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Le concept d’entreprise multinationale en droit international

SECTION II- Les protagonistes du processus d’investissement: les entreprises multinationales et les Etats

A. Les entreprises multinationales

1. Le concept d’entreprise multinationale en droit international

Les entreprises multinationales et leurs activités se caractérisent par une extrême diversité, ce qui rend difficile de parvenir à une définition de cette notion : « La définition de l’entreprise multinationale, également appelée firme multinationale – ou même transnationale si on accepte le terminologie du Centre des Nations Unies sur les sociétés transnationales (CNUCED), qui a œuvré pendant une vingtaine d’années pour en suivre l’évolution - n’a jamais fait l’objet d’un accord entre les chercheurs, ni même entre les organisations internationales217 ».

Malgré l'accroissement rapide des investissements directs étrangers pendant les premières années qui ont suivi la Seconde Guerre

mondiale, jusqu'aux années 60, il n'existait aucune théorie sur la production internationale ou sur les entreprises multinationales218.

Les premières tentatives pour identifier le phénomène multinational se situent dans les années 50 du XXe siècle, lorsqu’il est

défini comme « une grande unité interterritoriale » par « un ensembles organisé des moyens situés sur plusieurs territoires nationaux et contrôlés par un centre de décision unique capable d’autonomie à l’égard du marché219 ».

A partir des années 60, avec l’expansion des multinationales américaines en Europe, les économistes commencent à s’intéresser à l’investissement direct et tentent d’en expliquer l’origine. C'est depuis l'étude de Hymer menée en 1960 - mais publiée seulement en 1976 - qu’on assiste à un afflux de littérature économique internationale et de différentes explications concernant l'apparition et le développement d'une entreprise multinationale, en essayant de justifier les raisons pour lesquelles la production internationale serait choisie au détriment de l’exportation220. Il est important d'insister une fois de plus sur le rôle

crucial joué par Stephen Hymer221 qui a développé le premier les

fondements d’une théorie de la multinationalisation fondée sur les imperfections du marché, dans l’organisation industrielle. Le postulat en est simple : « toute firme s’implantant dans un pays étranger est désavantagée par rapport aux firmes locales. L’entreprise doit surmonter les coûts supplémentaires pour la production étrangère222.

218 MUCHIELLI J.-L.– Les firmes internationales, mutations et nouvelles perspectives, Ed. Economica, Paris, 1985, p.21-22

219 BYE M. – « L’autofinancement de la G.U.I. et les dimensions temporelles de son plan », Revue d’Economie Politique, no.67, mai-juin 1957 ; dans TERSEN D ; BRICOUT JL – L’Investissement international, Ed. Armand Colin, Paris, 1996, p.59-73

220 HOOD N., YOUNG S.- The Economics of Multinational Enterprise, Longman Ed. London,1979; DUNNING J. – Multinational Enterprises and the Global Economy, Addison-Wesley Ed; New York, 1993

221 HYMER S. – The International Operations of National Firms, The MIT Press, Cambridge, 1976

222 HYMER S. – op.cit.

Ces coûts sont générés par nombreux facteurs: barrières linguistiques et culturelles, pratiques juridiques et goûts des consommateurs différents, possibilité de

Pour que l’investissement soit possible et rentable, la firme doit posséder un avantage spécifique sur ses concurrents locaux et cet avantage doit être transférable internationalement. Or « l’avantage spécifique trouve sa source dans les imperfections du marché, qui constituent des barrières à l’entrée pour des nouveaux venus223 ».

Prolongeant l’analyse de Hymer, Kindleberger224 recense quatre

formes d’imperfections :

• Sur les marchés des produits : techniques particulières de marketing, image de marque, différenciation des produits, etc ; • Sur les marchés de facteurs : accès privilégié aux marchés de

capitaux, détention exclusive d’une technologie, méthodes de gestion du personnel, etc ;

• La possibilité d’exploiter des économies d’échelle internes ou externes ;

• Les politiques interventionnistes des gouvernements.

En conséquence, l’existence d’au moins une parmi ces formes d’imperfection permet à une firme d’avoir un avantage sur une autre. Ayant comme point du départ les imperfections du marché, différents auteurs présentent l’environnement concurrentiel comme une source d’avantages comparatifs pour l’entreprise multinationale.

La recherche des différents avantages spécifiques comme variables explicatives de la multinationalisation a fait l’objet de

nombreuses études. Pour Lall225 les facteurs technologiques et de

différenciation des produits expliquent l’expansion des multinationales

discrimination à l’égard des firmes étrangères, coûts d’opération de la filiale à distance, etc.

