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De par l'aménagement du paysage et le travail du sol qu'ils subissent, les bassins agricoles possèdent quelques spécificités par rapport aux bassins non cultivés, tant au niveau de l'organisation de l'espace que des sols, notamment au niveau de la couche labourée.

Ce paragraphe présente dans un premier temps les caractéristiques de sols cultivés, puis aborde l'influence du réseau anthropique de fossés, routes et talus, en s'appuyant sur les écrits relatifs au bocage. Les connaissances quantitatives sur ces différents aspects sont encore une fois assez minces, et il faudra le plus souvent nous contenter d'une description qualitative des phénomènes.

I. Caractéristiques de la surface et de la couche labourée

Les sols labourés manifestent une variabilité saisonnière, déterminée par la succession relative des travaux de labour, et des épisodes pluvieux.

H Les sols limoneux sont sujets au phénomène de battance (Ludwig, 1992), qui consiste en une fermeture progressive de la surface au fur et à mesure des pluies, conduisant à une quasi-imperméabilité. Sans en arriver là, tous les types de sols voient une diminution de leur micro-rugosité de surface entre deux labours, diminuant leur capacité d'infiltration et de stockage, et augmentant leur aptitude au ruissellement (Gascuel-Odoux et al., 1995). Les traces de roues laissées par les engins agricoles représentent des surfaces particulièrement sensibles à ces phénomènes, le sol y étant significativement tassé, d'autant plus que les véhicules sont de plus en plus puissants et lourds.

H Une autre particularité des sols cultivés provient des caractéristiques de la couche labourée. Cette tranche de sol5 est approximativement homogène du point de vue textural et structural, le labour gommant les hétérogénéités issues de la pédogénèse. Là encore, on remarque une évolution saisonnière, au fur et à mesure des travaux agricoles et des précipitations, qui conduisent à un tassement de la structure et une désagrégation des mottes, et donc une diminution de capacité de rétention du sol et de sa conductivité hydraulique. Les macropores créés par la faune du sol ou les racines des cultures peuvent pallier cette décroissance de la conductivité.

H Entre cette couche labourée et le sol non labouré se situe une fine couche de sol, tassée par le labour : la semelle de labour. Cette semelle peut être quasiment inexistante, comme elle peut être pratiquement imperméable, suivant les conditions d'humidité qui régnaient au moment du labour, et servir de support à des écoulements subsurfaciques latéraux saturés, d’autant qu'elle est souvent surmontée par des chaumes, qui forment des chemins préférentiels d'écoulement. Son extension dans un même champ peut être discontinue, les zones où la semelle de labour est quasi-inexistante jouxtant celle où elle constitue un barrage aux écoulements (Zida, communication personnelle). Nous n'avons pas trouvé de référence au sujet de la semelle de labour, bien qu'elle soit souvent citée par les agronomes pour la discontinuité majeure qu'elle constitue dans le profil pédologique.

H Enfin, citons pour terminer l'influence des tous premiers centimètres de sol, notamment pour les prairies, où la forte densité racinaire ménage une conductivité latérale élevée. Ainsi, Le Meillour (1996) a trouvé des conductivités hydrauliques latérales de l'ordre de 15 à 40 m/h dans la litière d'un sol non cultivé, dont on peut penser qu'il présente quelqu’analogie avec un sol en ray-grass depuis quelques années. Elle hésite toutefois à appliquer la loi de Darcy dans ces conditions, en arguant que cette couche de sol n'est pas encore un milieu poreux, et préconise plutôt une loi puissance analogue à l'équation de l'onde cinématique. Même si les ordres de grandeur obtenus ne sont pas directement transposables, retenons que l'écoulement hypodermique peut être significatif dans un sol pourvu d'un réseau racinaire dense, ou de pailles enfouies et non encore dégradées, et mériterait quelques expérimentations.

