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Génération des écoulements rapides

III. Ecoulement par macropore

Nous détaillons assez longuement les connaissances relatives aux macropores car il sont très souvent incriminés dans la littérature pour justifier l'échec des modèles à rendre compte des observations (Koïde et Wheater, 1992, Jabro et al. 1993), rappelant en ceci le poumon des Diafoirus.

Après l'exposé de diverses définitions qui leur sont couramment appliquées, nous présenterons la théorie de leur mode de fonctionnement, puis quelques valeurs et résultats issus d'expérimentations ou d'observations de terrain. Quelques représentations mathématiques habituellement utilisées closent ce paragraphe.

III.1. Définitions des macropores

Elles varient avec les auteurs :

Pour Duthil (1970), les micropores sont les cavités où il reste de l'eau après ressuyage, les autres, envahies par l'atmosphère gazeuse, sont appelées macropores. Cette notion est donc à rattacher à celle de capacité au champ, qui ne correspond pas à une pression capillaire bien déterminée (voir

annexe 1). Elle conduit à une limite entre micropores et macropores se situant vers 8 à 15 microns, dépendant du type de sol, de la distance à la nappe sous-jacente....

Germann (1991) quant à lui suggère trois définitions différentes, suivant qu'il adopte un point de vue "statique" ou "fonctionnel".

H Si l'on utilise l'équation citée en annexe 1, donnant l'angle de l'interface entre deux fluides, et qu'on appelle macropore tout pore vide pour une succion inférieure à 1 cm d'eau, on obtient un diamètre minimal de 3 mm, ce qui a l'avantage de permettre des observations à l'oeil nu. Des profondeurs courantes pour de tels pores sont de 0.5 à 3 m, c’est à dire l'épaisseur sur laquelle le profil de sol s'est développé.

H Si par contre on adopte une définition fonctionnelle, considérant comme macropore tout conduit où l'écoulement est gravitaire, on trouve dans la littérature des sytèmes de macropores incluant des chenaux de 0.03 mm de diamètre (correspondant à une succion de 1 m, pour l'équation citée), pourvu qu'ils s'étendent dans la direction générale de l'écoulement. Ces dimensions correspondent de plus à des diamètres pour lesquels on a relevé des transports de particules argileuses.

H Enfin, on peut classer comme systèmes de macropores tout système ne se pliant pas aux hypothèses nécessaires pour l'écoulement potentiel.

Il existe en effet une propriété intrinsèque à tout processus de diffusion : la longueur minimale de mélange, ou longueur d'échelle de Lagrange, à partir de laquelle tout impact sur les conditions d'entrée à la limite du système perd sa signification. Ceci est équivalent, pour la dispersion d'énergie potentielle au fait qu'une particule d'eau doit avoir eu la possibilité de se mouvoir dans tous les gradients potentiels locaux dans le milieu poreux continûment défini, pendant le processus d'écoulement considéré. Une particule d'eau imaginaire doit donc avoir pu traverser toutes les catégories de taille de pores. L est alors la longueur dans la direction d'écoulement nécessaire pour classer tous les pores participant à l'écoulement, suivant leur taille et leur fréquence. Une fois cette longueur définie, n'importe quelle ouverture transportant de l'eau sur des longueurs plus longues doit être considérée comme un chemin d'écoulement préférentiel ou un macropore dans le contexte de ce chapitre.

L'auteur décide finalement d'appliquer le terme de macropore, ou système de macropores, à tous les pores, ouvertures et chenaux impliqués dans des processus d'écoulement avec dispersion incomplète de l'énergie.

⇒ Ni la forme, ni la taille de ces macropores ne sont donc définitivement fixées.

