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Chapitre II : Genres du discours

II.3. Développement de nouvelles conceptions des genres

II.3.1. Présentation de quelques modèles généraux d’analyse des genres

II.3.1.2. Modèle de Bronckart

Bronckart (1987) considère, contrairement à Bakhtine, que les genres du discours ne peuvent s’opposer par leur caractère dialogique ou monologique. Tous les discours, selon Bronckart, s’inscrivent dans un dialogue, répondent à un discours antérieur et s’adressent à un allocutaire réel ou fictif. Devant l’infinie variété des productions langagières et le déplacement régulier de la notion de genres du discours à celle de genres de discours pour désigner des « sortes de textes », Bronckart (2004) considère qu’il serait plus pertinent de parler de « sortes d’activités langagières » ou de « sortes de discours » pour évoquer les genres du discours. De plus, dans la mesure où les « sortes de textes » sont très divers, par souci de délimitation et d’étiquetage, de nombreuses propositions de classement ont été élaborées, orientées dans la plupart des cas sur la notion de genre de texte (ou genre de discours). Etant donné qu’un texte s’inscrit obligatoirement dans un ensemble ou dans un genre, Bronckart préfère parler de genre de texte plutôt que de genre de discours.

Dans cette perspective, les activités langagières sont motivées par des buts communicatifs précis, elles apparaissent dans un contexte de production s’inscrivant dans un cadre interactif défini par quatre paramètres essentiels : le lieu social (école, famille, média, armée, etc.), la position sociale de l’émetteur (rôle d’enseignant, de parent, d’ami, de client, etc.), la position sociale du récepteur (rôle d’élève, d’enfant, de collègue, d’ami), le but de l’interaction (Bronckart, 1996). Ces activités langagières s’élaborent sous la forme d’un ou plusieurs types discursifs définis par leur « mode d’ancrage socio-énonciatif » (Bronckart, 2004). L’auteur accorde alors à ces types de discours un rôle prépondérant.

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Le texte se définit alors comme toute unité de production verbale située, orale ou écrite, « finie et auto-suffisante (du point de vue actionnel et communicationnel) » faisant passer un message linguistiquement organisé et cherchant à produire sur son destinataire un effet de cohérence. Ainsi les textes, qui relèvent d’un genre, correspondent à des unités communicatives globales articulées à un agir langagier alors que les types de discours correspondent à des unités linguistiques « infraordonnées », à des segments qui entrent dans la composition des textes selon des modalités qui peuvent varier. Bronckart relève, de plus, que :

« Les genres combinent des modes de structuration particulièrement hétérogènes, de sorte qu’ils ne peuvent jamais être entièrement définis par un ensemble donné d’opérations cognitives, qui seraient matérialisées par un ensemble donné d’unités et de règles linguistiques » (2004 : 105).

A partir de là, Bronckart (1985) cherche à établir les fondements d’une description explicite de toutes les entités rendant compte du fonctionnement des processus de production du discours. Il propose alors un modèle hiérarchique qui assemble et subordonne trois couches d’organisation (infrastructure générale du texte, les mécanismes de textualisation et les mécanismes de prise en charge énonciative) composées elles-mêmes de divers processus.

L’infrastructure générale du texte se compose du plan général du texte qui concerne l’organisation d’ensemble du contenu thématique par les types de discours qu’il comporte, et qui désignent les sortes de segments que comporte le texte ainsi que par les séquences qui y apparaissent éventuellement. La notion de séquence (narrative, explicative, argumentative, etc.) désigne des modes de planification qui se déploient à l’intérieur du plan général du texte. Les mécanismes de textualisation participent à l’établissement de la « cohérence thématique » du texte. Ils explicitent les grandes articulations hiérarchiques, logiques et/ou temporelles des textes. Parmi ces mécanismes se trouvent les mécanismes de connexion, de cohésion nominale et verbale.

Les mécanismes de prise en charge énonciative contribuent à la création de la « cohérence pragmatique » ou interactive du texte. Ils permettent la clarification des responsabilités énonciatives et « traduisent » les différentes évaluations formulées à l’encontre des différents aspects du contenu thématique. Ils orientent alors l’interprétation du texte.

Dans cette perspective, les types de discours constituent les ingrédients fondamentaux de ce que Bronckart appelle l’infrastructure générale des textes. Ils entrent dans leur composition quels que soient les genres dont ils relèvent selon des modalités très variables. Bronckart (1987) considère, en outre, que deux éléments majeurs sont à prendre en compte dans la

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caractérisation des types de discours : le rapport entre le contenu thématique et la situation de production ainsi que le rapport entre les paramètres de l’interaction et de l’acte de production. Premièrement, soit le contenu thématique (ou référent) du discours et la situation de production de l’agent sont séparés et donc sont disjoints (ordre du RACONTER), soit ils ne le sont pas et sont conjoints (ordre de l’EXPOSER). Ainsi, soit les objets de discours s’avèrent présents dans l’espace-temps de la production soit ils ne le sont pas. Deuxièmement, soit les paramètres de l’interaction sociale (but de l’action, lieu social, destinataire, énonciateur) et ceux de l’acte de production sont mis en rapport et donc « impliqués », soit ils ne le sont pas et s’avèrent « autonomes ». En croisant ces deux éléments, Bronckart (1996) aboutit à la création de quatre « attitudes de locutions » qu’il qualifie de « mondes discursifs » : RACONTER impliqué, RACONTER autonome, EXPOSER impliqué, EXPOSER autonome. Il établit, à partir de là, quatre « types de discours », des architypes discursifs, qui constituent des formats de base : le « discours interactif », le « discours théorique », le « récit interactif » et la « narration ». Le discours interactif correspond alors à un dialogue comme à un monologue, produit à l’oral comme à l’écrit. Il se distingue des autres par la présence non seulement « d’unités renvoyant à l’interaction verbale elle-même, qu’elle soit réelle ou mise en scène, et au caractère conjoint-impliqué du monde discursif créé » (170 : 1996) mais aussi de phrases interrogatives, phrases impératives, phrases exclamatives et donc non déclaratives. Le discours théorique équivaut le plus souvent à un monologue écrit et se caractérise par la présence de phrases déclaratives. Le récit interactif est généralement représenté par un monologue. Il apparaît dans une situation d’interaction réelle à l’oral ou fictive à l’écrit. Il se caractérise par la présence de phrases déclaratives. La narration est le plus souvent écrite et monologuée. Elle ne se compose que de phrases déclaratives.

Bronckart (1996) souligne alors qu’en fonction « de la capacité d’auto-réflexivité du langage » qu’en ont les locuteurs d’autres types de discours peuvent survenir du mélange, de la fusionne, de la transformation ou encore de la transposition de ces quatre architypes discursifs.