223 TERSEN D ; BRICOUT JL – op.cit.p.60

224 KINDLEBERGER C.P. – American Business Abroad : Six Lectures on Direct Investment, Yale University Press, 1969

225 LALL S. – « Monopolistic Advantages and Foreign Involvement by US Manufacturing Industry », Oxford Economic Papers, 1980, no.32, p.102-122

américaines à l’étranger, tandis que Horst226 fait apparaître une

corrélation directe entre la taille de l’entreprise et sa propension à investir à l’étranger.

Un cadre d’analyse plus élaboré de l’investissement international a été développé par le modèle du cycle de vie du produit, qui reprenait implicitement la notion d’avantage technologique de la firme. Ce modèle développé par Vernon227 « est une première explication dynamique de la

relation entre commerce et investissement à l’étranger, combinant à la fois des éléments d’économie industrielle et d’économie internationale228 ».

Plus tard, au milieu des années 70, Knickerbocker229 montre que le

processus de multinationalisation est déterminé par la structure du marché du pays d’origine et par le comportement oligopolistique de la firme dominante. Ses travaux ont été prolongés pour expliquer les investissements européens aux Etats-Unis, dans une variante du modèle de réaction oligopolistique consistant en la « multinationalisation par échange de menaces230 ».

Il s’agit d’un phénomène de réaction constituant « une réponse directe de l’entreprise européenne à l’investissement initial de la firme américaine en Europe, qui serait menacée à son tour sur son propre marché, le degré de réaction étant en fonction de la concentration industrielle. A terme, ce comportement de représailles doit permettre une stabilisation de l’oligopole multinational231 ».

226 HORST T. – « The Industrial Composition of US Export and Subsidiary Sales to the Canadian Market », American Economic Review, 1972, no.62, p.37-45

227 VERNON R. – « International Investment and International Trade in the Product Cycle », Quarterly Journal of Economics, 1966, no.80, p.190-207

228 TERSEN D ; BRICOUT JL – op.cit.p.62

229 KNICKERBOCKER F.T. – Oligopolistic Reaction and the Multinational Enterprise, Cambridge, Hardvard University Press, 1973

230 GRAHAM E.M. – « Transatlantic Investment by Multinational Firms: a Rivalistic phenomenon », Journal of Post Keynesian Economics, no.1, 1978

D’autres auteurs ont amélioré le modèle économique de base sur l’activité à l’international d’une entreprise, en introduisant des hypothèses plus réalistes, notamment en ce qui concerne les mouvements des capitaux et de barrières à l’échange232.

Dans les années 80, suivant les développements des nouvelles

théories du commerce international233, il est considéré que le

déterminant de l’investissement direct passe par la mise en évidence du rôle de l’internationalisation des activités et des problèmes d’information entre agents. Ethier234 montre ainsi que « la présence de

multinationales est liée au degré d’incertitude auquel sont confrontés les agents, et que la similitude des dotations factorielles favorise

l’investissement mutuel entre deux pays ». Le concept de

l’internalisation avait été conçu quelques années plus tôt, lorsque son auteur235 avait souligné l’importance des coûts de transaction, c’est-à-

dire des coûts « liés à la recherche de l’information dans un

environnement imparfait.

Sur l’importance pour le processus d’investissement du coût de transaction, quelques arguments significatifs ont été mentionnés au chapitre précédent. Cependant, du point de vue de l’entreprise multinationale, « en ayant recours au marché, une firme doit prendre en charge des coûts de négociation de contrats, de conclusion et de surveillance de leur application. Si les coûts de transaction sont supérieurs au coût de création d’un marché interne, le firme internalisera les transactions au sein de son organisation236 ».

232 PURVIS D.D. – « Technology, Trade and Factor Mobility », The Economic Journal, no.82, 1972, p.327

233 KRUGMAN P. – « The New Theories if International Trade and the Multinational Enterprise », in KINDLEBERGER C.P. – The Multinational Corporation in the 1980s, MIT Press, Cambridge, 1983

234 ETHIER W.J. – « The Multinational Firm », Quarterly Journal of Economics, nov.1986

235 COASE R.H. – « The Nature of the Firm », Economica, no.4, nov.1937, p.386-405 236 TERSEN D.; BRICOUT JL.- op.cit.p.66

Ce concept, repris dans les années 70, a conduit à l’élaboration d’une théorie de la firme fondée sur trois postulats :

• « L’objectif de la firme est de maximiser son profit dans un univers de concurrence imparfaite ;

• La firme crée son propre marché interne afin de contourner les imperfections existant sur les marchés de biens intermédiaires ;

• L’internalisation des marchés à travers les frontières nationales génère les multinationales237 ».

