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Les critères restrictifs de la définition

SECTION I L’intégration de concepts économiques dans la réglementation juridique des investissements directs à

A. La juridicisation de notions économiques

1. Le concept d’investissement

1.2 Les critères restrictifs de la définition

Dans la réalité économique plusieurs accords d'investissement prévoient diverses restrictions pour limiter l'ampleur de la définition de l'investissement. Parmi les plus fréquentes employées dans les accords on peut citer la mention qui prévoit que l'investissement est couvert par l'accord seulement s'il correspond aux lois du pays d'accueil. Par exemple, dans le traité bilatéral type utilisé par la Chine, dans l'article 1.1, il est prévu que « le terme investissement signifie tous les types d’avoirs investis par les investisseurs d'une partie contractante, en conformité avec les lois et réglementations de l'autre partie contractante, sur le territoire de cette dernière […]64 ».

Ainsi, pour les accords qui prévoient cette restriction, si l'investissement n'a pas été établi conformément aux lois et réglementations du pays, il ne pourra entrer dans la définition de l'investissement mentionnée dans l'accord.

Une autre alternative conceptuelle prévoit l'existence d'une clause distincte qui indique qu'un accord s'appliquera seulement aux investissements réalisés en conformité avec les lois et les réglementations du pays d'accueil ou qui ont été approuvés préalablement par les représentants du gouvernement de ce pays65.

1.2.1 La durée de l'investissement

Une autre catégorie de restrictions imposées à la définition de l'investissement fait référence à la date de la signature de l'accord ou à

la date de son entrée en vigueur66, pour exclure des droits tout

64 CNUCED (1999) – op.cit.p.14

65 l'Accord ASEAN pour la promotion et la protection des investissements, art.II(1) 66 On pourrait donner comme exemple l'article 9 du Traité bilatéral entre l'Allemagne et Sri Lanka, qui prévoit que « le présent Traité s'appliquera à tous les investissements

investissement réalisé avant cette date67. Ce type de restriction est

employé parfois par les pays en développement qui cherchent à exclure des avantages accordés les investissements établis sur leur territoire avant l'entrée en vigueur de l'accord de protection. Il s’agit d’éviter un effet d’aubaine qui profiterait indûment aux investissements antérieurs au traité68.

Une autre raison pour expliquer cette tendance à exclure les investissements préexistants des avantages financiers résultant de l’accord est, sans doute, sa licéité69, quand un nouvel accord remplace

d’anciens traités qui donnaient à l'investisseur le droit de choisir entre différents régimes internationaux70.

D'un autre côté, l'exclusion d'un investissement préexistant pourrait mécontenter les investisseurs qui se verraient placés dans une position désavantageuse vis-à-vis des investisseurs qui établiront des investissements après l'entrée en vigueur d'un accord. L’exclusion des investissements préexistants pourrait ainsi nuire à la crédibilité d'un pays hôte au regard de ses promesses d'octroi d’un climat favorable aux investissements71. Malgré cela certains accords n’hésitent pas à prévoir

l’exclusion des investissements antérieurs comme le montre cette clause insérée spécialement pour exclure tous les investissements réalisés avant l'entrée en vigueur de la Loi indonésienne no.1 du 1967, concernant l'Investissement du Capital Etranger72 : « les droits et les

obligations des parties contractantes concernant les investissements réalisés avant le 10 janvier 1967 ne devront être affectés d'aucune manière par les clauses du présent accord73 ».

réalisés le 8 novembre 1963, ou après cette date, par des nationaux ou des compagnies des parties contractantes, dans le territoire de l'autre partie contractante, en accord avec la législation de cette dernière. »

67 CNUCED (1999) – op.cit.p.15 68 OMC/WTO (1998) – op.cit.p.8 69 CNUCED (1999) – op.cit.p.17 70 CNUCED (1999) – op.cit.p.18 71 OMC/WTO (1998) – op.cit.p.10 72 CNUCED (1999) – op.cit.p.20

A l’opposé de cette option réductrice, la plupart des accords bilatéraux d’investissement ne mentionnent pas l'exclusion des investissements préexistants. Au contraire, certains précisent clairement qu'ils s’appliquent même à ces investissements : « le présent accord devrait s'appliquer aussi aux investissements dans le territoire d'une partie contractante réalisés conformément aux lois et règlements du pays, par l'investisseur de l'autre partie contractante, existants déjà à l'heure d'entrée en vigueur du présent accord74 ».

