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Le « Street art » : une indispensable clarification d’une appellation

Chapitre 1 Le « Street art » : une forme d’expression artistique répondant au

B. Le « Street art » : une indispensable clarification d’une appellation

Le « Street art », nous l’avons vu, se compose d’une multitude de styles qui, bien qu’ayant de nombreux dénominateurs communs, ne possèdent pas toujours une même finalité. Certains d’entre eux vont par exemple être apposés légalement telles que les œuvres commandées, ou sur différents médiums ou supports ce qui va influer sur leur situation

68 John FEKNER cité dans C. LEWISOHN, Street art. The Graffiti Revolution. Cat. Exp. à

la Tate Modern, Londres, Abrams, 2008, p. 23.

juridique. Il serait donc pertinent de procéder à plusieurs distinctions afin de déterminer les différents styles qui posent réellement un problème. Aujourd’hui, nous l’avons vu, nous regroupons de façon assez simpliste l’ensemble des styles d’arts visuels de rue sous un même terme « fourre- tout »70 : le « Street art ». Cet amalgame n’a aucun impact majeur si l’on reste dans un cadre artistique et est même compréhensible lorsque l’on se penche sur les critères communs et l’évolution corrélative de ces différents styles. Toutefois d’un point de vue juridique cela implique de nombreuses conséquences, impactant la protection de certains travaux de cet art.

Il est donc nécessaire d’établir certaines distinctions. La première à opérer réside dans l’apposition des œuvres. En effet, même si la plupart sont illégalement apposées dans le paysage urbain, beaucoup le sont néanmoins fait de façon légale. Loin des politiques de répression, les mairies d’aujourd’hui sont en effet de plus en plus enclines au dialogue et ont compris que la meilleure façon de gérer cette forme d’expression résidait dans le compromis. Ainsi, de nombreux murs légaux ont commencé à poindre le jour dans le paysage urbain. L’une des premières villes à utiliser cette méthode fut Philadelphie, qui en 1984 développa son

Murals arts program71 offrant des alternatives légales aux adeptes de ce milieu. L’idée fut ensuite reprise à New-York avec le célèbre 5 pointz72, regroupant tous les grands noms du graffiti de l’époque ou encore à Montréal avec son plan de gestion des graffitis de 1996 alliant

70 Ibid.

71 Véronique COLAS, Amine Ali BABIO, Soumaya FREJ et Conseil jeunesse de Montréal,

Les graffitis: une trace à la bonne place? : les jeunes montréalais et le graffiti signé,

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2008, Montréal, p. 26.

sensibilisation et création de murs légaux73. Quelles années plus tard, fort du regain de notoriété généré par l’émergence du street art, de plus en plus d’œuvres se sont vues être commandées par les mairies, promoteurs ou autres particuliers permettant ainsi d’embellir les espaces urbains sans s’exposer aux divers conflits que cet art dans sa forme illégale suppose. De ce fait, bien que comprises sous l’appellation « Street art », les œuvres légales ou commandées régies par des contrats et/ou le droit d’auteur, n’empiètent aucunement sur des règles qui relèvent d’autres branches du droit impliquées par cette forme d’expression. Aux fins de ce mémoire, nous ne traiterons donc pas de ces œuvres de « Street art » puisqu’elles ne semblent générer aucun conflit que le droit des contrats ou le droit d’auteur ne sauraient résoudre.

Ce mémoire a en effet pour objectif de traiter les formes du « Street art » qui entrent potentiellement en conflit avec d’autres branches du droit. De ce fait, comme nous l’avons vu précédemment, les styles dits légaux du « Street art » sont à écarter de notre recherche. Toutefois, sont-ils les seuls à ne pas générer de conflit que le droit ne saurait déjà résoudre ? Parmi les différents styles que le « Street art » illégal englobe, certains semblent refléter l’expression d’une intention artistique, qui pourrait conduire à la reconnaissance d’une protection via le droit d’auteur, tandis que d’autres, ne seraient que l’expression de la volonté de laisser machinalement une trace dans le paysage urbain et, de ce fait, sont exclus d’office de toute protection du droit d’auteur. En effet, ce régime, nous le verrons prochainement, ne saurait accepter sous sa protection, des œuvres qui ne résulteraient que d’une apposition machinale ou dépourvue de toute créativité.

Cette distinction, tout comme la première, ne semblerait alors primordiale que d’un point de vue juridique, en ce sens qu’elle permettrait de distinguer au sein du « Street art » illégal, les formes qui poseraient un réel problème.

Pour qu’il y ait conflit de droits, il apparait évident que cela suppose une opposition entre différents droits. Ainsi, si nous nous penchons sur les critères d’admissibilité requis par le régime de protection des œuvres du droit d’auteur, certains styles du « Street art » pourraient y répondre tandis que les autres ne seraient reconnus par le droit que comme du vandalisme. C’est donc ici que le droit d’auteur fait son entrée dans ce mémoire, puisqu’il permettra de définir quels styles seraient sujets à une protection juridique par ce dernier et de ce fait quelles œuvres pourraient potentiellement se prévaloir de droits face aux autres branches du droit. À contrario, les expressions artistiques ne répondant pas à ces critères ne seraient pas titulaires de droits et de ce fait ne seraient pas la cause de conflits de droits.

Enfin, une ultime distinction est à mettre en lumière quant aux styles compris dans le « Street art » illégal, puisque les médiums, matériaux ou surfaces utilisés auront un impact dans l’appréciation de la sanction encourue par les auteurs. Le droit pénal et les règlements municipaux, nous le verrons dans une prochaine partie traitant les conflits, sanctionnent en effet différemment les œuvres de « Street art » illégal dépendamment de là où elles sont apposées, du support utilisé ou encore de la permanence de l’inscription sur le support. En ce sens une œuvre apposée sur un immeuble privée ou sur un lieu de culte ne sera pas traitée de la même façon, de même qu’une œuvre apposée avec de la peinture versus une inscrite à la craie.

II. Le maintien d’une protection par le droit d’auteur

pour les œuvres de « Street art » illégales

La Loi sur le droit d’auteur 74 confère une protection pour toutes œuvres littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques, à la condition qu’elles soient originales et fixées. Ce régime octroie des droits au titulaire d’une œuvre protégeable lui permettant de s’opposer à quiconque violerait le monopole intellectuel ainsi acquis. Face à la problématique du « Street art » illégal, il est donc nécessaire de déterminer si toutes les créations artistiques qu’il recoupe, correspondent à la définition d’œuvre que le droit d’auteur retient (A), répondant aux conditions d’originalité (B) et de fixation (C) qu’il exige. Le fait de déterminer ce qui est protégeable ou non dans le « Street art » permettrait, au même titre que la distinction entre « Street art » légal et illégal, de préciser les styles qui posent réellement problème.