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L’appréciation des attributs reliés au droit de propriété : outil

Chapitre 2 La pratique : l’exercice d’une telle protection limitée par d’autres

A. L’appréciation des attributs reliés au droit de propriété : outil

« Parmi l’ensemble des rapports qu’une personne entretient avec les biens, la propriété demeure le plus complet. Elle consacre le propriétaire maître de la chose objet de son droit. Cette maîtrise lui permet de bénéficier de l’ensemble des avantages qu’est susceptible d’offrir un bien. Ce droit se distingue des autres droits réels par son caractère absolu, exclusif et perpétuel. Le propriétaire a le « plein pouvoir sur la

206 Gordon BALE et John E.c. BRIERLEY, « Droit des biens », (7 février 2006),

Encyclopédie Canadienne, à jour au 5 mars 2014.

En ligne : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/droit-des-biens.

chose » (pleina in re potestas) comme l’a exprimé le droit romain » [Nous soulignons]208.

Comme nous le rappelle ici, le professeur Sylvio Normand, le droit de propriété est un principe fondamental de notre société. D’abord consacré par le Code civil du Bas-Canada209 à l’article 406, il était alors un droit absolu allant quasiment uniquement dans le sens du propriétaire210 et rédigé de la façon suivante : « [l]a propriété est le droit de jouir des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements »211. Cette définition a ensuite évolué avec l’arrivée du Code civil du Québec, qui la réintroduit dans son article 947212 ne faisant désormais plus référence au terme « absolue ». Ce dernier définit la propriété comme étant « le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien »213. Par ailleurs, le législateur québécois persiste à maintenir une limitation du caractère absolu de la propriété et complète sa nouvelle définition en conservant les bornes légales déjà prévues dans le Code du Bas-Canada. L’article 947 se termine alors avec la phrase suivante, « sous réserve des limites et des conditions fixées par la loi »214.

En 1975 ce principe est consacré au rang de droit fondamental par la

Charte des droits et libertés de la personne215 (loi à valeur quasi- constitutionnelle) en son article 6, cependant ici encore, le législateur

208 Sylvio NORMAND, Introduction au droit des biens, 2è éd., coll. « Manuel de l'étudiant

», Montréal, Wilson & Lafleur, 2014, p. 83.

209 Code civil du Bas-Canada.

En ligne : https://www.canlii.org/fr/qc/legis/lois/ccbc/derniere/ccbc.html.

210 Louis PERRET, « L’évolution du Code civil du Bas-Canada ou d’une codification à

l’autre : réflexion sur le Code civil et son effet de codification », (1989), 20:4 Revue

Générale Droit, p. 724.

211 Supra note 210, art. 406.

212 Code civil du Québec, supra note 43, art. 947. 213 Ibid.

214 Ibid.

québécois conservera la direction prise par le Code civil du Québec, à savoir que le droit de propriété est un droit fondamental certes, mais qui peut être limité : « [t]oute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi »216. En ce sens il est possible de voir dans des affaires comme Droit de la

famille - 172129, que les droits reliés à la propriété peuvent être atténués

par d’autres dispositions incombant aussi au propriétaire. En l’espèce ladite propriétaire de par ses obligations de curatrice, s’est vu limiter l’accès à son bien dans certains cas217. Toutefois, comment se traduisent concrètement ses limitations sur les prérogatives conférées par le droit de propriété ?

Ce dernier octroie quatre attributs au propriétaire, le droit d’user, de jouir, de disposer et d’accession. En théorie, ces droits peuvent être exercés de façon absolue par leur titulaire, toutefois en pratique nous venons de le voir, la loi peut intervenir pour les limiter.

