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I. Hiérarchisation des processus. Nécessité de

représenter les composantes de l'écoulement de façon

réaliste.

De façon générale, il paraît essentiel, pour chaque système étudié, et au vu des résultats visés, de hiérarchiser les phénomènes à représenter en fonction de leur importance sur le comportement global du système. L’analyse de la bibliographie nous a montré en effet que suivant le produit, le terrain d'application et l'échelle considérés, les processus dominants pouvaient changer.

L'hypothèse consistant à découpler la représentation des flux d'eau et de produits phytosanitaires, comme on l'a déjà évoqué pour la modélisation du transport hydrodynamique dans le sol, semble actuellement nécessaire pour simplifier le problème à traiter.

Si l'on s'intéresse maintenant plus particulièrement à la partie hydrologique des modèles existants, elle paraît le plus souvent frustre : ceux-ci se limitent en effet le plus souvent à représenter un débit à l'exutoire, sans prendre en compte les proportions ou la répartition spatiale des différentes composantes de l'écoulement, ni les temps de transfert de l'eau. Pourtant, l'eau est le vecteur essentiel des produits phytosanitaires sur un bassin versant, et le chemin suivi est déterminant pour le devenir de ces derniers. Les modèles actuels ont par ailleurs plutôt tendance à représenter l'eau sous forme de réservoirs ou de stocks, sans rendre compte de l'aspect dynamique des échanges de matière

qu'entraîne son transfert. Or il n'est pas équivalent pour un produit d'être acheminé au ruisseau par le ruissellement provoqué par une pluie suivant de peu son application, de percoler rapidement vers la nappe par un écoulement préférentiel ou d'être entraîné par un écoulement latéral non saturé, avec de fortes chances de subir une dégradation biologique (voir l’annexe 2 pour un rappel des principales composantes de l'écoulement).

Ainsi, Fisher et Al. (1997) mettent en œuvre deux modèles conceptuels distribués, AGNPS et ANSWERS, sur un bassin versant, en utilisant d’abord les données spatialement distribuées dont ils disposent, puis des distributions correspondant à des degrés divers de mélange, jusqu'à aboutir à un paysage complètement désorganisé : ils concluent à une sensibilité très faibles des deux modèles à la répartition spatiale des données, ce qui nous semble aller à l’encontre de toutes les observations de terrain sur l’influence de l’occupation des sols sur la contamination des eaux de surface par des produits phytosanitaires. Cette étude nous semble donc montrer l’inadéquation de tels modèles à des problèmes d’aménagement.

Des chemins divers donnent une signature différente à l'eau, que ce soit en termes de traceurs isotopiques ou chimiques, ou de polluants. Les interactions des produits phytosanitaires avec le sol et les particules érodées (adsorption, désorption), avec les micro-organismes susceptibles de les dégrader (dégradation biotique, mais aussi abiotique suivant les conditions pédologiques), les temps d'exposition à la lumière (photolyse) et l'atmosphère (volatilisation) sont en effet différents pour des cheminements différents.

Par exemple, si l'on peut dans un modèle hydrologique assimiler le ruissellement et l'écoulement hypodermique rapide, on ne le peut plus quand il s'agit des produits phytosanitaires. Par exemple, des traçages isotopiques (De Walle et Pionke, 1994) ont montré que la part d'eau "vieille" sur des bassins versants était incompatible avec la part d'eau "ruisselée" trouvée par décomposition de l'hydrogramme. Pourtant, il n’est pas indifférent pour un produit, susceptible d'être adsorbé ou dégradé au cours de son transfert, d'être transporté dans le ruissellement, où se produisent une érosion et des échanges particulaires, ou d'être lessivé vers la proche subsurface puis d'y rester. L’eau arrivant dans ce cas à la rivière peut être de l'eau antérieure à l'événement pluvieux déplacée par effet piston, de l'eau liée libérée par intumescence de la nappe, ou encore de l'eau stagnant en surface (Buttle, 1994).

S'attacher à représenter de façon réaliste les différentes composantes de l'écoulement paraît donc un préalable nécessaire à une modélisation plus pertinente du devenir des produits phytosanitaires sur un versant ou un bassin versant.

II. Aspect temporel

Nombre d'aspects du comportement des produits phytosanitaires sont étudiés, pour satisfaire à la réglementation, notamment le comportement dans les sols. Malgré ces études, il reste des points à approfondir, particulièrement sur les écoulements rapides (surfaciques ou subsurfaciques). Par exemple, les modèles actuels, utilisés avec des données issues de la littérature, prédisent des temps d'arrivée à la nappe bien plus élevés que ceux auxquels conduisent les observations. Cette percolation rapide vers les eaux souterraines doit provenir d'écoulements préférentiels ou de déstabilisations de colloïdes, entraînant des "bouffées" de produits.

Nous en arrivons à un point justifiant le traitement spécifique qu'exige la modélisation du transfert des produits phytosanitaires par rapport à d'autres substances potentiellement à risque pour l'environnement. Ceux-ci, en effet, sont soumis à des processus intervenant à au moins deux échelles de temps :

• d'une part les processus intervenant peu de temps après leur application ou après des épisodes pluvieux majeurs, comme les écoulements préférentiels, l'entraînement dans le ruissellement ou la déstabilisation des colloïdes (de l'ordre de deux à trois semaines),

• d'autre part des phénomènes se déroulant sur plusieurs années, comme le lessivage vers les nappes profondes et le transport dans les eaux souterraines.

