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L’évolution des traités bilatéraux dans le temps

Les traités bilatéraux d’investissements ne sont pas les premiers traités bilatéraux pour assurer la protection des investissements étrangers.

A partir de la fin de 18ème siècle, les Etats-Unis et, dans une moindre mesure, le Japon et quelques autres pays de l’Europe occidentale, ont conclus une série de traités, connue sous le nom de « Traités d'amitié, de commerce et de navigation » (FCN), ou de « Traités d'établissement » ou encore de « Traités d'amitié et de commerce ». Ils prévoyaient différentes clauses sur la protection de la propriété, et plus particulièrement des restrictions sur le droit d’expropriation du pays d'accueil.

4 CNUCED – Report of the Expert Meeting on Existing Agreements on Investment and their Development Dimensions, Genève, 1997b, p.8

5 JUILLARD P. – « Les conventions bilatérales d’investissement conclues par la France», JDI, 1979, p.275

Les principales différences observées entre les Traités d’Amitié (FCN) et les Traités bilatéraux d’investissements pourraient être partagées en deux grandes catégories :

• Les traités d’amitié faisaient référence à de nombreux

domaines, autres que les investissements, comme par exemple le commerce, les relations consulaires et maritimes ;

• En général les traités d’investissements ont été conclus

principalement entre les pays développés et en développement, tandis que les traités d’amitié étaient aussi conclus et entre pays développés, comme par exemple entre les Etats-Unis et des pays d'Europe6.

Un nombre signifiant de ces traités d’amitié demeure encore en vigueur. Avec les pays en développement, les Etats-Unis ont conclu un peu plus de 30 traités d’amitié, bien que la plupart d’entre eux n’aient jamais eu d’effet, comme en témoigner la large bibliographie qui leur a été consacrée au cours des années 19507.

Après la Seconde Guerre mondiale, avec la mise en place du système commercial multilatéral sous les auspices de l'Accord général pour les tarifs et le de commerce (GATT), les accords commerciaux bilatéraux ont perdu de l’importance et leur objectif majeur était la protection des investissements. En outre, les Etats-Unis ont commencé à mettre en œuvre à cette époque un programme d'assurance contre les risques politiques, qui faisait partie du plan Marshall d’assistance à l’Europe.

Pendant les décennies suivantes, d'autres pays ont développé des programmes similaires pour assurer l'investissement dans les pays en développement. Dans le cadre de ces programmes, les pays d'origine

6 FATOUROS A. – « International law and the internationalized contract », American Journal of International Law, 1980, vol.74, p.136

7 WILSON R. – « Post-war commercial treaties of the United States », American Journal of International Law, 1949, vol.43, p.265; WALKER H. – « Modern Treaties of Friendship, Commerce and Navigation », Minnesota Law Review, 1958, vol.42, p.805- 824

assuraient les investissements de leurs nationaux à l’étranger contre certains risques non commerciaux, tels que l'expropriation ou les restrictions de transfert des devises8. Certains pays, notamment les

Etats-Unis, ont initié aussi une série d'accords de garantie d'investissements en vue de faciliter l'exécution de leurs programmes d'assurance contre les risques politiques9.

Les premiers accords en ce sens ont été conclus en 1959. La République Fédérale d'Allemagne a été le pays qui à négocié les deux premiers traités bilatéraux d’investissements avec le Pakistan et la République Dominicaine, suivie aussitôt, pendant les années 1960, dans l'ordre chronologique, par la France, la Suisse, la Hollande, l'Italie, la Belgique, le Luxembourg, la Suède, le Danemark, et la Norvège10.

Dans les traités bilatéraux d’investissements conclus par les pays d’Europe pendant les premières années de la décennie ont été incluses plusieurs des dispositions qui apparaissaient dans les traités d’amitié et les accords pour la garantie des investissements. À la différence des ceux derniers, cependant, ils étaient entièrement ciblés sur la

protection de l’investissement11. La plupart des premiers traités

bilatéraux d’investissements a été conclue entre les pays de l’Europe de l’Ouest et les pays d’Afrique. Ainsi, 26 pays africains ont conclu des traités bilatéraux d’investissements dans les années 60, et seulement 10 pays asiatiques durant la même période. Les pays latino-américains, adhérant à la doctrine Calvo, étaient plus réservés, avec seulement deux pays concluant des traités bilatéraux d’investissements dans les années 60. Le nombre total des traités bilatéraux d’investissements

8 FATOUROS A. – Government Guarantees to Foreign Investors, Columbia University Press, 1962

9 WALKER H. – « Treaties for the encouragement and protection of foreign investment: present United States practice », American Journal of Comparative Law, 1956, vol.5, p.231

10 UNCTC-International Chamber of Commerce – Bilateral Investment Treaties 1959- 1991, United nations Publications, 1992

11 VOSS J. – « The Protection and promotion of European private investment in developing countries : an approach towards a concept for an European policy on foreign investments », Common Market Law Review, 1981, vol.18 p.364

signés entre 1959 et 1969 a été de 75, dont 72 conclus par les pays développés12.