Il est intéressant de remarquer que l’aspect le plus important de cette théorie est d'identifier les situations dans lesquelles les marchés de produits intermédiaires peuvent être internalisés, y compris les interventions gouvernementales, les inégalités entre les acheteurs et les vendeurs, l'incapacité du marché à assurer un contrôle suffisant sur la qualité des produits finis, etc.

La plupart des publications spécialisées parues par la suite, concernant les explications données sur la production internationale, ont suivi dans le même sens cette théorie du coût d'internalisation des

transactions238. Pour Rugman, « l’internalisation est une théorie

générale de l’investissement direct239 ».

Les analyses antérieures de la multinationalisation, notamment celles développées à partir des imperfections de marché, du cycle de vie du produit et des comportements oligopolistiques défensifs, peuvent être insérés dans le paradigme général de l’internalisation : « la firme peut être considérée comme une alternative au marché pour réduire les

237 BUCKLEY P.J., CASSON M. – The Future of the Multinational Enterprise, McMillan Ed, London, 1991

238 TEECE D.J. – « Transaction Cost Economics and the Multinational Enterprise », in Journal of Economic Behaviour and Organisation, 1986, p.21-45

239 RUGMAN A.M. – Inside the Multinationals: the Economics of Internal Market, Croom Helm Publisher, London, 1981

coûts de transaction. Sa multinationalisation est le moyen de conserver l’avantage spécifique acquis dans le pays d’origine, et les filiales sont intégrées à la société mère pour former un marché interne à l’échelle mondiale240 ».

A la même époque, Dunning cherche à intégrer cette analyse aux autres théories de l’investissement international. Selon son opinion, « une firme investira à l’étranger si trois conditions sont satisfaites :

• La firme doit détenir un avantage spécifique, qu’elle va exploiter sur le marché étranger ;

• Cet avantage doit lui permettre à développer ses activités ; • La firme optimisera cet avantage en arbitrant entre les différents choix de localisation possibles241 ».

Ces trois arguments font explicitement référence respectivement à la théorie de l’économie industrielle, à la théorie de l’internalisation et à la théorie de l’échange international : « l’approche se veut éclectique car elle recouvre toutes les formes d’exploitation des marchés étrangers selon la nature des avantages en présence242 ».

Vers la fin des années 80 on a assisté à l’élaboration de théories plus généralistes sur les activités des multinationales, activités qui ne seront plus des réponses indépendantes à la concurrence, mais « un moyen pour réaliser des réseaux étendus en vue d’accroître l’efficacité de toutes leurs filiales243 ». Plus particulièrement, ces théories montrent

qu’en s’internationalisant, les entreprises augmentent leur pouvoir sur le marché.

240 TERSEN D.;BRICOUT JL. - op.cit.p.66

241 DUNNING J.H. – International Production and the Multinational Enterprise, George Allen &Unwin Publishing, London, 1981

242 TERSEN D.;BRICOUT JL. - op.cit.p.68

243 CANTWELL J.A. – « A Survey of Theories of International Production », in PITELIS C.N., SUGDEN R. - The Nature of Transnational Firm, Routledge, London, 1991, p.16-63

Cette idée s’est retrouvée aussi dans des ouvrages publiés récemment, qui soulignent de nouveau que « l'activité des entreprises multinationales est un moyen d'augmenter non seulement le pouvoir sur le marché, mais aussi le profit244 ». Comme nous l’avons constaté,

les auteurs cherchant à expliquer l'existence et la croissance des entreprises multinationales se sont orientés plutôt vers la dimension de la firme que vers un facteur macroéconomique, comme cela a été le cas pour la théorie du commerce international245.

Une explication complète de l'activité de l'entreprise multinationale devrait néanmoins tenir compte à la fois de la localisation ou des facteurs géographiques (qui sont en l’occurrence le domaine de la théorie classique et neo-classique du commerce) et de facteurs prenant en compte l'appartenance ainsi que les éléments organisationnels. De ce fait les explications les plus raisonnables, de date plus récente, pour expliquer l'émergence des firmes multinationales lient la théorie de la firme avec la théorie de la localisation de l'entreprise246.

Les incitations pour se délocaliser sont variables et très diverses, des barrières tarifaires ou non tarifaires qui entravent le commerce aux politiques gouvernementales favorables à l'implantation sur leur territoire247.