Il semble que ce soit les phénomènes du premier groupe qui entraînent les concentrations maximales observées, les phénomènes du second groupe étant responsables du bruit de fond observé pour certains produits tout au long de l'année.

Il est pour l'instant difficile d'envisager un modèle représentant l'ensemble des processus et il semble judicieux de représenter chacun de ces deux ensembles de processus par un modèle propre, celui à pas de temps court alimentant éventuellement celui à pas de temps long. Le même processus pourrait par exemple être représenté d'un point de vue cinétique dans le modèle à pas de temps court, alors que la représentation de l'équilibre thermodynamique serait suffisante dans le modèle à pas de temps long.

Il est délicat de détailler la démarche adoptée en l'absence d'un cas concret [terrain + produit], mais on peut par exemple envisager de négliger les dégradations chimique et biologique dans le modèle à pas de temps court, et n'y inclure comme transformations que la photolyse et la volatilisation, qui interviennent assez rapidement après l'application. Dans le modèle à pas de temps long, par contre, ces phénomènes ne pourraient plus être négligés. De la même façon, il peut être nécessaire dans le premier cas de représenter l'adsorption de façon cinétique, alors que la représentation à l’équilibre thermodynamique pourrait être suffisante dans le second cas.

Cette modélisation en deux temps se heurtera toutefois au problème des conditions aux limites : le modèle à pas de temps court est en effet gouverné par les conditions aux limites du modèle à pas de temps long, et il faudrait donc en toute rigueur envisager une modélisation couplée.

III. Aspect spatial

On peut espérer scinder le système du point de vue spatial de la même façon que du point de vue temporel, en considérant que les phénomènes à court terme se limitent au ruissellement et aux écoulements rapides, c'est-à-dire en surface et proche subsurface, alors que les phénomènes à long terme se manifestent dans l'infiltration et la percolation vers la nappe c'est-à-dire concernent essentiellement la zone non saturée et la nappe souterraine.

Dans de nombreuses configurations toutefois, par exemple dans le cas d'écoulements karstiques ou préférentiels, d'écoulements rapides le long de puits de pompage, ou d'une intumescence de la nappe due à la non linéarité du comportement de la frange capillaire*1, les deux systèmes interagissent, le deuxième étant également soumis à des phénomènes à court terme. Cette partition éventuelle entre les deux systèmes ne doit donc être décidée qu'au vu du domaine étudié.

D'autre part, il est essentiel de rendre compte de l'organisation spatiale du paysage, notamment pour représenter de façon pertinente le ruissellement et l'érosion, facteur majeur du transport des produits phytosanitaires vers les eaux de surface pendant les événements pluvieux. Le réseau anthropique (routes, fossés, haies et talus) provoque en effet des redirections d'écoulement par rapport aux directions qu'impose la seule topographie (Mérot et Bruneau, 1993), et conduit donc à des écoulements différents de ceux que générerait un bassin « naturel » qui aurait les mêmes topographie et pédologie. Pour les phénomènes à long terme par contre, il semble en première approche qu’il suffise de représenter la morphologie du versant (en surface et en subsurface).

On notera enfin que suivant le système considéré, l'aspect temporel ou au contraire spatial peut revêtir plus d'importance. Ainsi, dans un système karstique, l'aspect temporel domine, alors que dans un petit bassin breton sur schiste ou granite, il faut prendre en compte de façon détaillée l'organisation du paysage. On ne peut donc scinder le système du point de vue spatial qu'au vu du système étudié.

1

Libération de l'eau liée de la frange capillaire par un apport d'eau. Il arrive que le volume d'eau rendu ainsi disponible pour l'écoulement soit important par rapport au volume d'eau amené (Cf. Partie I, Chapitre 3)

IV. Conclusion

Les considérations exposées plus haut ne donnent qu'un faible aperçu de la diversité des situations envisageables. Il faut en effet prendre en compte à la fois le comportement hydrologique du bassin (par exemple le type de ruissellement prédominant, l'importance de la nappe aquifère, les composantes majeures de l'écoulement - subsurfacique, surfacique, par macropore - ...) et les caractéristiques propres du produit (affinité pour les sols, dégradabilité ....).

Quant aux conditions climatiques, il est évident qu'à bassins et produits comparables, un climat méditerranéen et un climat océanique n'impliquent pas le même genre d'événement pluvieux, donc de réponse hydrologique, et par suite de réponse au niveau de la qualité de l'eau.

Un point qui paraît essentiel, pour la modélisation du transfert des produits phytosanitaires encore plus que pour la "classique" modélisation pluie-débit, est qu'on ne peut juger du modèle à construire, des choix à faire quant aux processus à représenter, de la représentation des processus du point de vue cinétique ou à l'équilibre, qu'au vu du système étudié2.

Hypothèses effectuées. Décisions prises