La négociation des traités bilatéraux d’investissements a connu une nouvelle impulsion dans les années 1970. Comme déjà mentionné, pendant cette période, les pays en développement militaient activement pour la promotion des instruments multilatéraux relatifs aux investissements, en relation directe avec le concept du « nouvel ordre économique international », en accentuant la nécessité du contrôle des entreprises multinationales par les pays d’accueil. Cela ne les a pas empêchés de conclure des traités bilatéraux d’investissements, dont beaucoup contenaient des clauses énonçant des principes auxquels ils se sont opposés dans les forums multilatéraux, comme c’était le cas pour les normes relatives à la compensation des expropriations13.

En d'autres termes, les pays en développement manifestaient contre certains principes et normes lorsque ceux-ci étaient promus comme normes du droit international général, mais d’un point de vue pragmatique, en vue d’attirer les investissements directs étrangers, ils étaient prêts à accepter les mêmes normes en tant que lex specialis dans le contexte des relations bilatérales spéciales créées par les traités bilatéraux d’investissements14.

Parmi les pays développés, l'Autriche, Israël, le Japon et le Royaume-Uni ont signés leurs premiers traités bilatéraux d’investissements pendant les années 197015.

Les premiers pays en développement ayant conclu leurs premiers traités bilatéraux d’investissements pendant cette décennie étaient Haïti, la Jordanie, le Kenya, le Mali, Singapour et le Yémen. Dans les autres régions du globe, en Europe centrale et orientale, quelques pays

12 CNUCED – base des donnés sur les TBI

13 FOIGHEL I. – Nationalization and Compensation, Stevens Publisher, London, 1964 14 CNUCED (1999) – op.cit.p.9

comme la Roumanie et la Yougoslavie, ont signé leur premier traité bilatéral d’investissement à la même époque16.

Jusqu’au début des années 1980, les pays en développement comptaient fortement sur les prêts externes pour financer leurs besoins de développement. Mais le début de la crise de la dette et la diminution marquée des crédits alloués par les banques commerciales ont fait émerger une autre option pour le financement de leur développement qui consistait à attirer et à retenir les investissements étrangers sur leur territoire17.

En même temps, les expériences des différents pays ont amené un nombre croissant de pays en développement à reconnaître les effets positifs des investissements directs étrangers pour le développement. En conséquence, nombre d’entre eux qui n'avaient pas conclu des traités bilatéraux d’investissements auparavant, comme le Bangladesh, la Chine, le Ghana, la Guyane, ont adopté cette pratique pour attirer les investissements directs étrangers. La Chine a conclu son premier traité bilatéral pour les investissements en 1982 et a poursuivi une pratique assidue en la matière, en signant 25 traités vers la fin des années 198018.

Le nombre total des traités signés vers la fin des années 80 a grimpé de 167, à un total de 386, avec 322 traités signés par les pays développés19.

La plupart des pays l’Amérique latine n'avait pas été traditionnellement impliquée dans la conclusion des traités bilatéraux d’investissements. Comme nous l’avons remarqué précédemment, cette

16 UNCTC-International Chamber of Commerce – op.cit.p.22 17 FATOUROS A. (1962) – op.cit.p.31

18 CNUCED (1999) – op.cit.p.9

situation était due principalement à la doctrine Calvo appliquée par ces pays pour le traitement des investissements directs étrangers20.

D'autre part, les Etats-Unis - la source principale d’investissements directs étrangers de la région – ont signé des accords de garantie avec la plupart des pays l’Amérique latine, comme un complément à l'assurance contre les risques politiques, accordés par la Corporation privée d’investissements outre-mer (Overseas Private Investment Corporation)21. Avec le temps, les pays de la région ont

modéré leur opposition aux traités bilatéraux d’investissements. En fait, depuis les années 80, les pays de l’Amérique latine ont activement poursuivi des négociations en vue de conclure des traités bilatéraux d’investissements également conçus comme mécanisme d’attraction des investissements directs étrangers22.

Comme il a été mentionné ci-dessus, au début les traités bilatéraux d’investissements ont été conclus principalement entre les pays développés et les pays en développement. D’une manière générale, le pays développé préparait un traité type qu'il proposait par la suite dans les négociations avec différents pays en développement. En outre, un pays préparant un traité type bâtissait souvent le texte sur des modèles déjà utilisés par d'autres pays. Ainsi, ces modèles ont-ils tracé la voie au projet de 1967 de « Convention pour la protection de la propriété étrangère », qui a été préparée et adoptée par l'OCDE mais qui n’a jamais été ouverte à la signature 23.