Face à cette diversité, et devant la nécessité de termes standard pour désigner la porosité du sol, Luxmoore (1981) suggère de distinguer trois classes de pores : les micro-, les méso-, et les macropores, correspondant à des processus différents, et des gammes de succion différentes pour la vidange : Classe de porosité du sol Pression en kPa (mbar) Diamètre de pores équivalent, en µm Phénomène dominant Micro- <-30 (<-300)

<10 Evapotranspiration, gradient de pression matriciel

pour la redistribution de l'eau.

Meso- -30 à -0.3

(-300 à -3)

10 à 1000 Drainage, hystérésis, force gravitaire pour la

dynamique de l'eau

Macro- >-0.3

(>-3)

>1000 Ecoulement canalisé à travers le profil depuis la

surface saturée et/ou une nappe perchée

La différence majeure entre macropores et mésopores réside pour cet auteur dans le fait qu'il faut une mise en charge (au niveau de la surface, ou d'une nappe perchée) pour qu'il y ait écoulement dans un macropore, alors qu'elle n'est pas nécessaire pour qu'il y ait écoulement gravitaire dans un mésopore. La distinction est toutefois parfois difficile sur le terrain.

⇒ Devant cette diversité de définitions, et compte tenu du caractère fonctionnel qui nous intéresse essentiellement dans les macropores, nous adopterons plutôt la définition

adoptée par German (1991), c’est à dire que nous désignerons par macropore tout chemin d'écoulement ne dissipant pas toute l'énergie potentielle perdue au cours de l'écoulement2. Ce choix d'une définition basée plus sur le fonctionnement des macropores que sur leur morphologie est de plus justifié par la difficulté de décrire de façon exhaustive les dimensions et la géométrie d'un système de macropores. Dans la littérature, pour juger de son influence en termes de débit ou de transport de soluté, on l'appréhende plutôt comme un tout que comme la somme de ses constituants.

III.2. Fonctionnement des macropores

L'écoulement dans les macropores n'est donc pas, comme pour les micropores, gouverné par l'équilibre entre les forces capillaires et la gravité, mais essentiellement par cette dernière.

La perception que l'on a en général du fonctionnement des macropores est que l'écoulement n'y a lieu que quand la surface est saturée au niveau où ils affleurent (où qu'une nappe existe au niveau de leur extrémité haute s'ils ne débouchent pas à la surface), au moins de façon locale ; dans ce cas, l'eau s'y écoule. Si la matrice microporeuse n'est pas saturée, il y a alors adsorption de l'eau des macropores vers la matrice, se traduisant par une atténuation de l'écoulement qu'ils convoient. Les macropores permettent donc de "court-circuiter" la matrice de sol, en transférant de l'eau, événementielle de surcroît, beaucoup plus vite que la microporosité ne l'aurait fait. Il n'y a donc pas dans ces systèmes de relation unimodale entre le stock en eau et l'écoulement.

Les systèmes de macropores sont particulièrement développés dans les sols biens structurés, ou ceux qui abritent une micro-faune abondante. Leur degré de connectivité est fondamental pour leur efficacité à l'échelle du profil de sol, et a fortiori à l'échelle du versant, mais représente un paramètre difficilement accessible.

L'écoulement peut s'y effectuer de plusieurs façons : Germann (1987) décrit une expérience où un macropore de 3 mm de diamètre est le siège d'un écoulement uniforme, à un taux très inférieur à celui prédit par la loi de Hagen-Poiseuille. Une faible perturbation de l'interface eau-air en bas conduit à un écoulement lamellaire, puis à un écoulement en fines ridules, pour le même débit. Il n'y a pas pour l'instant d'études donnant les conditions de transition d'un régime à un autre.

III.3. Quelques ordres de grandeur

Les expériences et suivis de terrain relatifs aux écoulements par macropores montrent qu'il s'agit en grande partie de phénomènes à seuils, que des études ont reliés à l'humidité initiale et à l'intensité de la pluie. Dans tous les cas, la capacité d'infiltration des agrégats est cruciale, dans la mesure où, pour des intensités de pluie inférieures à cette valeur, il n'y a pas d'écoulement par macropore, sauf quand le sol est à la capacité au champ. Les études ainsi menées montrent que, pour un événement moyen sur sol modérément humide, les macropores peuvent contribuer notablement à l'écoulement. Si le sol est plus sec, la contribution du système de macropores décroît, la part la plus importante de l'écoulement venant des zones proches du ruisseau. Enfin, si le bassin versant est humide ou l'événement important, le ruissellement domine.

