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L’illégalité du « Street art » : une potentielle entrave à l’exercice du

Chapitre 1 Le « Street art » : une forme d’expression artistique répondant au

C. L’illégalité du « Street art » : une potentielle entrave à l’exercice du

Il est avant tout nécessaire de comprendre que les problématiques liées à l’illégalité en matière de « Street art » ne concernent pas le contenu de l’œuvre mais son apposition sur un support appartenant à autrui et ce, sans son consentement. Il est nécessaire ici de distinguer illicéité interne et externe. Ainsi pour les œuvres de « Street art », il est bien question d’illicéité externe puisque le contenu de l’œuvre n’enfreint aucune

disposition législative. Bien entendu, il est possible qu’une œuvre au contenu contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public puisse soulever des problématiques d’ordre moral, mais la Loi sur le droit d’auteur156, à l’inverse du droit français157, ne fait aucune référence à une quelconque limitation de protection, du fait d’un contenu moralement litigieux.

Ce « vide juridique » dans la Loi sur le droit d’auteur158, n’est toutefois pas dépourvu de sens, puisque sous l’égide de la Charte des droits et

libertés de la personne159, rappelons-le ayant valeur constitutionnelle, le principe de liberté d’expression ne saurait être atténué par une simple mesure législative. De plus, en observant l’évolution du régime des brevets (rattaché au même titre que le droit d’auteur à la propriété intellectuelle), il nous est possible de constater que le législateur canadien s’est rapproché de la vision utilitariste américaine, plus encline à contenter l’innovation en fonction des avantages et désavantages qu’elle comporte, en abrogeant l’article 27(2) de la Loi sur les brevets160 et de ce fait, le caractère d’ordre public lors de l’établissement d’un tel régime de protection161. En ce sens, nous pouvons alors affirmer que, premièrement, si le législateur avait voulu inclure un tel caractère dans la loi sur le droit d’auteur, l’aurait expressément fait à l’image du régime des brevets. Deuxièmement, qu’en l’absence d’une telle précision, nous pouvons en

156 Loi sur le droit d’auteur, supra note 20.

157 Voir en ce sens l’interprétation faite par Nathalie BLANC, « Art subversif et droit

d’auteur », dans Géraldine GOFFAUX CALLEBAUT, Didier GUÉVEL et Jean-Baptiste SEUBE, Droit(s) et street art – De la transgression à l’artification, Édition Lextenso, 2016, p. 66, de l’arrêt TGI Paris, 13 octobre 2000, RIDA, jamv 2003, p 378, Comm com, électr 2002, n°10, comm 126, obs Ch Caron ; Adde CA Paris, 27 sept 2006, Légipresse 2007, III, p 84 et s, note B Gleize.

158 Loi sur le droit d’auteur, supra note 20.

159 Charte des droits et libertés de la personne, supra note 22. 160 Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4.

En ligne : https://www.canlii.org/fr/ca/legis/lois/lrc-1985-c-p-4/derniere/lrc-1985-c-p- 4.html.

161 Maxence RIVOIRE et E. Richard GOLD, « Propriété intellectuelle, Cour suprême du

Canada et droit civil », (2015), 60:3 McGill Law J, p. 417

En ligne : https://www.erudit.org/en/journals/mlj/2015-v60-n3- mlj02036/1032675ar.pdf.

conclure que le contenu d’une œuvre de « Street art » devra suivre les règles que la liberté d’expression consacre, ce que nous n’aborderons pas plus dans cette recherche, puisque ce sujet mériterait un mémoire à lui seul. C’est alors dans l’apposition de l’œuvre que nous retrouverons les éventuelles limitations d’exercice du droit d’auteur.

Une fois encore en nous fondant sur une lecture à contrario de la Loi sur

le droit d’auteur, il appert qu’il n’est nullement fait référence à la légalité

afin de déterminer les œuvres qui pourraient être sujettes à une protection par le droit d’auteur ou non. Le caractère illégal de l’apposition ne semble ainsi pas être pris en compte par cette dernière, bien que visiblement problématique au moment d’exercer les droits rattachés à une œuvre.

Le « Street art » et les styles qu’il englobe, constituent lorsque pratiqués sans accord, une violation d’autres droits reconnus par le législateur, générant par conséquent des conflits tant dans l’application de ces derniers que dans leur exercice. Par exemple, le Code criminel sanctionne toute personne qui « volontairement (…) détruit ou détériore un bien » ou en « empêche, interrompt ou [en] gêne l’emploi, la jouissance (…) légitime »162, et s’oppose en ce sens à l’exercice du droit de paternité de l’auteur163. Ce dernier ne pourra en effet faire valoir son droit moral qu’à la condition de s’exposer à une sanction d’ordre pénal, ce qui pour les artistes les plus célèbres peut ne pas être un frein en raison de la valeur de leur œuvre, mais qui pour les moins reconnus pourrait vite devenir une source de dissuasion. L’illégalité viendrait donc ici limiter les possibilités d’exercice des droits de l’auteur.

162 Code criminel, supra note 46, art 430(1).

163 Loi sur le droit d’auteur, supra note 20, art. 14.1 (1). « (…) le droit, compte tenu des

Il est aussi possible que ce caractère illégal génère des conflits dans l’application de plusieurs droits. En effet, lorsqu’il appose son œuvre sur le bien d’autrui, l’auteur commet non seulement un méfait selon le Code

criminel, mais surtout porte atteinte aux droits reliés à la propriété privée

de ce bien. Il est un principe fondamental de notre société moderne, qui consiste en l’inviolabilité de la demeure164 dans une jouissance paisible et libre de ses biens165. Or, si l’auteur d’une œuvre de « Street art » illégal se voit octroyer des droits afin de protéger cette dernière, ils entreront en conflit avec les droits du propriétaire.

Ainsi, afin de répondre à ces questionnements, nous nous devons de tenir compte des autres branches du droit impliquées malgré elles dans ce guêpier juridique. Le caractère illégal ne pose certes pas de problème pour la détermination d’une protection par le droit d’auteur mais rien n’est moins sûr lorsqu’il s’agit de les faire valoir.

164 Charte des droits et libertés de la personne, supra note 22, art. 7. « La demeure est

inviolable ».

165 Ibid., art. 6. « Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition

Chapitre 2 La pratique : l’exercice d’une