Premièrement, le droit d’user (l’usus) permet au propriétaire d’un bien de l’utiliser et de s’en servir comme bon lui semble. Il peut alors, au travers de cette prérogative, déterminer la destination de son bien ou l’usage qu’il souhaite en faire, l’imposant par là même à toute personne dès lors qu’il n’y a pas intention de nuire à autrui. Ainsi, lorsqu’une œuvre de « Street art » est apposée sur un bien, cela ne viendrait porter atteinte à ce droit que d’en l’éventualité où l’apposition, soit modifierait la destination du bien, soit en entraverait l’usage, ce qui apparait difficilement concevable. En effet, à moins que l’œuvre ne soit exprimée en trois dimensions, le

216 Ibid.

217 Droit de la famille — 172129, 2017 QCCS 4133, SOQUIJ AZ-51425486 dans David

HABIB, "Le droit de propriété, un droit absolu ?", (5 octobre 2017), Civil général, Famille et personnes, SOQUIJ.

propriétaire serait toujours en mesure d’user de son bien et d’en conserver la destination. Dès lors, nous pouvons d’ores et déjà affirmer qu’il est compliqué pour un propriétaire de nuire aux droits de l’auteur au travers de son droit d’usus.

Deuxièmement, le droit de jouir (fructus) est la prérogative qui permet à son titulaire de bénéficier des revenus que le bien génère218, lui permettant par exemple de s’opposer à la reproduction de l’image de son bien dans certains cas219. Ainsi, dans l’éventualité où une œuvre est apposée illégalement sur un bien qui n’appartient pas au street artiste, le titulaire du fructus (propriétaire du support sur lequel s’inscrit l’œuvre dans notre hypothèse), est-il en droit de bénéficier des revenus générés par le bien ceci incluant les profits pouvant provenir de l’œuvre ? Pour y répondre, il faudrait préalablement déterminer si la juxtaposition de l’œuvre sur un bien préexistant mène à son incorporation dans ledit bien ou s’ils demeurent deux entités distinctes : le bien originel et le bien émanant de l’œuvre, ce que nous développerons dans la suite de nos propos.

Pour revenir à l’articulation du fructus et du droit d’auteur, nous supposons que le droit de jouir peut-être une source de limitation de l’exercice du droit d’auteur, en ce sens que le propriétaire pourrait s’opposer à la reproduction de l’image de son bien sous certaines conditions. En France avant 2004, cette opposition pouvait être justifiée

218 Code civil du Québec, supra note 43, art. 910.

219 Comité régional de tourisme de Bretagne c. Kerguezec, Cour d'appel de Paris, 7ème

chambre, 12 avril 1995 (J.C.P. 1997-22806, 19 mars 1997, p. 131) et Élise Charpentier, "Entre droits de la personnalité et droit de propriété : cadre juridique pour l'image des choses ?", (2009) 43 R.J.T. 531-558 dans Sylvio NORMAND, Introduction au droit des

avec la simple utilisation commerciale220 de l’image du bien lorsque le propriétaire n’y avait pas consenti221. Toutefois, depuis un revirement jurisprudentiel de la Cour de cassation222, le propriétaire, pour s’opposer à l’utilisation de l’image de son bien, doit maintenant démontrer un trouble anormal223. Ce principe consacré par la jurisprudence française pourrait néanmoins s’appliquer en droit civil québécois, puisque très similaire à législation française. De ce fait, dès lors que l’auteur d’une œuvre de « Street art » souhaiterait commercialiser l’image de l’ensemble dans lequel son œuvre se situe, il pourrait se voir opposer le droit de jouir du propriétaire de l’immeuble si cela venait à générer des troubles anormaux224, limitant par la même l’exercice de ses propres droits. En effet, rappelons-le, l’auteur n’a de droit que sur l’image de son œuvre et non sur l’ensemble dans le lequel il s’inscrit. Aussi dans la situation

220 François CORONE, « De l’image d’une propriété à la propriété de l’image d’un bien »,

(1995), Legicom, p. 36‑40.

En ligne : https://www.cairn.info/revue-legicom-1995-4-page-36.htm.

221 Voir en ce sens Comité régional de tourisme de Bretagne c. Kerguezec, Cour d'appel

de Paris, 7ème chambre, 12 avril 1995 (J.C.P. 1997-22806, 19 mars 1997, p. 131). 222 Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 7 mai 2004, 02-10450, Publié au bulletin.

En ligne :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007048576.