1.2.2 La nature de l'investissement

Une autre catégorie de limites fait référence à l'exclusion des investissements qui ne sont pas des investissements directs, comme le sont les investissements de portefeuille. Dans ce cas de figure il peut être ainsi mentionné que le terme investissement devrait faire référence aux « investissements réalisés dans le but d'établir des relations économiques durables entre l'investisseur et la compagnie, et qui offriront à l'investisseur la possibilité d'exercer une influence significative dans la gestion de la compagnie concernée75 ». Une telle

restriction peut se trouver insérée dans un accord destiné à faciliter les flux des investissements internationaux, quand le pays d'accueil veut attirer les investissements étrangers, mais pas nécessairement des investissements de portefeuille, dont le pays d'accueil craint les effets préjudiciables éventuels76.

Dans ce contexte, il faut mentionner d'autres définitions qui parfois n'apparaissent pas dans des accords bilatéraux, comme la définition du FMI pour les investissements directs étrangers présentée

plus haut77. En même temps, la définition de l'OCDE « recommande

qu'une entreprise d'investissement étranger soit définie comme une

74 Traité bilatéral entre l'Estonie et la Suisse, article 6

75 Traité bilatéral entre la Pologne et le Danemark, article I(1(b)) 76 OMC/WTO (1998) – op.cit.p.12

entreprise dans laquelle l'investisseur étranger détient 10 % ou plus des actions ordinaires ou du pouvoir de vote78 ».

Un accord d'investissement peut toutefois inclure un investissement de portefeuille, s'il est à long terme. Dans ce cas, l'élément le plus important qui est pris en compte n'est pas le degré d'influence de l'investisseur dans la gestion de la société, mais la durée de l'investissement.

Par exemple, la Convention pour établir la Compagnie pour la garantie des investissements entre les pays arabes79, définit ainsi les

investissements éligibles pour être assurés par la Compagnie :

« (1) Les investissements éligibles pour être assurés incluent tous les investissements réalisés entre les pays participants, aussi bien les investissements directs (inclusivement des entreprises et leurs branches ou agences, propriété d'une partie du capital, et propriété immobilière), que les investissements de portefeuille (inclusivement actions et obligations).

Les investissements éligibles incluent aussi des crédits pour un terme dépassant trois ans, mais aussi des crédits à court terme que le Conseil pourrait décider de traiter, dans des situations exceptionnelles, comme éligibles.

(2) Pour identifier les investissements correspondants aux objectifs annoncés dans le paragraphe précèdent, la Compagnie prendra en compte les directives du FMI sur la définition des actifs et des passifs à long terme, dans le contexte de la préparation statistique de la balance des paiements80 ».

Bien que les investissements à court terme ne soient pas exclus, cette définition marque clairement sa préférence pour les

78 OCDE - Benchmark Definition of Foreign Direct Investment, Paris, 1996, p.8

79 Convention of Inter-Arab Investment Guarantee Corporation, art. 15, www.iaigc.org 80 CNUCED ( 1999) – op.cit.p.23

investissements à long terme, qui devraient être précisés comme tels dans un accord d'investissement.

1.2.3 La taille de l'investissement

Une autre catégorie de restrictions fait référence à l'exclusion d'un investissement en raison de ses dimensions. Par exemple, le Code d’investissement de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs81, précise « que le volume minimal d'un investissement est fixé à

un million de dollars US ou à l'équivalent ». Ce genre de précision peut apparaître dans des accords de promotion des investissements étrangers où il est considéré que seul un investissement d'une ampleur déterminée mais importante pourra apporter des bénéfices significatifs au pays d'accueil82.

Toutefois, beaucoup de pays sont ouverts aux investissements réalisés par des entreprises de taille petite et moyenne, ce qui fait que ce type de restriction n'est pas inséré fréquemment dans les accords. Cela explique qu’une grande majorité de pays ne soit pas en faveur d’une mention relative à la taille de l'investissement dans les accords qu’ils passent.

1.2.4 Le secteur de l'économie

En ce qui concerne le secteur économique, il est possible que la définition du terme investissement soit limitée seulement à certains secteurs d'activité. Par exemple, dans le Traité pour l’Energie, il est

précisé que : « le terme « investissement » se réfère à tout

investissement associé à une activité économique dans le secteur énergétique ou à des investissements ou des catégories

81 Investment Code of the Economic Community of the Great Lakes Countries, art.15 82 CNUCED (1999) – op.cit.p.24

d'investissements mentionnés par une partie contractante dans son domaine, […], et notifiés ainsi au secrétariat83 ».