II. Influence du bocage sur les écoulements

II.1. Introduction

Parmi les éléments susceptibles de perturber les écoulements spécifiques aux bassins ruraux figurent certaines structures propres au bocage. Ce dernier est habituellement constitué de talus et/ou haies et/ou fossés. Ces éléments du paysage perturbent évidemment le ruissellement et les écoulements de la proche subsurface : certaines de ces structures freinent les écoulements, favorisent une réinfiltration et une dégradation des produits qui y sont éventuellement présents, d'autres au contraire accélèrent le transfert vers les eaux de surface. Il est donc légitime de supposer que la structure bocagère modifie la réponse d'un bassin versant, notamment en termes d'écoulements rapides et de qualité de l'eau. Cette influence du réseau anthropique s'estompe toutefois sans doute, en proportion, quand on passe à des événements pluvieux exceptionnels, puisque c’est alors essentiellement la topographie propre du bassin versant qui détermine sa réponse.

Après une brève présentation du(des) bocage(s), nous nous intéresserons plus particulièrement au bocage breton, constitué essentiellement de talus/fossés, et aux études qu'il a suscitées. Nous verrons que, là encore, les connaissances que l'on a du fonctionnement hydrologique aux environs de ces structures sont essentiellement qualitatives. Comme dans le reste de cette étude bibliographique, il est difficile d'isoler des échelles ou des objets d'étude, l'interaction étant forte, soit entre les différentes échelles auxquelles on étudie les processus (qu’il s’agisse de l’échelle spatiale : talus, versant, bassin versant ou temporelle : heures, semaines, saisons, plusieurs années), soit entre les différents processus et paramètres en jeu (pédologie, évapotranspiration, géochimie, hydrologie). Nous

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Les labours ont actuellement une profondeur d'environ 25 cm. Il y a quelques années, la profondeur moyenne était plutôt de 30-35 cm. On peut par conséquent souvent observer, dans des profils de sol, des traces de ces anciens labours, qui n’ont pas encore été effacées par la pédogénèse.

présenterons toutefois ces différents aspects de façon individuelle, en gardant à l'esprit que ces distinctions sont assez artificielles, et en tâchant d’identifier quelques constantes quant à l’influence de ces structures sur les écoulements, au travers de la diversité des situations rencontrées

II.2. Historique et typologie des bocages

Les bocages ont donné lieu vers le milieu des années 1970 à de nombreuses études, afin de juger de l'effet des remembrements agricoles et de la disparition d'une grande partie des structures bocagères (CNRS-ENSA-Université de Rennes, 1976). Ces études n'ont en fait guère pu répondre de manière tranchée sur les conséquences de l'arasement de ces structures : l'hétérogénéité du milieu bocager entraîne l'existence de gradients complexes des différents facteurs, et la superposition d'effets opposés, qui rendent l'évaluation du bilan difficile. De surcroît, des facteurs fondamentaux comme l'influence maritime ou continentale, la structure géologique, la topographie, les pratiques agricoles ont une influence plus grande que la structure bocagère elle-même, et il s'agissait donc d'évaluer des grandeurs influant au deuxième ordre. Mis à part un regain d'intérêt ces dernières années, les travaux menés à cette époque constituent pourtant le "noyau dur" des connaissances qui seront rapportées ici. La présentation "historique" et essentiellement descriptive (Flatres, 1976) qui suit se justifie par la tentative de comprendre les éléments qui ont motivé la mise en place du bocage, et de juger par là même si un rôle hydraulique lui était dévolu, ou s'il l'a acquis a posteriori.

Le bocage est défini comme un enclos verdoyant, le paysage de bocage étant essentiellement concentré dans l'ouest atlantique sur notre continent.

Une typologie fonctionnelle distingue le bocage de prés, où l'enclos retient le bétail dans la pâture, du bocage de champ, où l'enclos empêche au contraire les bêtes de pénétrer. L'histoire et la structure du bocage dans les pays de la mer du nord, de l'est et du centre de la France diffèrent de celles de l'Ouest britannique, armoricain et galicien. On s'intéresse dans la suite au bocage du second groupe, à petites mailles, aux formes moins géométriques que celles du premier groupe, et qui datent souvent du moyen âge. Les enclos sont délimités par des talus, le plus souvent bordés de fossés et surmontés d’arbres ou d’arbustes. Rien n’indique toutefois si ces fossés ont été creusés pour fournir le matériau nécessaire à la construction du talus, ou si un rôle propre leur était dévolu. Les talus quant à eux, outre leur rôle de délimitation des parcelles, fournissaient une protection contre le vent, du bois de feu ou d'ouvrage, de la litière et du fourrage pour les bêtes.

