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Introduction

I. Problématique

Comme nous l’avons déjà évoqué (annexe 1), l’étude des sols se heurte à plusieurs types de difficultés, que nous pouvons classer en trois grandes catégories :

• la diversité des approches utilisées, qui complique les échanges entre des spécialistes des sols issus de disciplines différentes,

• la large gamme d’échelles nécessairement considérées pour caractériser un sol, qui découle en grande partie de :

• la variabilité spatiale et temporelle de ses propriétés, quelle que soit l’échelle considérée. Ces difficultés, que nous allons détailler un peu plus avant, rendent ardue une description des sols adaptée à notre problématique. Cette description est pourtant essentielle : le passage ou non de l’eau dans les différents compartiments du sol conditionne la réponse hydrologique du bassin versant, tant du point de vue de l’importance de la genèse des différentes composantes de l'écoulement que de la qualité de l’eau. On verra dans la suite de ce mémoire que l’incapacité à décrire correctement le fonctionnement des sols, a été un des points d’achoppement majeurs de ce travail.

Les principales échelles d’investigation sont :

• l’échelle microscopique, du pore ou de la particule minérale,

• l’échelle macroscopique, qui va de la motte de sol à la placette pédologique, la parcelle ou le transect de tensiomètres,

• l’échelle mégascopique de la séquence pédologique, de l’unité de paysage ou du versant. La variabilité spatiale se manifeste à toutes les échelles, qu’il s’agisse de celle de la particule de sol, de la motte, de l’horizon pédologique, du développement de profil ou de la séquence pédologique (ou de la parcelle, si on se place du point de vue de l’agronome), tant à l’intérieur des entités de base qu’on définit usuellement qu’entre elles.

La démarche habituelle consiste, en passant à l’échelle supérieure, c’est à dire en agrégeant les entités caractérisant le niveau inférieur, à négliger l’hétérogénéité des entités constituantes et à les décrire comme un tout homogène, au risque de n’en plus donner qu’une description incomplète, et parfois insuffisante pour l’usage que l’on veut en faire. Du point de vue de l’hydrologie, on se heurte ainsi souvent (notamment dans le cas des sols où la macroporosité fonctionnelle est développée, Partie I, Chapitre 3) à des déviances par rapport au comportement que l’on pourrait attendre d’un sol au vu des

caractéristiques moyennes auxquelles cette démarche agrégative conduit : il faut alors revenir à un volume inférieur et tenir compte de l’hétérogénéité qui s’y manifeste pour pouvoir interpréter les observations.

En fait, il n’existe pas d’échelle privilégiée, même pour un sol donné, où l’on puisse négliger l’hétérogénéité du niveau inférieur et considérer que l’on manie des grandeurs intrinsèques du milieu le caractérisant parfaitement, du moins avec les descripteurs utilisés actuellement. Cet échec provient sans doute en grande partie de la haute non linéarité de l’équation d’écoulement en milieu non saturé, le passage par des paramètres moyens ne permettant pas de représenter la synergie des processus.

Il convient également de ne pas négliger la variabilité temporelle des systèmes étudiés, notamment dans le cas de sols cultivés. Les pratiques agricoles et les événements climatiques qui leur succèdent induisent des modifications significatives des variables d’intérêt (par exemple au niveau de la structure des mottes, de la conductivité hydraulique de la couche labourée, de la porosité de la zone racinaire, ou encore des caractéristiques de la surface).

Une autre difficulté majeure est liée à la diversité des approches possibles pour aborder un sol.

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Les critères énoncés dans ces différents ensembles sont liés, mais ne sont pas strictement équivalents, et la description qu’un pédologue fait d’un sol ne sera pas suffisante pour l’hydrologue (et réciproquement). Ainsi, du point de vue des caractéristiques hydrodynamiques des sols, la variabilité intra-horizon est parfois plus importante que la variabilité entre les caractéristiques moyennes de deux horizons différents pour le pédologue, et qui ne le seront donc pas pour l’hydrologue.

Il n’est de surcroît pas trivial de traduire, par exemple, un « horizon éluvial rédoxique » en une courbe de conductivité hydraulique en fonction de la pression capillaire et les nombreuses données accumulées sur les sols d’un bassin versant ne sont souvent pas exploitables par un membre d’une autre spécialité que celui qui les a acquises, par manque d’outils et de méthodes permettant de passer d’un ensemble de données à l’autre. Ces méthodes sont d’ailleurs peut-être impossibles à construire, au moins dans l’état actuel des connaissances sur les sols, tout comme on ne sait pas pour l’instant passer des caractéristiques physiques des sols à leurs caractéristiques hydrodynamiques.