Dans cette situation particulière, l'accord est manifestement destiné à couvrir un secteur d’activité déterminé, en l’occurrence le secteur énergétique, et toutes ses clauses sont limitées audit secteur.

Il n'est pas exclu pourtant que dans certains accords, surtout ceux qui libéralisent et encouragent les flux internationaux d'investissements, un pays d'accueil puisse désirer par une clause particulière étendre éventuellement le champ d’application initial de l’accord, alors qu’il était dans un premier temps limité à des investissements réalisés seulement dans un secteur de l'économie84.

Une telle approche est illustrée dans l'Accord général pour le commerce des services (GATS), où, au lieu de restreindre le champ d’intervention de l'investissement, il est permis aux Etats signataires, dans l'article XVI, d'opter pour des engagements sectoriels pour l'extension de l'accord dans les domaines désirés par l'Etat concerné.

1.2.5 Des définitions alternatives

A côté des définitions classiques que nous venons de voir, fondées sur l'actif de l'entreprise, il existe des définitions alternatives qui prennent en compte la notion d'entreprise commerciale et le critère du contrôle des intérêts dans cette entreprise. Un exemple en ce sens est constitué par l'Accord de libre commerce entre le Canada et les Etats- Unis85, qui inclut dans la définition du terme investissement la

création ou l'acquisition d'une société commerciale, ou d'une part de capital dans une entreprise ou société commerciale, qui offre à

83 CNUCED – International Investment Instruments : A Compendium, « The Energy Charter Treaty and Annexes to the Energy Charter Treaty (1994) », UN publications, 1996,vol. II, p.549

84 CNUCED (1999) – op.cit.p.17

l'investisseur le contrôle sur l'entreprise en question. Bien que la plupart des définitions fondées sur l'actif de l'entreprise soient habituellement plus larges que celles fondées sur la notion d’entreprise, en pratique, avec les restrictions employées, on constate un rapprochement considérable86 entre ces deux possibilités. Ainsi est-il

parfois difficile de faire la différence entre les deux.

D'abord, dans la définition fondée sur le critère de l'actif, nous retrouvons la notion de firme, sans qu’il soit possible de préciser s’il s'agit ou non d'une société commerciale. Le terme de société commerciale est sans doute plus restreint que celui de « firme », mais comme nous l'avons vu, dans beaucoup d'accords il existe des restrictions imposées à la définition généralisée de l'investissement avec la volonté d’inclure dans le champ de l'accord les seuls investissements établis dans un but commercial.

Deuxièmement, si on fait référence à l'Accord entre le Canada et les Etats-Unis, celui-ci se réfère à des investissements directs, ce qui exclut les investissements de portefeuille. Toutefois, les définitions fondées sur les actifs, peuvent limiter parfois la notion d'investissement, en excluant différents types d'investissement, notamment les investissements de portefeuille87.

Une autre alternative à la définition détaillée de l'investissement fondée sur les actifs consiste à omettre la définition générale et à inclure à la place une énumération des transactions couvertes par l'investissement en question88.

Un exemple, en ce sens, se trouve dans le Code de libéralisation de mouvements de capitaux de l'OCDE, où les termes « investissement » et « capital » ne sont pas réellement définis, mais où existe dans l'Annexe A une liste des mouvements de capitaux à libéraliser. Cette

86 OMC/WTO – op.cit.p.13

87 CNUCED ( 1999b) – op.cit.p.19 88 CNUCED ( 1999b) – op.cit.p.21

liste est assez longue et elle inclut une large variété des mouvements de capitaux, parmi lesquels se trouvent aussi les investissements directs89.

Une autre alternative rencontrée dans les instruments juridiques concerne une définition de l'investissement fondée sur la transaction90. Elle est différente du point de vue conceptuel de la définition fondée sur l'actif. Le Code de l'OCDE par sa nature s'applique aux transactions, pas aux actifs. Parce que le Code a comme objectif principal la libéralisation des mouvements de capitaux, sa conception de l'investissement prend en compte seulement les transactions concernant la mise en place et la liquidation d'un investissement, mais pas la protection des biens.

C'est sur cet aspect que surgit la distinction entre les deux définitions, et on pourrait rejoindre ainsi l’idée énoncée plus haut que la définition de l'investissement devrait être dépendante de l'objectif de l'accord, soit pour libéraliser, soit pour protéger l'investissement.