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Chapitre III : Les récits

III.3. Les analyses linguistiques et psycholinguistiques prenant en compte les réalisations

III.3.1. L’analyse de Kintsch et Van Dijk

Kintsch & Van Dijk (1975) considèrent que pour analyser les discours, en particulier les récits, il est avant tout nécessaire d’accorder une attention particulière à leur structure sémantique et donc à leur « structure « logique » abstraite sous-jacente ». Ils ne prennent pas en compte les structures de surface morphologique et syntaxique des phrases d’un discours. Dans cette perspective la représentation sémantique du discours se définit comme un « n-tuple de propositions ». Une proposition est formée d’un prédicat suivi d’une séquence d’arguments. Les propositions sont soit « composées », si deux propositions au moins sont liées par paire à l’aide d’un connecteur, soit « complexes », si une proposition correspond à un de ses arguments. Les arguments appartenant aux propositions s’avèrent ordonnés en fonction de leur rôle sémantique, ou cas, par rapport au prédicat. Le texte correspond à la structure formelle, grammaticale, d’un discours et la base du texte à la structure sémantique sous-jacente au texte. Une base de texte est alors un « n-tuple de propositions ». Il existe deux types de base de texte : une base de texte implicite, qui ne contient aucune proposition dénotant des faits généraux ou particuliers supposés connus de l’auditeur par le locuteur, ainsi qu’une base de texte explicite, dans laquelle ces propositions exclues de la base implicite définissent la bonne forme théorique de la base du texte, sa cohérence. Les règles de cohérence sont alors définies à deux niveaux : la base de texte linéaire (propositionnelle) et la macro-structure. La micro-structure correspond à la structure locale, inter-phrases, et la macro-structure, à la structure globale qui sous-tend la signification de l’ensemble du texte ; toutes deux sont de nature propositionnelle. La cohérence linéaire dépend des liaisons entre propositions. Deux propositions sont liées si elles sont chacune constituées d’un terme qui dénote le même référent ou bien si les faits qu’elles dénotent sont liés. Une macro-structure

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correspond à une structure de signification globale d’un texte, et donc à une séquence de propositions. Elle peut résumer une séquence entière de propositions du texte, c’est une « interprétation inductive » d’un texte. Un même texte peut disposer de plusieurs macro- structures de même niveau. Kintsch & Van Dijk soulignent que les règles qui agissent sur les micro-structures et qui engendrent les macro-structures doivent observer un principe de « pertinence relative » ; il ne peut y avoir de suppression d’une proposition si celle-ci est une présupposition d’une autre macro-proposition. Ces deux auteurs établissent alors des règles qui déterminent quelle information d’un récit on vise à se rappeler et comment l’information est agencée afin de définir le contenu d’une macro-proposition ainsi que l’organisation interne de toute la macro-structure.

Dans cette perspective, un récit correspond à un discours qui doit « éveiller l’intérêt de l’auditoire, ou par le type d’actions et d’évènements dont on parle, ou/et aussi par la façon dont ils sont racontés » (1975 : 104). Ces évènements et actions, selon Kintsch & Van Dijk, doivent être remarquables, c’est-à-dire qu’ils ne se retrouvent pas et ne sont pas attendus dans un grand nombre de situations et sont dépourvus de conséquences importantes. Les auteurs considèrent que ces contraintes pragmatiques fixent la structure du récit : « une situation initiale doit être décrite avec la caractérisation des agents, des propriétés, du lieu, du moment, et des circonstances physiques et socio-culturelles » (1975 : 104). Ils ajoutent que « c’est en référence à cette situation initiale que doivent être décrits un ou plusieurs évènements spécifiques qui satisfassent à la contrainte d’être remarquables » (1975 : 104). Cette séquence correspond, selon les auteurs, à la « complication » de l’histoire et les actions de l’agent qui viennent à la suite dans le temps, à la « résolution » de l’histoire. Ces deux séquences qui constituent l’épisode entier peuvent être suivies « par une évaluation qui spécifie les réactions (mentales) de l’agent/narrateur à l’épisode, et par une morale tirant les conséquences possibles de toute l’histoire pour la situation présente » (1975 : 104).

A partir de là, Kintsch & Van Dijk soulignent qu’il est possible de déporter la macro- structure d’une histoire donnée et donc de pouvoir dire comment une histoire va être stockée et amenée à être résumée et rappelée. La macro-structure doit également correspondre à une structure narrative et le résumé être un récit. Les auteurs considèrent que la macro-structure du texte ainsi que quelques propositions de la micro-structure subordonnées aux catégories de la macro-structure sont stockées dans la mémoire des sujets. Ils soulignent, en particulier, que lors d’un rappel les sujets font appel à la macro-structure comme indice de récupération des informations propositionnelles de détail du texte. Ils produisent alors à la fois des propositions de la macro-structure mais aussi de la micro-structure, qui sont encore à leur disposition, et

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qu’ils enrichissent de reconstructions crédibles. Kintsch et Van Dijk ajoutent que lorsqu’un rappel est différé dans le temps, les sujets se rappellent davantage des propositions de macro- structure que celles de la micro-structure. La compréhension d’un récit n’est possible que parce que les sujets ont à leur disposition un schéma narratif classique appartenant à leurs connaissances générales qui sert à l’organisation de la base du texte. Les auteurs notent alors que « la compréhension peut ainsi être comparée au remplissage des cases vides dans un schéma d’histoire préexistant » (1975 : 107). Les macro-structures apparaissent pendant la lecture.

Par ailleurs, sur cette base, lorsque les auteurs évaluent les rappels des sujets ils ne prennent en considération que les propositions qui reproduisent des éléments du texte original et non celles qui n’y sont pas présentes et qui font l’objet d’inférences.