Une étude des talus (suivant leur forme, leur couverture, leurs dimensions ... ) permet une première classification typologique. Une autre approche est basée sur la morphologie du parcellaire. Elle semble varier à l'infini, entre les structures héritées de l'époque romaine (d'aucuns attribuent même à certains talus un rôle religieux dans les traditions celtes), celles correspondant à un défrichement, d'autres à des héritages et donc des découpages successifs, d'autres encore à une volonté d'aménagement de l'espace agricole, pour pallier au mieux les effets négatifs du milieu....

⇒ Il ressort de cette approche historique et géographique qu'il paraît difficile d'énoncer des résultats généraux sur le bocage, même à l'échelle infra-régionale, la structure du bocage variant avec sa vocation (champ ou pré), le type d'enclos, la forme de la parcelle, la position dans le paysage ... On ne peut donc affirmer à l’issue de ce premier tour d’horizon si un rôle hydraulique était dévolu au bocage, ou s’il l’a acquis a posteriori, ne serait-ce que par l’influence qu’il a à long terme sur le microclimat ou la pédologie, comme on l’exposera dans les paragraphes suivants.

Il semble toutefois que, de façon générale, les haies et talus étaient plutôt situés sur des limites pédologiques, ou des ruptures de pentes, sans doute pour tirer au mieux partie du milieu et de ses contraintes.

De même l’orientation fréquente des parcelles légèrement en travers de la pente, de telle façon qu’elles présentent un coin bas, trouve sans doute une explication à la fois dans la nécessité d’évacuer l’excès d‘eau de la parcelle, et dans le fait qu’il était plus facile de sortir du champ avec une charrette chargée par le bas que vers le haut de celle-ci. Enfin, le travail du sol, parallèlement aux limites de la parcelle, s’effectuait donc suivant des pentes moins accentuées que la pente du terrain, permettant de ménager les bêtes de somme.

II.3. Influence du bocage sur le climat

De par les modifications qu’il entraîne sur la topographie locale et la végétation à l’échelle de la haie ou du talus, le bocage influence l’évapotranspiration et la répartition des pluies, d’une part au niveau de la haie, d’autre part au niveau micro-régional. Si cette influence est facile à affirmer, elle l’est beaucoup moins à quantifier, les interactions, souvent antagonistes, entre les différents paramètres et processus en jeu, rendant ardu le diagnostic global de l’influence de la structure bocagère sur le climat (Damagnez, 1976).

II.3.a. Modifications microclimatiques dues à l’aménagement

L’influence du bocage doit être considérée à deux niveaux, correspondant à l’échelle locale (la parcelle, où l’influence varie avec la distance à la haie) et l’échelle régionale. Quelle que soit l’échelle d’espace considérée, le bocage agit sur deux éléments essentiels du bilan d’énergie : le rayonnement d’une part, l’écoulement de l’air d’autre part.

Rappelons que le bilan d’énergie d’une surface d’échange s’écrit :

Rn + Qs + Qh + Qe = 0

Rn : rayonnement net, qui traduit la quantité nette d’énergie gagnée, de jour, ou perdue la nuit, par

rayonnement,

Les différents termes de ce bilan des échanges radiatifs sont :

la différence entre les rayonnements solaires incident et réfléchi par le sol,

la différence entre le rayonnement de grande longueur d’onde émis par la surface de la terre et par l’atmosphère. Ce terme, toujours négatif, correspond au refroidissement nocturne.

Qs : flux de chaleur dans le sol,

Qh et Qe : flux de chaleur échangés respectivement sous la forme :

de chaleur sensible induite par les profils de température au voisinage de la surface,

de chaleur latente, équivalent énergétique de l’évaporation ou de la condensation. La répartition qui s’établit entre les divers flux détermine la température d’équilibre de la surface d’échange

⇒ La double action du bocage sur les échanges radiatifs et les transferts turbulents introduit une certaine complexité dans les modifications microclimatiques résultantes. Ce sont les effets de l’un ou l‘autre facteur qui prédomineront, selon la fréquence des vents forts et violents, ou selon la densité du système bocager.