223 Jean-Michel BRUGUIÈRE, « L’exploitation de l’image des biens », (2005), Legicom,

p.13-31. La jurisprudence reste plutôt floue quant à l’appréciation des termes « trouble anormal ». Très utilisés lorsqu’il s’agit de trouble du voisinage, il est cependant compliqué d’en comprendre le sens lorsqu’il s’agit d’utilisation de l’image d’un bien. En ligne : https://www.cairn.info/revue-legicom-2005-2-page-

13.htm?fbclid=IwAR2Y0kF17Iaw6YhxONCr7wENZEb7JrsFQCkkmkgnps9TwESaaDj9zya u5bo.

Voir aussi en ce sens Cour de Cassation, Chambre civile 1, 5 juillet 2005, 02-21.452. Une atteinte pour trouble anormal peut résulter d’une atteinte à la tranquillité ou à l’intimité du propriétaire.

En ligne :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007050084.

224 Nous pouvons ici défendre l’idée, que l’œuvre d’un artiste célèbre pourrait être la

source de convoitise, pouvant entrainer, comme nous l’avons déjà constaté, à l’arrachage d’une partie du mur par exemple. Il semble aussi concevable que l’attroupement du public devant l’œuvre pourrait aussi générer des troubles pour le propriétaire. À tout le moins nous pouvons affirmer que la simple utilisation commerciale à elle seule ne justifie pas suffisamment un trouble anormal. Voir en ce sens Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 31 mars 2015, 13-21300.

En ligne :

inverse, où le propriétaire de l’immeuble souhaiterait commercialiser l’image de son bien, avec la nouvelle œuvre dedans, il se verrait opposer les droits de l’auteur sur l’image de son œuvre.

Troisièmement, le droit de disposer (abusus) est certainement la prérogative qui pourrait générer le plus de conflits avec le droit d’auteur. En effet, ce droit dit résiduaire permet au propriétaire du bien de poser des gestes relatifs à la matérialité de ce dernier225. Il en résulte que le titulaire de l’abusus est en mesure de modifier le bien, d’en disposer ou de l’aliéner à sa guise. Il lui est aussi possible de détruire ce bien, à la condition que cela ne vienne pas mettre en péril la propriété d’autrui, sans quoi il engagerait sa responsabilité226. Ainsi, à l’instar du droit de jouir, si l’apposition de l’œuvre sur le bien du propriétaire mène à l’incorporation de celle-ci en un seul et même bien, cela pourrait-il avoir un impact important quant à l’exercice tant des droits d’auteur que des droits moraux? En effet, si nous suivons cette hypothèse, le propriétaire du bien, serait-il en mesure de modifier l’œuvre (ce qui serait à l’origine d’une atteinte à l’intégrité de l’œuvre) ou de vendre le support de l’œuvre lui appartenant (constituant alors une atteinte aux droits économiques) du seul fait qu’il puisse opposer ses droits à ceux de l’auteur puisqu’il ne ferait qu’exercer les prérogatives qui lui sont dévolues du fait de sa titularité de l’abusus rattaché à son bien?

Cela soulève alors deux questions sous-jacentes, la propriété matérielle de l’œuvre appartient-elle au propriétaire du bien ? Si oui, peut-il de ce fait ignorer le droit d’auteur ? Pour y répondre nous nous attarderons sur

225 S. NORMAND, supra note 208.

226 Saint Louis c. Goulet, [1954] B.R. 191,185 (juge PRATTE) dans S. NORMAND, supra

le quatrième attribut conféré au titulaire du droit de propriété, le droit d’accession.

B. La propriété matérielle de l’œuvre : droit du propriétaire ou droit d’auteur ?

« La propriété du bien donne droit à ce qu’il produit et à ce qui s’y unit, de façon naturelle ou artificielle, dès l’union. Ce droit se nomme l’accession »227. Cela signifie que le droit d’accession (accessio) permet à son titulaire de bénéficier tant du bien en lui-même, que des accessoires qui viendrait s’y incorporer228. Dans le cadre du conflit avec le « Street art », cela reviendrait alors à dire que l’œuvre apposée sur un bien ayant déjà un propriétaire deviendrait par accession la propriété matérielle de ce dernier. Il faut toutefois nuancer ce propos puisqu’il appert qu’en fonction du bien, immeuble ou meuble, cette solution vient à changer. En ce sens, il s’agira alors d’étudier les possibilités issues de l’accession, immobilière (1) dans un premier temps, puis mobilière (2) dans un second temps229.