En général la modalité choisie pour pénétrer un marché étranger dépend du secteur d'activité de l'entreprise et souvent elle est assez limitée. Dans les secteurs de haute technologie, les sociétés peuvent

244 NEWFARMER R.S.- Profits, Progress and Poverty: Case Studies of International Industries in Latin America, University of Notre Dame de Press, 1985; COWLING K., SUDGEN R.- Transnational Monopoly Capitalism, Brighton, 1987; PITELIS C.N., SUGDEN R. – The Nature of Transnational Firm, 1991

245 KOJIMA K. – « Japanese Direct Investment Abroad », Monograph Series, no1, Tokyo, 1990

246 WHEELER D.; MODY A. - « International investment location decisions: the case for US firms », Journal of International Economics, no.33(1), 1992, p.57–76

247 WILLIAMSON O. E. - « The modern corporation: origins, evolution, attributes »; Journal of Economic Literature, no.19, 1981, p.161–175

devenir des multinationales le lendemain de leur création248. Dans les

autres domaines industriels, il y a des exemples d’entreprises qui se sont internationalisées aussi tôt qu’elles se sont engagées dans le commerce international. En particulier pour les petites et moyennes entreprises, a été entamé un véritable processus évolutionniste à l’international, facilité par l'exportation de leurs produits par le recours à des agents ou à des distributeurs ou par l'établissement de filiales de ventes ou encore de production à l'étranger249.

Les études empiriques ont montré que l’internationalisation linéaire des entreprises a été remplacée fréquemment par des paliers d’expansion, notamment pour les petites et moyennes entreprises, ou pour les compagnies oeuvrant dans des secteurs de haute technologie250.

D’après la théorie économique, pour s’internationaliser, ces entreprises ciblent d’abord les marchés étrangers vis-à-vis desquels elles estiment avoir la moindre « distance psychique », établie en fonction de facteurs culturels, commerciaux et géographiques. Ensuite, l'internationalisation d'une entreprise, influencée par cette « distance psychique », mais aussi par les tendances de la consommation sur le marché ciblé, passe par une phase intermédiaire d'importation de biens et de services, et d'achats de licences ou de brevets251.

Pour les grandes entreprises internationales les choix de délocalisations sont différents, car leur expérience pour gérer localement plusieurs filiales ou usines peut être transférée à l'étranger. Dans plusieurs cas, l'implantation sur un autre marché ne fait ainsi

248 WOODWARD D. P. - «Locational determinants of Japanese manufacturing start- ups in the United States », Southern Economic Journal, no. 58, 1992, p.690–708 249 WHEELER D.; MODY A. – op.cit.p.65

250 ETHIER W.; MARKUSEN J. R. - « Multinational firms, technology diffusion and trade », Journal of International Economics, no.41, 1996, p.1–28

251 BELL J., YOUNG S. – “Towards an Integrative Framework of the Internationalisation of the Firm”, in Internationalisation: Process, Context and Markets, St. Martin’s Press, New York, 1998

que reproduire les activités réalisées sur le territoire national et prolonger le cycle de fabrication par l'exportation des produits de la société mère aux filiales établies dans d'autres pays252.

A la suite des nombreux travaux de recherches menés sur le phénomène de la multinationalisation des entreprises, a émergé une littérature prolifique sur la définition de l’entreprise multinationale.

Au sens économique du terme, pour qu’une entreprise soit qualifiée de « multinationale », une des conditions nécessaires, mais non suffisante, est sa présence dans plusieurs pays. Dans cette optique, il faut qu'il y ait une unité d'action à l'échelle internationale, sinon on ne saurait parler d'une entreprise unique. Cependant, les auteurs s'accordent sur deux éléments complémentaires qui, ajoutés à la première condition de présence dans plusieurs pays, suffisent à caractériser la multinationalité. Il s'agit d’une part de la mise en

commun de ressources et de la mise en œuvre d'une stratégie coordonnée, d'autre part.

Ainsi, dans la définition proposée par Morin, une entreprise multinationale serait « un ensemble formé par une société mère (appelée généralement holding du groupe) et les sociétés filiales placées sous son contrôle. La société mère est donc avant tout un centre de décision financier, alors que les sociétés placées sous son contrôle ne sont, la plupart de temps, que des sociétés exploitantes. Aussi le rôle essentiel d’une société mère est-il l’arbitrage permanent des participations financières qu’elle détient en fonction de la rentabilité des capitaux

engagés253 ». Le professeur Michalet présente de son côté la firme

multinationale comme « une entreprise (ou un groupe), le plus souvent de grand taille, qui, à partir d’une base nationale, a implanté à

252 MARKUSEN J. R.; VENABLES A. J. - « Multinational firms and the new trade theory », Journal of International Economics, no.46, 1998, p.183–203

253 MORIN F. – La structure financière du capitalisme français, Ed.Calman-Levy, Paris, 1974

l’étranger plusieurs filiales dans plusieurs pays, avec une stratégie et une organisation conçues à l’échelle mondiale254 ».

