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Chapitre IV : Construction de récits en dialogue

IV. 2.1.3.3 Variations dans les styles de lecture

IV.2.3. Structure des interactions verbales autour de la lecture de livres

D’autres recherches s’intéressent plus particulièrement à la structure des interactions en cours de lecture (Dickinson & Kleeber, 1989 ; Dickinson & Smith, 1994 ; Dunning & Mason, 1984 ; Mason, Peterman & Kerr, 1988 ; Morrow, 1984). Les interactions sont alors découpées en trois phases : avant la lecture, pendant la lecture et après la lecture. Mason, Peterman & Kerr entendent par « avant-lecture » le moment qui précède la lecture de la première page du livre, par « pendant la lecture » celui qui commence avec la lecture de la première page du livre et finit avec la dernière page lue du livre et par « après-lecture » celui qui commence avec les commentaires d’après-lecture et s’achève avec le signal de l’enseignant qui dit que la séance est finie.

Certaines de ces recherches cherchent plus spécifiquement à caractériser le contenu d’une ou de chacune de ces phases.

Selon Mason, Peterman & Kerr, qui se penchent plus spécifiquement sur les interactions enseignants-élèves, les interactions qui se produisent avant la lecture préparent les enfants à l’histoire. Elles portent sur trois types d’informations : des informations sur le livre, des informations sur le type de texte et des informations sur le but de la séance.

Pendant la lecture, les enseignants portent essentiellement leur attention sur la compréhension du texte qui se réalise au travers de l’élaboration de la narration et d’un questionnement qui porte sur le contenu de l’histoire. L’élaboration de la narration se fait par le biais de brefs commentaires des enseignants sur des évènements importants, en montrant aux enfants comment élaborer du discours autour d’une image ou contribuer à expliquer l’histoire ou encore par l'intermédiaire de reformulations de phrases difficiles à comprendre. Cette élaboration de la narration aide alors les enfants à comprendre les mots nouveaux, à mettre en avant des éléments importants de l'histoire et à leur donner l'occasion d'expliciter ces éléments importants selon leurs propres mots. Mais le travail sur la compréhension et l’interprétation du texte se réalise également à travers une variété de techniques dramatiques : variation de la hauteur et le ton de la voix (Boiron & Bensalah, 2006 ; Mason, Peterman & Kerr, 1988), mimiques vocales et gestuelles (Boiron & Bensalah, 2006) ou faciales (Dickinson, 2001 ; Mason & al., 1988). Les changements de voix aident les enfants à repérer les différents personnages de l’histoire (Boiron, 2010), à les rendre vivants (Dickinson, 2001 ; Mason & al., 1988). Les lectures dramatisées permettent également aux enfants d’accéder aux sentiments potentiels des personnages aux motivations non directement accessibles par le

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texte, d’établir leurs traits de caractère et de caractériser les relations que les personnages entretiennent entre eux (Boiron, 2010).

Lors de la phase finale, quatre types d’interactions différentes peuvent avoir lieu. Elles peuvent porter sur une discussion autour de la résolution de l’histoire, des informations qui y sont présentes, de l’examen du texte ou bien sur les activités qui ont suivi la lecture. Les auteurs constatent que les enseignants commencent généralement par engager les enfants à émettre des commentaires sur l'histoire, à réaliser une revue critique des idées présentes puis leur demandent comment se termine l'histoire et si elle peut être liée à l'expérience des enfants. Les questions posées par les enseignants portent alors sur les personnages, les relations entre les personnages, elles amènent également les enfants à faire des prédictions, à analyser le vocabulaire (Dickinson & Kleeber, 1989 ; Dickinson & Smith, 1994). Quelques questions peuvent être posées sur la nature du livre. Les enseignants peuvent également faire suivre la lecture par des activités dirigées (dessin et construction des images de l'histoire). Parler après la lecture de l'histoire contribue à aider les enfants à reconstruire et exprimer les idées importantes de l’histoire.

D’autres recherches évaluent, de plus, l’impact de ces manières d’aborder la lecture sur la compréhension et le rappel des enfants.

Dunning & Mason (1984) montrent, entre autres, à travers leur étude qu'il existe des différences importantes entre enseignants sur le temps accordé à l’avant, à l’après et au cours de la lecture. Dickinson & Smith (1994) considèrent que les enseignants qui lisent le texte, limitent les échanges en cours de lecture en posant peu de questions et en réalisant peu de commentaires, et qui engagent les enfants dans de longs échanges avant mais surtout en fin de lecture, favorisent davantage la compréhension des histoires et l’augmentation de leur vocabulaire que les enseignants qui ne produisent que des échanges en cours de lecture. Morrow (1984) pensent également que les enfants à qui l’on a posé des questions avant et après la lecture mais aussi en cours de lecture comprennent par la suite mieux les autres histoires lues que ceux à qui un enseignant n’a posé que des questions durant la lecture ou bien qu’avant et après.

Mason, Peterman & Kerr (1988) considèrent que, par ailleurs, pour que la compréhension soit maximale, il est également important que les enseignants explicitent leurs attentes. Ils peuvent leur demander d’écouter et de réfléchir pendant la lecture à certains éléments du texte comme les personnages principaux ; ainsi, après que le texte soit lu, ils réfléchissent et font attention aux différentes informations présentes dans le texte.

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Néanmoins, pour certains auteurs, ces interactions ne suffisent pas, elles doivent être accompagnées d’autres types d’interaction ayant lieu autour de la lecture. Wasik, Bond & Hindman (2006) pensent que la plupart des études mettent essentiellement l’accent sur le travail de compréhension et de rappel de récits et peu sur le vocabulaire. Pour accroître le vocabulaire des enfants, les enseignants doivent leur permettre d’entendre et d’utiliser des mots de vocabulaire présentés au-delà de l’expérience des lectures de livres. Ils doivent alors interagir avec les enfants autour d'activités liées aux livres, en reprenant et en faisant des connexions avec les mots de vocabulaire rencontrés dans les livres. Ils permettent ainsi aux enfants de parler et de discuter de l’histoire à travers la lecture de livres mais aussi dans des activités liées aux expériences éducatives des enfants. Les auteures, en s’appuyant sur les travaux de Dickinson & Smith (1994), proposent qu’avant la lecture d’un livre les enseignants présentent des objets concrets qui représentent des mots de vocabulaire du livre et qu’après la lecture du livre les enfants se lancent dans des activités diverses autour de l’histoire. Ceci peut se réaliser à travers des séances de langage les engageant à s’exprimer et à élaborer leurs idées, leurs sentiments et leurs réactions sur les histoires mais aussi la réalisation de dessins ou d’objets sur des éléments de l’histoire. De la même façon, Dickinson, McCabe & Anastasopoulos (2002) soulignent qu’en plus des interactions riches en cours de lecture les enseignants doivent maintenir des conversations avec un vocabulaire riche tout au long de la journée, doivent créer des coins consacrés à la lecture ou encore aller à la bibliothèque dans le but de favoriser l’acquisition d’un vocabulaire riche par les enfants.

Comme nous venons de le voir, les styles, la nature ainsi que la structure des interactions jouent un rôle essentiel dans l’acquisition de savoirs et de savoir-faire langagiers. Cependant, la plupart des études présentées précédemment soulignent que ces interactions ne sont pas homogènes et peuvent varier selon différents facteurs.