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SECTION II- Les protagonistes du processus d’investissement: les entreprises multinationales et les Etats

A. Les entreprises multinationales

2. L’impact des stratégies menées par les multinationales sur les accords d’investissements

2.2 Les stratégies productives

La rationalité des stratégies productives réside dans la réduction des coûts de production par des filiales nationales spécialisées qui travaillent pour un espace régional qui englobe plusieurs pays289. Sous

cette forme d’organisation on assiste à une intensification des flux commerciaux internationaux, importations et exportations, liés aux activités des entreprises multinationales. Le choix des productions effectués localement par les multinationales accentue la spécialisation des pays d’implantation. Cependant, la prééminence de l’implantation des entreprises multinationales peut conduire à des choix de

288 WITHERELL H. – op.cit.p.18

spécialisation qui sont contraires à ceux qu’auraient pris les pouvoirs publics locaux.

L’entreprise multinationale sélectionne ses pays d’implantation et les activités à mener en fonction de leurs avantages spécifiques, au moment de la décision, et son intérêt est de maintenir ces avantages le plus longtemps possible. Dans le cas contraire, il y a un risque important qu’elle remette en cause son implantation.

Vue la prolifération sans précèdent pendant les années 70 et 80 du nombre d’entreprises multinationales dans le contexte de l’internationalisation croissante de la production, l’attention s’est portée sur la montée en puissance des entreprises multinationales, leur rôle dans l’économie mondiale et leur impact sur les économies nationales.

Ce phénomène suscita de vives controverses : « panacées pour certains, démoniaques pour d’autres, les entreprises multinationales, pour la majorité de l’opinion, étaient assimilées aux entreprises américaines, même si cela n’était pas entièrement vrai à l’époque290 ».

Dans ce contexte de vive hostilité à l’encontre des multinationales et des investissements étrangers, les pays membres de l’OCDE ont entrepris de formuler un ensemble de normes applicables aux entreprises multinationales. Ainsi, a été négociée et adoptée en juin 1976 la Déclaration sur l’investissement international et les entreprises

multinationales, qui comprend des décisions spécifiques sur les Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales, sur le

traitement national et sur les stimulants et obstacles à l’investissement international291.

290 FATOUROS A. – « Les principes directeurs de l’OCDE dans un monde en voie de mondialisation », OCDE, 1999, DAFE/IME/RD(99)3, p.4

291 OCDE – Expérience de la mise en œuvre des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Paris, 1998, DAFE/IME(98)15

Ce Code de bonne conduite à l’intention des multinationales, « énonçait, en termes de principes directeurs leurs droits et leurs obligations pour l’ensemble de leurs activités, dont le respect était volontaire : désormais, les entreprises multinationales devaient se comporter comme de bonnes citoyennes dans leurs pays d’accueil292 ».

Cette Déclaration « est probablement le plus connu des instruments de

l’OCDE en matière d’investissement293 ». Elle est constituée d’un

préambule et de six articles, et elle revêt plutôt un caractère politique dans la mesure où elle constitue la manifestation de « l’engagement politique des membres de l’OCDE de coopérer sur un certain nombre de questions dans le domaine de l’investissement294 ».

Les Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales sont « des recommandations adressées conjointement par les pays membres aux entreprises multinationales qui opèrent sur leur territoire295 ».

Même s’ils n’ont pas un caractère contraignant, les gouvernements des pays membres de l’OCDE s’engagent à promouvoir le respect de ces principes directeurs. Dans le même temps, ils constituent des normes permettant aux entreprises multinationales de mettre leurs activités en harmonie avec la politique nationale du pays d’accueil296. Les entreprises doivent en substance « tenir pleinement

compte des objectifs économiques et sociaux du pays d’accueil ; observer une transparence quant aux activités des entités s’implantant ; favoriser une coopération étroite avec la communauté et les milieux d’affaires locaux ; éviter toute forme de discrimination, et surtout observer une certaine neutralité politique qui passe par l’absence de corruption297 ».