En conséquence, les modèles préparés par les pays développés étaient souvent tout à fait semblables voir identiques sous plusieurs aspects. Cependant, il y avait des différences fondamentales entre, par

20 Organization of American States (OAS) - Investment Agreements in the Western Hemisphere : A Compendium, Washington, 1997, p.15

21 VANDEVELDE K. – United States Investment treaties: Policy and Practice, Kluwer Publisher, 1992, p.12

22 OAS – op.cit.p.15

23 OCDE – Council Resolution of 12 October 1967 on the Draft Convention on the Protection of Foreign Property, International Legal Materials, vol7, p.119

exemple, le modèle de traité des Etats-Unis et celui des pays européens, surtout en ce qui concerne des éléments tels que l'admission de l'investissement, l’obligation de résultats, et le recrutement du personnel de base. Les pays en développement ont également élaboré leurs propres modèles, les meilleurs exemples étant ceux qui ont été développés par le Chili, la Chine, auxquels il convient d’ajouter les trois modèles proposés par le Comité Légal Consultatif Afrique-Asie (AALCC modèle A, B et C)24.

Pendant les années 1990 le nombre des traités bilatéraux d’investissements a augmenté considérablement. Vers la fin de l’année 1996 il y avait un total de 1.332 traités, parmi lesquels 824 étaient des traités conclus par les pays développés avec d'autres pays. On constate donc une augmentation marquée par rapport aux 322 traités conclus jusqu’à la fin des années 80.

Le nombre des traités bilatéraux d’investissements conclus entre les pays en développement et les économies en transition a également augmenté pendant les années 90, de 64 traités signés à la fin des années 80, à 508 à la fin de l’année 199625. Depuis la fin des années

1980, les pays en transition, y compris ceux qui ont émergé en tant qu'Etats indépendants après la dissolution de l'Union Soviétique, ont également rapidement étendu leur réseau de traités bilatéraux d’investissements avec les pays développés. Actuellement 162 pays et territoires de toutes les régions ont conclu au moins un traité bilatéral d’investissement26.

Un autre phénomène intéressant dans la pratique des années 1990, réside dans le nombre croissant des traités bilatéraux d’investissements conclus entre pays en développement, et habituellement entre les pays d’une même région. On assiste à un

24 CNUCED (1999) – op.cit.p.10

25 CNUCED – Base des données sur les TBIs 26 CNUCED (1999) – op.cit.p.10

changement de statut de certains pays, jusque là exclusivement pays fournisseurs d’investissements, devenant pays d’accueil, l’inverse pouvant également se constater27.

La large utilisation pendant ces dernières années des traités bilatéraux d’investissements entre les pays de toutes les régions du monde a été stimulée par des nombreux facteurs. Le mouvement vers l’économie de marché dans les pays autrefois socialistes de l'Europe centrale et de l’Est, a contribué à souligner l’importance du développement du secteur privé pour la croissance et le développement économique d’un pays.

Les diminutions des aides extérieures ont mis l'accent sur la nécessité de créer des conditions favorables pour attirer l'investissement privé dans les pays en développement. Ces derniers ont commencé également à identifier les investissements directs étrangers comme une source de croissance économique, de nouvelles technologies, d'accès aux nouveaux marchés, et ils ont pris des mesures pour attirer les investisseurs28. Aujourd’hui, pratiquement tous les pays reconnaissent

l'importance des investissements directs étrangers et ils sont fréquemment en concurrence pour attirer des projets d'investissements.

Tous ces facteurs conduisent à conclure que les pays développés et pays en développement, ainsi que ceux qui sont en transition, ont un intérêt commun pour garantir la protection légale des investissements directs étrangers. En d'autres termes, les différences idéologiques ont été gommées au profit d’attitudes encore plus pragmatiques29.

Dans ce contexte, les arguments antérieurs selon lesquels les traités bilatéraux d’investissements étaient favorables uniquement aux

27 OCDE – Intergovernmental Agreements Relating to Investment in Developing Countries, Paris, 1985, p.11

28 OCDE (1985) – op.cit.p.13

29 SORNARAJAH M. – The International Law on Foreign Investment, Cambridge University Press, 1994

pays exportateurs de capital, devenaient moins prégnants, et les pays en développement ont réalisé des efforts considérables en vue de créer des conditions favorables pour attirer les investissements directs étrangers30.