L’intérêt de ces approches tient à ce qu’elles annoncent déjà l’importance des stratégies à dominante financière des multinationales contemporaines.

Selon une autre approche, l'entreprise multinationale peut être définie comme « une entreprise qui détient (entièrement ou en partie), un contrôle et gère des activités créatrices de valeurs ajoutées (vall-

adding) dans plusieurs pays. Pour réaliser ses objectifs elle s'engage

dans des activités de production ou de services au-delà des frontières nationales, activités financées par l'investissement direct à

l’étranger255 ». Le point d’intérêt de cette définition concerne le

déploiement des activités de valeur ajoutée de l'entreprise dans au moins deux pays. Mais l'élément essentiel des opérations multinationales est l'investissement direct à l'étranger, par opposition aux investissements de portefeuille, qui donnent le pouvoir de contrôle sur le processus décisionnel dans l'entreprise étrangère.

Dans le même sens, selon les professeurs Juillard et Carreau, les

entreprises multinationales « réalisent la quasi-totalité des

investissements internationaux, et elles sont à l’origine de l’essentiel des paiements internationaux256 ». Le professeur américain John Dunning

caractérise l'entreprise multinationale comme « l'orchestrateur d'un ensemble d’actifs dispersés géographiquement, mais interdépendants257 ». Ces relations et activités en réseau constituent

une des caractéristiques significatives des stratégies des firmes multinationales modernes.

254 MICHALET C.A. – Les Multinationales face à la crise, IRM, Lausanne, 1985, p.11 255 HOOD N. , YOUNG S. – op.cit.p.23

256 JUILLARD P.; CARREAU D. – op.cit.p.32

257 DUNNING J. H. – « Reappraising the Eclectic Paradigm in an Age of Alliance Capitalism », Journal of International Business Studies, no. 26, 1995, p. 461-491

L’évolution de la science économique dans la connaissance de l’entreprise multinationale a été accélérée par le processus d’expansion des firmes multinationales à l’échelle mondiale. En ce qui concerne le droit, malgré un certain décalage, il a essayé de s’adapter à cette

évolution258. Le droit international public s’est intéressé assez

récemment à ce phénomène et son évolution a été due en grande partie aux débats politiques et diplomatiques des années 70.

A l’époque, la quasi-totalité des entreprises multinationales était originaire des pays développés à économie libérale et, dans l’esprit de la guerre froide, elles étaient considérées ailleurs comme des instruments d’exploitation économique et de domination politique. Depuis, les choses ont changé et les multinationales sont devenues le produit direct de la libéralisation de l’économie internationale, mise en place par tout le réseau conventionnel qui n’a cessé de se développer depuis la fin de la deuxième guerre mondiale259.

Pour les juristes le terme « multinational » est employé pour désigner une personne titulaire de plusieurs nationalités. Mais pour les entreprises, en réalité, ce terme ne désigne que leur activité déployée dans plusieurs pays, et non le rattachement à plusieurs Etats. Ce déploiement caractérise l’existence d’unités productives à l’étranger, unités qui ont été réalisées à la suite d’investissements.

Dans le cas contraire, lorsque l’entreprise n’est pas installée sur un marché, et qu’elle est seulement représentée par le biais de représentations commerciales, elle n’est pas considérée comme une multinationale, car sa présence ponctuelle ne nécessite pas les aménagements structurels qui sont précisément caractéristiques d’une entreprise multinationale260 ».

258 GOLDMAN B.; FRANCESCAKIS P.(sous la direction de) - L’entreprise multinationale face au droit, Ed. Litec, Paris, 1977, p.80-129

259 JUILLARD P.; CARREAU D. – op.cit.p.33 260 MERCIAI P. – op.cit.p.29

Le qualificatif « multinational » fait référence à la structure de l'entreprise, car « c'est elle qui pose au droit les plus grands problèmes, en raison du cloisonnement entre ordres juridiques nationaux261 ». Par

contre, la taille de l’entreprise n’entre plus dans les critères d’évaluation, d’autant plus que du point de vue comptable et fiscal, les petites entreprises soulèvent les mêmes problèmes que les grandes. De toute manière, l’expérience des dernières années nous a montré que les