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Chapitre II : Genres du discours

II.3. Développement de nouvelles conceptions des genres

II.3.1. Présentation de quelques modèles généraux d’analyse des genres

II.3.1.4. Modèle de l’école de Genève (Roulet, Filliettaz et Grobet)

Roulet (1991) comme Fillietaz (2001) considèrent, de la même façon que Bronckart, que l’analyse des types de discours porte sur les « infrastructures textuelles » et qu’elle relève de la problématique compositionnelle alors que celle des genres « renvoie aux attentes typifiantes qui caractérisent un ensemble potentiellement illimité d’activités langagières attestées dans une collectivité » (Filliettaz, 2001 : 309) et se situe au niveau de la dimension référentielle et interactionnelle du discours. Dans cette perspective, les textes sont des produits de la mise en œuvre de différents mécanismes structurants qui se décomposent en diverses opérations qui se réalisent elles-mêmes en utilisant des ressources linguistiques concurrentes.

Roulet, Filliettaz et Grobet (2001) élaborent, à partir de là, un modèle qui correspond à « un ensemble articulé d’hypothèses sur les différentes composantes, linguistique, textuelle et situationnelle, du discours et sur leurs interrelations » (Roulet, 2001 : 33). Ce modèle doit non seulement amener à la description des propriétés de l’organisation de discours particuliers mais aussi à l’explicitation de ces propriétés en référence à des principes généraux. Les contraintes situationnelles sont associées à l’univers de référence et à la situation d’interaction ; les contraintes linguistiques à la syntaxe et au lexique des langues utilisées ; et les contraintes textuelles dépendent de la structure hiérarchique du texte. A partir de là, les auteurs distinguent cinq modules, qui relèvent d’une des composantes présentées précédemment, qu’ils définissent en tant qu’espaces de traitement et de structuration d’informations d’ordres différents : les modules interactionnel et référentiel (dépendant de la composante situationnelle), le module hiérarchique (dépendant de la composante textuelle) et les modules syntaxique et lexical (dépendant de la composante linguistique).

Le module lexical recouvre la prononciation, l’orthographe, les propriétés grammaticales et les sens des mots des diverses langues. Le module syntaxique « consiste en un ensemble de règles déterminant les catégories et les constructions des clauses en usage dans une langue ou variété de langue » (2001 : 45). Il comprend, également, les informations données par des morphèmes (pronoms anaphoriques et temps verbaux) ou certaines structures syntaxiques (constructions disloquées ou clivées) qui aident à l’interprétation du discours. Le module hiérarchique se compose de trois catégories de constituants (l’échange, l’intervention et l’acte) qui peuvent avoir trois types de rapports différents (la dépendance, l’interdépendance et l’indépendance). Il repose sur un principe de récursivité qui « permet d’engendrer les

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structures hiérarchiques des textes dialogiques et monologiques les plus complexes » (Roulet, 2001 : 45). L’échange est alors considéré comme l’unité textuelle maximale. Le module référentiel dépeint « les représentations mentales, conceptuelles et praxéologiques des activités, ainsi que des êtres et des objets qui constituent les univers dans lesquels le discours s’inscrit et dont il parle » (2001 : 46). Le module interactionnel s’attache à présenter les conditions matérielles et contextuelles de la situation d’interaction du discours : canal écrit ou oral, alternance des tours de parole ou d’écriture, nombre d’interactants, co-présence ou distance spatio-temporelle entre ceux-ci, réciprocité ou non de la communication.