On se base le plus souvent sur la description pédologique du terrain : d’une part ce sont les études les plus courantes, d’autre part les critères essentiellement visuels ou tactiles utilisés permettent une délimitation « naturelle » des différents développements de profil sur la zone étudiée. Les limites ainsi définies ne sont toutefois pas forcément celles qui sont pertinentes pour l’hydrologue ou l’agronome (dans une moindre mesure). Cette discrétisation est de surcroît forcément arbitraire : la transition entre les différents horizons pédologiques et les différents développements de profil (tant du point de vue de la pédologie que des caractéristiques hydrodynamiques de sols) est le plus souvent éminemment continue, les limites entre les entités de discrétisation étant par là même assez floues.

De surcroît, les méthodes utilisées en pédologie ne permettent guère de rendre compte de la spécificité des sols cultivés, qui se caractérise entre autres, comme on l'a vu, par la présence d’une semelle de labour plus ou moins imperméable, d’un horizon labouré aux propriétés

souvent très contrastées par rapport à celles du reste du profil de sol. Ces sols présentent de plus souvent une variabilité spatiale (traces de roues par exemple) et temporelle (phénomène de battance en surface, tassement de l’horizon cultivé conduisant à une diminution forte de la conductivité hydraulique et de la capacité de rétention en eau) exacerbée par rapport à celles des sols naturels.

II. Objectifs

On s’intéresse ici à la description des sols du point de vue de leur fonctionnement hydrologique, et on se placera aux échelles intermédiaires de la placette pédologique et du transect d’une centaine de mètres de long, qui sont les échelles auxquelles on dispose de données sur le bassin de Naizin, et qui nous semblent le plus adaptées pour appréhender le fonctionnement hydrologique de ce dernier. Il s’agit essentiellement pour la suite de caractériser les différents développements de profil et leur distribution, à une échelle compatible avec la description que l’on veut faire du fonctionnement hydrologique du bassin versant, par l’intermédiaire d’un modèle distribué à base physique (Cf. Partie I, Chapitre 3), c’est à dire en utilisant des mailles de 100 à 1000 m² environ.

On cherche donc à construire :

• d’une part, pour chaque horizon pédologique présent sur le bassin, une courbe de rétention et une courbe de conductivité hydraulique en fonction de la pression capillaire,

• d’autre part une description de la surface du bassin en termes de développements de profils, caractérisés par une succession d’horizons pédologiques, et la profondeur de chaque horizon. (                                           )               $ *                                                 $

On s’attachera toutefois, au niveau de l’exploitation de chaque ensemble de données, à distinguer les informations pouvant expliquer le comportement hydrodynamique des sols étudiés mais qui ne s’expriment pas par le biais des seules caractéristiques hydrodynamiques, somme toute très mathématiques et réductrices.

Cette description sera nécessairement incomplète, compte tenu des difficultés exposées plus haut. Ramener à quelques paramètres un système aussi complexe que la couverture pédologique d’un bassin versant, comme l’impose la mise en œuvre d’un modèle hydrologique, fut-il élaboré, est nécessairement réducteur.

III. Données disponibles

Les sols du bassin du Coët-Dan ont fait l’objet de nombreuses mesures et descriptions ; on dispose notamment :

• d’une carte pédologique (Gourru, 1992) construite suivant la « méthode tarière 4 critères » (Rivière et al., 1989) couramment utilisée en Bretagne, qui décrit un sol par son type de développement de profil, sa couleur, le substrat, le degré d’hydromorphie,

• de l’étude de deux séquences pédologiques situées vers l’aval du sous-bassin de Kervidy, les horizons identifiés dans ce transect ayant fait l’objet de mesures de leurs caractéristiques hydrodynamiques : courbe de rétention en eau, conductivité hydraulique à saturation, sorptivité à différentes succions (Widiatmaka, 1994),

• de la description d’un transect d’une centaine de mètres, situé près du Mercy (Sud-Ouest du sous bassin de Kervidy), en termes de pédologie « classique », de conductivités hydrauliques

mesurées à de faibles succions, et de chroniques de tensiométrie (pendant l’automne 1995 de façon automatique, et à une fréquence bi-hebdomadaire pour le reste de l’année 1995),

• de quelques expériences d’infiltration et de ruissellement sur de faibles surfaces et dans les horizons superficiels, avec de l’eau fortement chargée en bleu de méthylène et/ou en Rhodamine BT, permettant essentiellement de visualiser les écoulements rapides dans de gros pores. +            ,         $ -                 !.                $ /             , .                                                                          $

On verra que les différentes données disponibles sont parfois contradictoires, et que l’extrême variabilité des mesures, pour un même horizon, complique notablement la tâche d’interprétation.

Nous donnons dans les paragraphes qui suivent les résultats bruts des différentes études menées sur les sols du Naizin ; nous reviendrons ensuite sur leur cohérence, les réserves qu’il faudra éventuellement émettre, la synthèse que l’on peut en tirer : les démarches et les protocoles expérimentaux variant avec les auteurs, cela n’aurait guère de sens de présenter ensemble d’emblée les résultats des différents travaux relatifs à un même aspect des sols ; nous préférons en tenter une synthèse à la fin de ce chapitre.