III.3.a. Etudes sur faibles surfaces

Le suivi de réponses rapides de drainage sous des lysimètres (Germann, 1986) montre une variation saisonnière prononcée : en hiver, quand le sol est en général humide, une pluie de 6mm/jour suffit à initier une réponse rapide alors qu’en été, une intensité de 50 mm/jour n’est pas toujours suffisante. Par ailleurs, des traçages à l'ion chlorure, à des intensités différentes de précipitations, en recueillant les percolats en 100 cellules sous l'échantillon, montrent que les zones de haut débit et de haute concentration sont groupées, suggérant un écoulement par macropores. Le fait que la répartition de ces zones de fort débit reste stable pour les intensités les plus fortes montre que le même réseau de macropores reste actif pour des événements pluvieux similaires (Quisenberry et al., 1994).

2

On distingue parfois les "pipes", qui sont en fait de grands macropores, ayant souvent un degré de connectivité plus fort vers l'aval. Il est difficile de tracer une limite précise entre les deux types de conduits.

Les macropores ne sont toutefois pas éternels : Van Der Berg (1994) a établi un modèle donnant les gammes de paramètres hydrauliques pouvant conduire à l'effondrement des macropores (quand la force de cisaillement exercée par l'écoulement dépasse la cohésion de la paroi).

Par contre, si cette manifestation des macropores reste stable dans le temps, elle ne l'est pas dans l'espace, comme le montre l'extrême variabilité constatée par Flury et al. (1994), en effectuant des traçages au colorant dans 14 types de sols, sur des échantillons de 1.4 m*1.4 m : la structure spatiale des distributions d’écoulement montre une grande variabilité ; dans la plupart des cas, le traceur court-circuite la matrice, pénétrant quelquefois jusqu’à 1m, quelquefois jusqu’à 50 cm, quelquefois restant en surface, les sols structurés étant les plus soumis au court-circuit. Les auteurs constatent qu'en général, l’eau va plus loin dans les sols mouillés, mais pas de façon très prononcée.

III.3.b. Etudes à l'échelle du versant

Si l'on passe maintenant à des observations de terrain menées à l'échelle du versant, l'écoulement par macropore est également souvent incriminé pour expliquer le comportement observé.

Ainsi, Leaney et al. (1993) suivent les concentrations de deutérium et de chlorure dans l'eau de pluie, le ruisseau, et l'écoulement latéral subsurfacique, dans un sol podzolique situé à mi-pente, pour une pente légère, où le réseau de macropores est bien développé. Ils considèrent que l'écoulement dans les macropores y est un phénomène dominant pour l'infiltration et l'écoulement subsurfacique.

Par contre, Tsuboyama et Dietrich (1995), qui suivent l'écoulement subsurfacique dans différentes portions d'un profil de sol sur un versant forestier de 49 m avec une pente de 39°, considèrent que la matrice domine l'écoulement, bien que l'influence des macropores soit plus importante en proportion en cas de conditions initiales humides et d'apport de l'amont du versant. Ils pondèrent toutefois leurs conclusions peu favorables au rôle des macropores en notant que le volume de sol efficace calculé à partir des résultats montre que l'écoulement préférentiel participe grandement à l'écoulement (peut-être via des macropores autres que ceux que les auteurs ont individualisés, notamment des pores non visibles à l'oeil nu mais soumis à un écoulement gravitaire).

