si le support affectif et l’encouragement à l’autonomie favorisent la réussite scolaire des élèves américains d’origine européenne, chez ceux d’origine asiatique, ce sont plutôt les attentes et les aspirations élevées que les parents portent face à leur projet d’avenir qui influencent leurs résultats scolaires. Au Japon, les mères témoignent de la place qu’occupent ces composantes dans la motivation scolaire des élèves. Au-delà de leur faible statut socioéconomique, ces mères parviennent à mobiliser les ressources disponibles à l’école au profit de l’apprentissage de leurs enfants pour les motiver à travailler (Holloway, Yamamoto, Suzuki, & Mindnich, 2008).

Malgré la tendance vers l’hétérogénéité de la compréhension du rôle parental, à mesure que les élèves progressent à l’école, la place des parents demeure toujours importante pour soutenir l’apprentissage des jeunes et des enfants à toutes les étapes de leur développement socioscolaire (Sheldon & Epstein, 2005; Van Voorhis, 2009). Le déclin de l’attente des jeunes, à l’égard de l’aide parentale avec l’acquisition de l’autonomie dans la réalisation de leur travail au secondaire, n’affecte pas l’impact de la qualité de supervision et de soutien affectif offert par les parents. Même si les données de méta-analyse de Fan & Chen (2001) révèlent une corrélation modérée entre l’influence de la supervision à la maison et la réussite scolaire des élèves, ce lien est toutefois positif. Cette supervision doit être

cependant constante, si elle survient uniquement lorsque les enfants éprouvent des difficultés, elle peut ne pas avoir les effets attendus.

Dans une étude comparative, Bardou, & al. (2010) ont également validé le modèle théorique de Hoover-Dempsey & Sandler (1997) auprès des parents d’adolescents, dont 230 français et 344 québécois. Les résultats se révèlent similaires dans les deux pays, le sentiment de responsabilité parentale ayant autant d’impacts sur la participation des parents québécois que des parents français. Dans une autre étude analysant le même modèle, la compréhension du rôle parental s’est révélée comme étantl’un des facteurs le plus prédictif de l’encadrement offert aux enfants dans la réalisation des devoirs et des leçons (Bardou, & al., 2012). Les chercheurs font toutefois remarquer, pour les parents des deux milieux constituant la population de l’étude, que les caractéristiques sociodémographiques familiales ne sembent pas influencer leur compréhension de la responsabilité parentale. Selon Epstein (2011), il est nécessaire que les parents soient conscients de l’importance de leur rôle dans l’éducation de leurs enfants pour qu’ils soient motivés à s’impliquer avec les enseignants dans le processus de leur formation. Tout en étant étroitement associée au sentiment de compétence des parents, d’après Bardou, & al., (2012), la compréhension du rôle parental présente une force incontournable au processus de leur participation dans la collaboration école-famille. En effet, malgré les difficultés liées au faible statut socioéconomique et professionnel des parents, un rôle parental bien appréhendé peut renforcer leur détermination dans la recherche des stratégies pour soutenir l’engagement et la persévérance de leurs enfants à l’école. Ce constat revêt d’une importance capitale pour le milieu scolaire : il peut inspirer les acteurs en ce qui concerne des activités à élaborer pour rapprocher davantage l’école vers les familles afin de renforcer la parentalité.