• Aucun résultat trouvé

2 Cadre conceptuel et recension des écrits

2.3 La collaboration école-famille

2.3.3 L’influence partagée

Dans la lignée du modèle écologique de Bronfenbrenner (1979) et se basant sur les résultats de nombreuses recherches empiriques, Epstein (2001) a élaboré un modèle théorique de collaboration école-famille intégrant deux structures, externe et interne (voir figure 1). La structure externe est déterminée par trois sphères de collaboration (école-famille- communauté) comme trois forces d’attraction dont la coopération s’impose pour promouvoir une culture de réussite en milieu scolaire et favoriser l’accomplissement général des élèves. Selon l’auteure, le degré d’alliance vécue entre ces trois sphères résulte la capacité d’attraction de chacune. L’intensité de cette alliance est particulièrement liée à la période de la vie de l’enfant, aux expériences, aux philosophies et aux pratiques dans chacune des sphères.

Force A : Temps / Âge / Niveau scolaire

Figure 1. Sphères de l’influence partagée entre l’école, la famille et la communauté relativement aux apprentissages des enfants (Epstein, 2001, p.21, traduction libre de l’anglais au français)

L’auteure définit la structure interne par deux sphères inter reliées, l’école et la famille et les intègre dans un dynamisme d’interactions et de communication alliant personnel

Force D .Expérience .Philosophie .Pratiques de la communauté Force C .Expérience .Philosophie .Pratiques de l’école Force B .Expérience .Philosophie .Pratiques de la famille

École

Famille

Communauté

scolaire et parents comme membres partenaires dans le processus éducatif des jeunes et des enfants. Elle insiste par conséquent sur l’entente entre les sphères scolaire et familiale pour optimiser le potentiel scolaire des élèves. Le modèle soutient qu’à mesure que le lien s’intensifie entre les sphères école-famille, les comportements et les attitudes des acteurs s’améliorent et influencent conjointement l’apprentissage des élèves. Ainsi, lorsque l’école et la famille partagent une relation de proximité, leur interaction s’avère maximale et les élèves sont plus résilients face aux adversités de leur milieu social.

Suite à l’analyse de nombreuses recherches, Epstein (2001) a conceptualisé l’influence

partagée en élaborant une typologie de six types d’activités qui impliquent parents et

personnel scolaire comme membres complémentaires dans la formation des enfants. Ces activités constituent six clés de succès de toute tentative de collaboration entreprise entre l’école et la famille pour supporter l’apprentissage des élèves. Elles visent en outre à aider l’école et la famille à assumer leur pleine responsabilité vis-à-vis la réussite et le plein épanouissement des jeunes et des enfants.

a) « La fonction parentale » vise à outiller les parents afin qu’ils soient en mesure d’assumer leur parentalité en instaurant les conditions nécessaires à l’encadrement des élèves tout au long de leur parcours scolaire. Epstein (2001) exhorte l’école à aider la famille à s’approprier son rôle parental et aux parents à aider l’école à comprendre la réalité des familles afin qu’elle puisse mieux répondre à leurs besoins. Comme nous l’avons vu, la prédominance de la « fonction parentale » dans la motivation des parents a été discutée par plusieurs chercheurs (Deslandes & Bertrand, 2005; Green, & al., 2007; Hoover-Dempsey, & al., 2005).

b) « La communication » sous-tend que l’école élabore des stratégies qui permettent à la famille de comprendre son fonctionnement, ses programmes d’études, d’évaluer les progrès des jeunes et des enfants, et que la famille la tienne informée de leur vécu. Epstein (2001) présente la communication école-parents comme facteur fondamental et indispensable dans la réussite de la collaboration école-famille. Pour

l’auteure, la dynamique relationnelle entre l’école et la famille est essentiellement basée sur la communication et fait du milieu familial le prolongement de l’école à la maison et contribue au développent d’un climat de confiance mutuelle entre les deux institutions en vue d’un meilleur rendement scolaire. Lors d’une étude réalisée dans une école alternative à Montréal (Zeineddine, 2014), la majorité des parents questionnés jugent la communication comme fondamentale dans un processus de collaboration école-famille. En fait, cette activité engage parents et enseignants conjointement dans la réalisation des tâches communes pour soutenir le travail scolaire des enfants (Beauregard, 2006; Kalubi & Lesieux, 2006). Concrètement, la communication octroie aux parents et au personnel scolaire le droit à l’information mutuelle sur le vécu l’enfant-élève. Elle comporte des enjeux autant pour les parents que pour le personnel scolaire, enjeux qui se reflètent dans la quasi-totalité des études traitant de la relation école-famille. Ces enjeux se révèlent évidemment plus complexes lorsque la culture des familles s’éloigne des pratiques scolaires des enfants, notamment en contexte de défavorisation (Favre, Jaeggi, & Osiek, 2004; Henriot-Van Zanten, 1996; Jaeggi, Osiek, & Favre, 2003; Kanouté, 2003; Montandon, 1996). Plusieurs études montrent d’ailleurs qu’en cas de difficulté scolaire, la démarche de communication entre l’école et les parents se réalise le plus souvent dans un climat de tension (Chartier, & al., 2014; Delay, 2013; Payet & Giuliani, 2014; Scalambrin & Ogay, 2014). Pour Delay (2013), le silence des parents démunis du capital culturel lors des rencontres explique en partie les difficultés sous-jacentes à la communication école-parent. En effet, comme le souligne Sejmenovic El Werfalli (2015), si la communication est aussi importante pour la pérennité de la relation école-famille, elle doit être effective en tout temps. c) « Le volontariat » implique la participation parentale à l’école et pour l’école dans

des activités susceptibles de soutenir son progrès. Selon Sheldon & Epstein (2004), cette importante source de créativité est susceptible de faire émerger chez les parents de multiples compétences au profit de l’apprentissage et de la réussite des élèves (Epstein, 2010, 2011; Sheldon & Epstein, 2004; Sheldon, Epstein, &