Les auteurs, après avoir établi ces différents modules différencient sept « formes d’organisation élémentaires » qui résultent du couplage des informations provenant de ces différents modules : sémantique, prosodique (alliant informations lexicales et syntaxiques), relationnelle (alliant informations hiérarchiques, lexicales, et/ou référentielles), opérationnelle, séquentielle (alliant informations hiérarchiques et référentielles), informationnelle (alliant informations hiérarchiques, linguistiques et/ou référentielles) et énonciative (alliant informations linguistiques et interactionnelles). Parmi ces formes d’organisation, l’organisation opérationnelle réunit les descriptions des dimensions verbale et actionnelle du discours. L’organisation relationnelle s’occupe de la description des relations illocutoires et interactives entre les constituants du discours. L’organisation séquentielle définit les séquences typiques du discours : narrative, descriptive et délibérative, en se basant sur des informations d’origines hiérarchique, linguistique et/ou référentielle. L’organisation énonciative caractérise les segments de discours produits dans le discours lui-même par les locuteurs, à différents niveaux d’emboîtement. L’organisation compositionnelle s’occupe des formes et des fonctions des séquences typiques établies dans l’organisation séquentielle. Elle s’appuie sur le couplage d’informations issues des modules hiérarchique, référentiel et linguistique ainsi que de l’organisation séquentielle et de l’organisation relationnelle.

Dans cette perspective, pour Roulet et al. (2001) décrire l’hétérogénéité compositionnelle du discours revient à repérer et déterminer les types de discours qui sous-tendent les productions langagières, à identifier des séquences discursives dans des discours produits, à caractériser leurs propriétés émergentes internes et plus particulièrement les formes de ces séquences discursives mais aussi à préciser leurs fonctions cotextuelles et contextuelles, ou encore à décrire les relations hiérarchiques entretenues entres ces différentes séquences discursives. Ainsi, les différents genres de discours non seulement déterminent les types de séquences qui y seront dominants mais aussi influencent l'organisation interne des séquences

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ou encore jouent un rôle primordial dans le repérage des séquences. Les frontières des séquences ne peuvent donc être strictes pour rendre compte de ces influences.

Les types de discours correspondent ainsi à des configurations textuelles très générales à l’origine de toutes les productions langagières (orales ou écrites, littéraires ou non littéraires). Ils sont en nombre limité et « peuvent être classés dans une typologie fermée dont les critères définitoires présentent une relative homogénéité » (Filliettaz, 1999). Les séquences discursives correspondent à des unités empiriques et donc à des segments ancrés contextuellement à partir desquels les types de discours se manifestent effectivement dans la réalité du discours produit (Filliettaz & Grobet, 1999). Ces deux auteurs distinguent ainsi clairement ces « deux objets majeurs du traitement de l’hétérogénéité discursive » : « celui de la réflexion typologique, qui porte sur la description des types de discours, et celui de la segmentation des discours, qui consiste à repérer des séquences discursives effectivement réalisées » (Filliettaz & Grobet, 1999 : 240).

Filliettaz (2001), qui porte notamment son attention sur l’organisation compositionnelle des discours, considère qu’il existe trois grands types de discours : la narration, la description et la délibération.

Le discours narratif correspond alors à un discours monologique qui conduit « à la création d’un monde discursif spatio-temporellement et logiquement disjoint du monde ordinaire dans lequel prend place l’action langagière : les évènements qui s’y trouvent représentés prennent nécessairement place dans un univers de référence “autre” que celui dans lequel se déroule le procès de récapitulation ».

Pour décrire les caractéristiques du discours descriptif, Filliettaz s’appuie sur celles élaborées par Adam (1992). Le discours descriptif repose ainsi sur un ordre hiérarchique strict, dominé par quatre grandes phases. Outre l’ancrage, l’aspectualisation et la mise en relation décrits par Adam, Filliettaz ajoute la thématisation. Cette dernière conduit à une expansion potentiellement infinie du discours descriptif. Celui-ci correspond donc à un segment textuel monologique qui a pour propriété de désigner les caractéristiques « des lieux, des êtres ou de toute autre unité référentielle pouvant faire l’objet d’une dérivation conceptuelle ».

Le discours délibératif regroupe à la fois le discours théorique, explicatif, argumentatif, informatif, etc. Filliettaz le définit « comme une sorte de « degré zéro » d’un modèle typologique, correspondant à l’ensemble des productions discursives qui échappent à la fois

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aux propriétés de la narration et à celles de la description ». (2001) Il diffère du discours dialogal d’Adam.