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Régime hydrique d’un versant seul

Si l’on s’intéresse d’abord au régime hydrique d’un versant « seul », c’est à dire sans talus, les circulations d’eau « type » varient avec la succession de sols que l’on rencontre, qui dépend elle-même de la position dans le bassin :

• dans les pseudo-talwegs, les toposéquences sont fortement différenciées : vers l’aval, il y a accumulation d’argile, et apparition d’horizons compacts. On trouve ainsi de l’amont vers l’aval : des sols peu différenciés (rankers et sols bruns humifères), sols moyennement différenciés (sols bruns acides) et sols hydromorphes.

• entre les pseudo-talwegs, les séquences sont peu différenciées.

Or les sols peu différenciés sont caractérisés par un ressuyage rapide, la circulation de l’eau en leur sein étant essentiellement verticale, sauf sous fortes pluies, où le ruissellement peut alors prendre naissance. Les sols moyennement différenciés ont un temps de ressuyage plus long, en particulier dans l’horizon B ; une partie de l’apport pluvial est drainé verticalement, l’autre partie fait probablement l’objet d’un écoulement latéral dans les horizons A et B.

⇒ A partir de ces données, on peut proposer des hypothèses de circulation de l’eau le long des versants :

• en surface, les risques de ruissellement sont importants en amont (où les sols sont très riches en MO) ; ces risques existent également le long des versants quand l’horizon Ap est peu perméable ; ceci dépend toutefois de l’état de surface du sol

• au sein de la couverture pédologique : en amont, les circulations d’eau sont essentiellement verticales, excepté dans les sols sur granite où l’infiltration est probablement déviée au niveau de la roche, et dans les sols sur arène à blocs où l’infiltration peut être partiellement déviée au contact arène à blocs/arène en place. En effet la limite entre arène à blocs et en place est très nette : on observe parfois la présence d’une couche plus lessivée (10 cm) puis d’une couche plus argileuse (2 à 5 cm). La couche argileuse ralentit probablement l’infiltration et la dévie latéralement. On retrouve le même type de fonctionnement dans les bassins sur schiste, où les altérites de schiste, moins perméables, dévient également les écoulements.

• les sols du versant bénéficient donc d’apports supplémentaires par ruissellement et probablement par drainage oblique. Ces apports sont drainés verticalement et partiellement latéralement au sein des horizons peu profonds et l’écoulement oblique alimente alors les sols du bas fond.L’eau libre qui existe en quantité importante dans les sols hydromorphes provient donc en partie des sols moyennement et très différenciés de l’amont ; les zones basses (bas-fonds humides) sont des zones de rencontre du ruissellement, de l’écoulement latéral et de l’eau de la nappe.

1 - Infiltration. Percolation vers une nappe profonde 2 - Ecoulement

subsurfacique latéral 3 - Ruissellement.

Figure 4 : Circulations d'eau sur un versant seul Influence d’un talus sur le régime « naturel » d’un versant.

Si l’on passe maintenant à l’influence des talus sur les écoulements au sein du versant, on met en évidence certains traits distinctifs du comportement hydrique des sols en fonction de leur éloignement du talus :

• le dessèchement est plus progressif, mais va plus loin, dans les sols situés près des talus, par rapport aux sols éloignés des talus. Le dessèchement plus lent s’expliquerait par l’ombrage des profils proches du talus-haie, alors que l’assèchement plus accentué en été, et la réhumectation plus tardive en automne sont sans doute dus à la consommation importante d’eau par les arbres à cette période,

• sur les versants à sols moyennement différenciés, les sols situés en amont du talus se réhumidifient plus vite que les sols éloignés des talus ; ces sols bénéficient d’apports supplémentaires provenant du versant. Le talus-fossé joue alors probablement un rôle de barrage aux apports par ruissellement et drainage oblique. D’autre part, la porosité verticale des sols sous talus étant importante et grossière, elle y faciliterait la circulation verticale de l’eau,

• sur les versants à sols très différenciés, ce rôle de barrage joué par le talus est moins accusé. En effet, on constate qu’il y a une redistribution d’eau le long du versant indépendamment de l’existence du talus puisque les sols à son aval immédiat sont aussi humides qu’à son amont. Toutefois, la présence quasi-systématique d’une zone hydromorphe à l’aval du fossé et sous le talus indique que la circulation de l’eau est probablement ralentie à ce niveau. Ce rôle moins marqué est sans doute dû pour partie à la proximité de la nappe et à la frange capillaire sous-jacente, puisque ces sols très différenciés se situent souvent dans les zones de

bas fonds hydromorphes, et pour partie au fait que l’on n’observe pas de discontinuités dans la pédoséquence sous les talus observés à ce niveau.

Figure 5 : Influence d'un talus sur les circulations d'eau.

Il est évident que l’intervention d’autres facteurs (orientation des talus par rapport aux pluies dominantes, présence d’une nappe) viennent encore compliquer le système, mais ils peuvent être analysés pour l’essentiel :

• lorsque le talus est orienté sous les pluies dominantes, les différences d’humidité des sols de part et d’autre du talus sont très importantes. Ces différences sont atténuées lorsqu’on s’éloigne de cette orientation.

• la présence d’une nappe renforce l’humidité des sols en aval du talus et gène par là même l’interprétation du rôle exact des talus ceinturant les bas fonds du paysage.

Le transfert de l’eau sur une séquence bocagère a également été étudié, à la même époque, à l’aide d’oxygène 18 (Mérot, 1978).

Ce travail a permis d’identifier une averse et de suivre son trajet dans le sol, le long d’une séquence de sol d’environ 100 mètres, et de 10% de pente, le talus étudié étant situé à l’aval du versant. Quand on descend de l’amont vers l’aval jusqu’au niveau du talus, l’eau du sol paraît de plus en plus mélangée le long de chaque profil, l’eau de l’averse identifiée ne se retrouvant plus à l’amont du talus. Par contre, à l’aval du talus, on retrouve un profil d’humidité avec en surface l’eau correspondant à l’averse étudiée et en profondeur de l’eau avec un signal très différent correspondant à des averses plus anciennes.

⇒ Cette étude montre donc bien qu’il y a rupture de la dynamique de l’eau au niveau du talus, qu’il n’y a pas eu alimentation par l’amont, et que le talus a joué un rôle de barrage et de drain vertical.

Par ailleurs, plus récemment, une étude hydrologique a été menée sur deux transects proches l’un de l’autre, l’un avec talus et haie de ceinture de bas fonds et l’autre sans, au dessus d’une zone hydromorphe, à l’amont d’un petit bassin versant d’agriculture semi intensive, sur granite, en Normandie (Forget, 1997). L’étude était basée sur des mesures tensiométriques à 1, 3 et 5 mètres de part et d’autre du talus ou de la clôture, le suivi ayant eu lieu de début février à fin avril 97.

⇒ L’étude conclut à de fortes différences hydrologiques entre les deux transects. Le transect haie a une dynamique différenciée entre l’amont et l’aval, et selon la proximité de la haie. La capacité de stockage est importante en amont du talus, en partie à cause du dénivelé qu’il introduit dans le paysage et en partie à cause de la capacité évaporative de la haie. Le transect clôture a une dynamique hydrique homogène longitudinalement et est saturé plus longtemps, et dès la surface. A la reprise des pluies, l’entrée dans la zone humide des flux provenant du versant est retardée par la

présence du talus. Ces flux s’infiltrent verticalement à l’amont du talus et rejoignent la nappe profonde.