Galindo, 2010). Paratte, & al. (2008) estiment, en outre, que lorsque les activités qui y sont liées (travail d’atelier, comités de parents, activités extrascolaires) sont vécues dans une attitude de respect et d’accueil des différences, le volontariat fait naître chez les parents le sentiment d’être partie prenante de tout ce que se vit à l’école.

d) « L’apprentissage à domicile », comme le nom le désigne, assigne au parent un rôle psychopédagogique auprès des enfants en les impliquant activement dans la réalisation des devoirs, des discussions relatives aux vécus scolaires des enfants de même que des prises de décision concernant leur programme d’études. Les parents sont exhortés à offrir aux enfants un soutien adéquat pour les amener à se responsabiliser davantage face à leur apprentissage et à vaincre les difficultés éprouvées. « L’apprentissage à domicile » a été documenté dans des contextes socioculturels contrastés (Rogers, & al., 2009; Sheldon & Epstein, 2005; Van Voorhis, 2009). Ce soutien diffère, par contre, d’un niveau scolaire à l’autre. Les parents du primaire insistent sur les compétences parentales adéquates pour aider les enfants à apprendre de manière méthodique et organisée face au travail demandé par l’école. Ils recourent souvent à l’expertise des enseignants afin de s’assurer une certaine cohérence entre l’école et la maison (Deslandes, Rousseau, Rousseau, Descôteaux, & Hardy, 2008). Alors qu’au secondaire, ils cernent leur rôle plutôt dans la planification et la réalisation des devoirs (Oubrayrie-Roussel & Safont- Mottay, 2008). Les parents jugent nécessaire l’acquisition des compétences pour leur implication dans ce type d’activité (Larivée, Terrisse, & Richard, 2013), notamment lorsqu’il s’agit de l’encadrement offert dans la réalisation des devoirs (Bardou, & al., 2012; Deslandes, & al., 2008). Dans un même ordre d’idées, d’autres chercheurs constatent chez les adolescents une perception apparemment négative face à la compétence parentale nécessaire pour les aider dans l’apprentissage à domicile (Oubrayrie-Roussel & Safont-Mottay, 2011; Oubrayrie- Roussel, Safont-Mottay, & Bardou, 2011). Selon ces auteures, à cette période de la vie des jeunes, la compétence parentale dans l’apprentissage à domicile est parfois

mise à l’épreuve. Les parents sont souvent perçus comme inaptes à les aider dans toutes les disciplines travaillées à l’école.

e) « La prise de décision » inclut les parents comme membres actifs dans les instances administratives de l’école, commissions scolaires, comités de parents et conseils d’établissement. Empiriquement, l’impact de cette activité sur la réussite des élèves est le moins démontré.

f) En dernier lieu, Epstein (2001) a conçu « la collaboration avec la communauté » dans le but d’améliorer le tissu social du milieu d’insertion de l’école. Cette activité amène les parents à identifier les ressources et les services disponibles, dans la communauté, capables de soutenir le travail de l’école et des élèves et optimiser la communication école-famille. Selon Deslandes (2006 b), la collaboration des parents avec la communauté présente de grands défis au leadership pédagogique de l’école dans la mise en œuvre des structures et des stratégies pour motiver les parents à y coopérer. Gordon & Louis (2009) soulignent aussi l’importance de l’ouverture de l’école, de sa capacité d’accepter de déléguer des responsabilités à d’autres membres de la communauté capable d’appuyer ses actions et ses efforts. La force de ce modèle écosystémique, c’est qu’au plan psychopédagogique, il place l’intérêt de l’enfant et son bien-être au cœur de la collaboration école-famille-milieu et considère cette collaboration comme un puissant levier pour promouvoir une culture de réussite dans les écoles. « L’influence partagée » engage l’école et la famille, deux microsystèmes les plus rapprochés de l’enfant-élève, dans des actions concertées avec la communauté au profit de son plein épanouissement. La communauté est perçue comme jouant un rôle important dans la réussite éducative des jeunes. Il insiste sur le partage mutuel des informations entre les acteurs autour des besoins des élèves en vue de trouver des solutions plus ajustées à leurs problèmes et encourager leurs succès. Les activités de collaboration développées dans ce modèle intégrateur apportent des éléments complémentaires au processus de l’appropriation et de l’autodétermination de la famille et

philosophie permettant de réfléchir sur la structure d’une collaboration école-famille qui vise une culture de réussite scolaire pour tous les élèves. Cependant, malgré l’importance accordée à la coopération et aux interactions entre les différentes sphères s’impliquant dans l’éducation des jeunes et des enfants, l’influence partagée ne définit pas les rôles de l’élève, principal acteur de la collaboration école-famille. L’élève pourrait en quelque sorte constituer une quatrième force dans ce modèle, une force qui semble indispensable dans l’explication de la dynamique école-famille. En fin, ce modèle s’impose comme solution relative à la problématique d’inégalités sociales en éducation, il n’est pourtant loin d`être une réalité.