De même, Montgomery et Dietrich (1995) considèrent, à l'issue du suivi d'une zone de faible gradient hydraulique, que l'écoulement est contrôlé par l’interaction de l'écoulement subsurfacique latéral, de l’écoulement par macropore et du ruissellement. Ils notent que la réponse n’est pas directement reliée aux événements individuels mais résulte à la fois des conditions initiales et de l’amplitude des averses.

III.4. Représentation mathématique du fonctionnement des

macropores

Pour représenter le fonctionnement des macropores, il y a essentiellement deux types de modèles :

• les premiers décrivent exactement les dimensions et la géométrie du réseau, et représentent finement les écoulements d'eau dans ce système et dans la matrice microporeuse. De tels modèles ne sont applicables que sur des systèmes restreints, ne serait-ce que pour la quantité de données et le temps de calcul qu'ils exigent. Ils sont toutefois utiles pour comprendre finement le comportement d'un tel système, et les échanges qui ont lieu entre la matrice du sol et ces "chenaux" d'écoulement. Toutefois, pour Bouma (1977), la perception morphologique des macropores autorise au mieux une estimation incomplète de leur performance hydraulique, et on ne sait pas donner le comportement quantitatif à partir de la description géométrique.

• la deuxième classe de modèles représente le système de macropores de façon plus conceptuelle, ou statistique. Pour rendre compte de l'aspect gravitaire de l'écoulement, Germann (1991) utilise une modélisation basée sur la théorie de l'onde cinématique, dont la vitesse de propagation dépend du diamètre du pore, et l'atténuation du degré de saturation et de la conductivité hydraulique de la matrice microporeuse environnante. Il considère cette théorie applicable à l'écoulement vertical comme à l'écoulement latéral dans les versants. Bien que cette approche semble correcte compte tenu du type d’écoulement, le

nombre de paramètres est élevé, et cette modélisation semble difficilement applicable en l'absence de plus de données permettant un calage.

D'autres approches représentent un sol contenant des macropores comme un système à double porosité, et appliquent l'équation de Richards. Rien n'assure toutefois que cette démarche soit valide, dans la mesure où par définition cette relation ne s'applique pas aux écoulements gravitaires. Cette approche peut toutefois rendre quelques services, au moins dans une approche strictement quantitative des écoulements.

Devant l'importance que revêt l'écoulement par macropores du point de vue de la qualité de l'eau, nombre de modèles (Grochulska et Kladivko, 1994, Booltink, 1994) ont intégré cette notion, le plus souvent en considérant une zone d'écoulement rapide, et une zone d'écoulement lent, avec mélange parfait dans cette zone, et échanges partiels avec la zone d'écoulement rapide, pour rendre compte de l'adsorption par la matrice non saturée des écoulements dans les macropores.

III.5. Conclusion

Bien que les macropores soient souvent mis en cause pour justifier les composantes rapides de l'écoulement, il existe peu d'expériences quantifiant leur influence sur la réponse d'un versant. Même s'il est très vraisemblable qu'ils augmentent la dynamique de l'eau sur un versant, ils ne sont sans doute pas seuls responsables. En effet, à cette échelle, rares sont les écoulements atteignant le ruisseau qui ont suivi des macropores tout au long de leur trajet. Il est beaucoup plus probable que quand la surface est saturée, même très localement, un écoulement rapide puisse avoir lieu et alimenter une nappe perchée ou provoquer une intumescence de la nappe. Ceci se traduit par une réponse du versant en débit plus rapide que si l'eau avait eu à traverser toute la matrice de sol, mais ne se voit pas au niveau de la composition chimique de l’eau s’écoulant dans le réseau hydrographique, l'eau s'écoulant dans les macropores étant "tamponnée" par l'eau déjà présente dans le sol. L'écoulement qu'ils génèrent n'est donc que très rarement quantifié, et il est difficile de donner des ordres de grandeur quant à l'influence réelle qu'ils ont sur les écoulements à l'échelle du versant et a fortiori à l'échelle du bassin versant.