1. L’accession immobilière

Lorsqu’il s’agit d’un bien immobilier, il est possible, en vertu de l’article 954 du Code civil du Québec, de constater deux types d’accession. Ainsi,

227 Code civil du Québec, supra note 43, art. 948. 228 S. NORMAND, supra note 209.

229 Jean-Baptiste SEUBE, « Street Art et droit des biens », dans Géraline GOFFAUX

CALLEBAUT, Didier GUÉVEL et Jean-Baptiste SEUBE, Droit(s) et street art – De la

transgression à l’artification, Édition Lextenso, 2016, p.55. « Aujourd’hui, le droit

français des biens impose de distinguer selon que l’œuvre est apposée sur un meuble ou un immeuble. Ainsi, même si l’artiste ne s’en rend pas compte, la question de l’appropriation de son œuvre ne sera pas du tout réglée de la même façon selon qu’il l’applique sur un meuble (comme un panneau de signalisation) ou un immeuble. »

« [l]’accession à un immeuble d’un bien meuble ou immeuble peut être volontaire ou indépendante de toute volonté. Dans le premier cas, l’accession est artificielle; dans le second, elle est naturelle »230.

Puisque l’accession naturelle ne résulte pas de la volonté d’une personne, mais d’un événement naturel (alluvions231, formation d’île232, nouveau bras de rivière233) il est improbable qu’une œuvre de « Street art » soit rattachée à un bien immeuble suivant ce type d’accession. De ce fait, nous l’écartons de notre réflexion. À l’inverse, l’accession artificielle est bien le fruit de la volonté d’une personne et à ce titre mérite que notre attention s’y porte.

L’article 955 du Code civil234 introduit une présomption à l’avantage du propriétaire, qui est présumé être celui à l’origine des « constructions, ouvrages ou plantations » réalisés sur son immeuble. Ainsi, à partir du moment où certaines modifications sont faites sur son bien, il en deviendrait le propriétaire. Toutefois, une œuvre de « Street art » correspond-elle réellement aux notions de construction ou d’ouvrage ? (Il n’est pas nécessaire de préciser qu’il ne s’agit pas d’une plantation). Bien qu’il n’y ait pas de définition légale d’une « construction », la jurisprudence semble toutefois en dessiner les contours. D’abord dans

Springman v. The Queen235, la Cour suprême du Canada la définit comme

230 Code civil du Québec, supra note 43, art. 954.

231 Ibid., art. 965. « L’alluvion profite au propriétaire riverain ».

232 Ibid., art. 968. « Les îles qui se forment dans le lit d’un cours d’eau appartiennent au

propriétaire du lit ».

233 Ibid., art. 969. « Si un cours d’eau, en formant un bras nouveau, coupe un fonds

riverain et en fait une île, le propriétaire du fonds riverain conserve la propriété de l’île ainsi formée ».

234 Ibid., art. 955. « Les constructions, ouvrages ou plantations sur un immeuble sont

présumés avoir été faits par le propriétaire, à ses frais, et lui appartenir ».

235 Springman v. The Queen, [1964] SCR 267, CanLII 69 (SCC), p. 273 dans OVE Décors

ULC, 2019 Tribunal canadien du commerce extérieur, par. 29. Dans « [u]ne construction,

quelque chose qui est construit de façon permanente et aux grandes dimensions. Par la suite, le Tribunal canadien du commerce extérieur va préciser cette définition dans OVE Décors ULC, nous permettant alors de déterminer si une œuvre de « Street art » correspond ou non à une construction. Ainsi, en ajoutant le critère qu’une construction « doit avoir la capacité de supporter quelque chose d’autre »236, le Tribunal écarte (sans le savoir) les œuvres de « Street art » de cette notion. En effet, même en admettant que ces créations artistiques soient « construites » de façon permanente et aux dimensions demandées, il apparait peu probable qu’elles soient sujettes à supporter quelque chose d’autre et de ce fait qu’elles soient considérées comme des constructions.