292 DELAPIERRE M. ; MILELLI C. – op.cit.p.147 293 WITHERELL H. – op.cit.p.18

294 OCDE (1996) – op.cit.p.28

295 OCDE – Les Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales, Paris, 1997, Doc.OCDE/GD(97)40

296 OCDE (1996) – op.cit.p.29 297 OCDE (1997) – op.cit.p.34

Ainsi, les Principes directeurs constituent une norme volontaire supplémentaire en vue d’un comportement responsable des entreprises conforme aux lois qui s’appliquent là où elles exercent leurs activités : « Ils expriment les attentes communes des gouvernements qui y souscrivent quant au comportement des entreprises et ont valeur de référence pour les entreprises qui élaborent leur propre code de conduite298 ». Les principes directeurs soulignent l’idée de la conformité

au droit national et la soumission aux autorités nationales, en appelant à une attitude loyale à l’égard des intérêts des pays d’accueil299.

Dans le deuxième article est abordé le traitement national, en mentionnant les exceptions telles que l’ordre et la sécurité publique, et le traitement accordé doit correspondre aux normes du droit international. En outre, il est recommandé aux pays de l’OCDE de s’ouvrir et d’étendre le traitement national à d’autres pays. Il est précisé aussi dans le troisième article concernant les obligations contradictoires, qu’il faudrait éviter leur imposition aux entreprises multinationales.

Ces « Principes directeurs » ont été très utiles aux entreprises multinationales dans leur confrontation avec les pays d’accueil. A l’heure de leur apparition, tous les Codes de conduite négociés aux Nations Unies, à l’initiative des pays en développement reposaient principalement sur l’idée d’un conflit inégal entre des entreprises toutes puissantes et des gouvernements sans moyens. De ce fait, les Codes devaient donner aux gouvernements la possibilité de contrôle sur les activités des multinationales afin de faire prévaloir leurs politiques nationales.

Par contre, les principes directeurs de l’OCDE correspondaient à un point de vue plus traditionnel, selon lequel, en effet, entre les deux

298 OCDE – Conférence de l’OCDE sur « Le rôle de l’investissement, les responsabilités des entreprises et les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales », Paris, septembre 1999, p.5

partenaires, le plus puissant était le gouvernement : « Les Principes directeurs visaient uniquement à rétablir un équilibre préexistant et présupposé entre les deux acteurs dans la mesure où cet équilibre avait subi les effets des moyens particuliers des entreprises multinationales, tout en évitant toute interférence indue avec les intérêts légitimes des entreprises300 ».

En ce qui concerne le caractère de « recommandations » des principes directeurs pour les multinationales, il a joué un rôle plutôt positif. Les organes de l’OCDE et les organes nationaux chargés de leur application ont ainsi pu disposer d’une plus grande latitude pour leur interprétation et leur application : « En réalité, durant les premières années, l’absence de caractère obligatoire a plutôt renforcé qu’affaibli l’efficacité des Principes directeurs301 ». Au vu de leur succès et de leur

influence, on peut affirmer que l’existence de procédures d’application et d’un mécanisme institutionnel associés à une soft law est en fin de compte plus importante que la nature juridique d’un instrument, dès lors qu’il y a volonté de l’utiliser efficacement.

Il faut souligner que l’existence d’entreprises multinationales correspondait à une stratégie destinée à surmonter les incertitudes de l’investissement international, et à « la nécessité d’avoir des règles au niveau international a confirmé le besoin d’avoir des normes internes équivalentes302 ».

De plus en plus souvent à notre époque, les lois nationales reflètent les pressions exercées par le droit international, et de la même manière, les entreprises adoptent des Codes internes de conduite. Ces codes internes volontaires permettent aux entreprises de s’organiser efficacement. Ayant pris beaucoup plus d’importance ces dernières années, ils s’insèrent ainsi « dans une action de plus large envergure

300 FATOUROS A. – op.cit.p.6 301 OCDE (1999) – op.cit.p.4 302 WÄLDE W.T. – op.cit.p.29

menée par un grand nombre d’entreprises multinationales pour améliorer leurs normes d’éthique à l’échelle mondiale303 ».

Les Codes de conduite sont aussi « une réponse aux influences juridiques externes et aux pressions, comme en matière de lutte contre la corruption, de protection de l’environnement ou au travers d’instruments contraignants, ou pas, dans le domaine de la responsabilité des entreprises et des droits de l’homme304 ».

Sans avoir un caractère juridique contraignant, les Codes de conduite montrent que l’entreprise « consciente de sa responsabilité sociale, est prête à être jugée en fonction de sa performance305 ». Ces

instruments sont l’expression « des intentions des dirigeants des entreprises pour contrôler les opérations de leurs filiales, confrontées à la tension entre les règles de l’entreprise et les pressions liées au contexte du pays spécifique306 ».