La période des années 90 recèle, selon les statistiques CNUCED, quelques éléments significatifs en matière de traités bilatéraux d’investissements:

• Le plus grand nombre de traités a été conclu par les pays de l’Europe de l’Ouest, reflétant leur statut traditionnel de pays exportateurs de capital ;

• Parmi ces pays, l’Allemagne est le pays qui a conclu le plus de traités, suivi par le Royaume-Uni et la Suisse ;

• L’Afrique a été une des régions en développement les plus actives du monde en la matière;

• Le Japon, malgré l’importance de son investissement extérieur dans les pays asiatiques développés ou en développement, a conclu seulement 4 traités jusqu'en 1996 ;

• Les Etats-Unis, le plus grand investisseur extérieur, se situe très loin dans le classement, avec seulement 39 traités conclus ;

• Parmi les pays importateurs de capital, la Roumanie occupe la première place au regard du nombre de traités conclus, après l’Allemagne et le Royaume-Uni, et avant la Suisse, avec 82 traités. Elle est suivie par la Chine (80 traités) et la Pologne (58 traités) ;

• Les pays africains continuent à conclure des traités, mais dans un rythme plus lent que dans les décennies précédentes. Jusqu'en 1996, environ 45 pays d’Afrique avaient au moins un traité. Sur le continent ils ont conclu 284 traités, dont 17 entre les pays de la région.

• Un nombre important des pays en développement de l’Asie du Sud, du Sud-Est et du Pacifique ne sont devenus que récemment plus

30 UNCTC – Government Policies and Foreign Investment, United Nations Publications, 1991

actifs pour conclure des traités bilatéraux d’investissements31. Des pays

comme la Cambodge et l'Inde ont commencé seulement dans les années 1990 à signer de tels traités. Actuellement, environ 33 pays de la région ont conclu un total de 567 traités. Les traités bilatéraux d’investissements entre les pays de la région sont également en augmentation, avec 74 traités conclus jusqu'ici ;

• Les pays en développement de l'Asie occidentale ont

commencé à conclure des traités bilatéraux d’investissements très tôt, au début des années 60 et ont continué pendant les décennies suivantes, mais pas en grand nombre ;

• Les pays arabes sont signataires d’un nombre important d’accords régionaux pour la protection et la promotion de l'investissement entre pays de la région, dont certains sont d’importants exportateurs de capital. Toutefois ces pays ont aussi signé des traités bilatéraux d’investissements avec d'autres pays en développement de la région et de l’Afrique du nord ;

• Les pays de l’Amérique latine sont de plus en plus nombreux à signer des traités bilatéraux d’investissements depuis les années 1990. Actuellement, 21 d’entre eux ont conclu au moins un traité, et l’ensemble de la région totalise 264 traités ;

• La plupart des pays des Caraïbes sont devenus actifs dans les négociations des traités bilatéraux d’investissements seulement depuis les années 80, malgré le fait que le premier traité a été signé par la République Dominicaine avec l'Allemagne en 1959. Au total, 34 traités ont signés;

• Depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990, les pays de l’Europe centrale et orientale ont commencé, en grand nombre, à conclure des traités bilatéraux d’investissements avec les pays développés. Jusqu’en 1996, tous les pays en transition avaient conclu 669 traités, dont 104 entre eux, et 205 avec des pays en développement32.

31 UNCTC-International Chamber of Commerce – Bilateral Investment Treaties 1959- 1991, United nations Publications, 1992

En conséquence, il résulte que, tout en laissant de côté les investissements entre les pays membres de l’OCDE, une partie substantielle des flux n'est pas couverte par des traités bilatéraux d’investissements. Par exemple, bien que les Etats-Unis soient un investisseur important en Chine, jusqu'à présent il n'y existe aucun traité bilatéral d'investissement signé entre ces deux pays.

Ainsi, « on assiste à une généralisation de la signature des traits

bilatéraux dans toutes les régions du monde » 33, mais malgré

l'augmentation rapide du nombre des traités conclus, le réseau des traités bilatéraux entre les pays des toutes les régions du monde est loin de d’être complet. D’après les estimations de la CNUCED, « si chaque pays ou économie du monde concluait un traité bilatéral avec chaque autre pays, le nombre des traités serait d’environ 20.00034 ».

Cependant, il faut différencier les pays à grands réseaux de ceux qui n’en ont pas, et aussi distinguer les pays jouissant d’un très haut degré de protection et de libéralisation des investissements, malgré un nombre réduit d’accords signés35.

Toutefois, tous les pays à grands réseaux n’ont pas un degré exceptionnel de libéralisation et de protection des investissements, contrairement aux Etats-Unis qui est l’un des rares pays à avoir « un modèle de convention assurant à ses ressortissants une liberté totale36 ».

33 CNUCED (1997b) – op.cit.p.6

34 CNUCED – International Investment Agreements: A Compendium, vol.II, 1996

35 L’Allemagne (99), la Grande-Bretagne (85), la Suisse (74), la Roumanie (74), la France (73), la Chine (72) sont des pays à grands réseaux.

36 VANDEVELDE K. – United States Investment Treaties: Policy and Practice, Kluwer Publisher, 1992, p.9

SECTION II

- Les dispositions principales des traités