Concernant la notion d’ouvrage, il est encore difficile d’établir une interprétation précise de ce terme, puisque ni le Code civil, ni la jurisprudence n’en fixent les contours. Le législateur n’établissant pas de liste exhaustive quant à ce qu’inclue la notion d’ouvrage en son article 955, nous laisse libre, en l’espèce, de considérer le « Street art » comme tel. De plus, en nous appuyant sur l’étymologie latine du mot ouvrage, qui renvoie au terme « d’œuvre », nous supposons que la notion comprise dans cet article, renvoie possiblement à tous types d’ouvrages, qu’ils résultent du travail d’un artisan ou d’un artiste. De ce fait, les œuvres de « Street art » seraient alors incluses dans le champ d’application de l’article 955 du Code civil. Ces dernières, ainsi comprises parmi les améliorations pouvant mener à une accession artificielle, seraient alors présumément la possession matérielle du propriétaire de l’immeuble.

constructions. (…) Une construction, c’est une chose de grandes dimensions, construite à partir de pièces distinctes et destinées à demeurer en permanence sur des fondations permanentes, mais c’est une construction même si certaines de ses parties constituantes peuvent être déplacées ».

Cependant comme nous le rappelle le professeur Sylvio Normand237, cet article ne prévoit qu’une présomption simple238 pouvant être renversée par toute preuve contraire239. De ce fait, nous nous interrogeons quant à l’hypothèse où l’auteur d’une œuvre de « Street art » illégale invoquerait la présomption de l’article 13(1) de la Loi sur le droit d’auteur pour contrer celle de l’article 955 du Code civil. L’une peut-elle prendre le dessus sur l’autre ? Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de répondre avec certitude à cette interrogation et supposons alors que puisqu’il s’agit de deux présomptions simples, chacune peut être renversée, laissant les tribunaux seuls maîtres de trancher selon le cas d’espèce.

Finalement, même dans l’éventualité où un tribunal trancherait en faveur du propriétaire du bien immeuble, cela ne lui octroierait que la propriétaire matérielle de l’œuvre et non la titularité des droits d’auteur. De ce fait, bien que le propriétaire de l’immeuble soit, dans cette hypothèse, en possession de l’œuvre, serait-il quand même tenu de respecter les droits de l’auteur au même titre que le titulaire d’un tableau ou d’une sculpture? Pour répondre à cette interrogation il faudrait réussir à établir, comme pour le droit criminel ou les règlements municipaux, une hiérarchie nous permettant de prendre parti pour l’un de ces deux acteurs en jeu. Toutefois nous aborderons le sujet seulement après avoir traité de l’accession mobilière.

2. L’accession mobilière

L’approche utilisée par le législateur concernant l’accession de biens meubles diffère totalement de celle des biens immeubles. En effet, alors

237 S. NORMAND, supra note 208, p. 94. 238 Code civil du Québec, supra note 43. 239 Ibid.

que pour les seconds, l’adage « l’accessoire suit le principal » semble maitre, pour les premiers rien n’est moins sûr.

L’accession mobilière est l’outil permettant l’éventuelle résolution d’un conflit qui surviendrait entre deux biens meubles distincts qui n’en formeraient plus qu’un. Dans ce cas d’espèce, deux propriétaires s’opposent afin de déterminer à qui revient la propriété du nouveau bien240. Le législateur va se fonder sur l’équité pour solutionner le problème et attribuera le nouveau bien, lorsqu’une séparation est impossible241, « à celui des propriétaires qui a contribué davantage à sa constitution, par la valeur du bien initial ou par son travail »242. De ce fait, la titularité de la propriété d’un bien meuble n’apparait pas aussi immuable que pour celle d’un bien immeuble.

Le propriétaire du bien original peut ainsi se faire retirer la propriété de son bien si sa valeur initiale est inférieure à celle du travail effectué ou, comme le précise l’article 972 du Code civil pour les matières, à celle de la transformation réalisée243. Dans tous les autres cas qui ne sont pas prévus par les deux précédents articles, le principe de l’équité viendra à s’appliquer244. Dès lors, dans le cadre du « Street art », l’appréciation des conditions d’apposition de l’œuvre aura une importance capitale.

240 Ibid., art. 971. « Lorsque des meubles appartenant à plusieurs propriétaires ont été

mélangés ou unis de telle sorte qu’il n’est plus possible de les séparer sans détérioration ou sans un travail et des frais excessifs, le nouveau bien appartient à celui des