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4.5.1 Approche basée sur l’acceptation des communautés locales

4.5.1.1 La stratégie de transfert du risque à des organisations et à du personnel local

Une évaluation de l’accès physique aux régions d’insécurité menée par une organisation humanitaire pour le compte des Nations Unies a montré que les ONG nationales ont un accès physique beaucoup plus grand que les ONG internationales qui ont elles-mêmes un accès plus grand que les organes des Nations Unies. Le risque est ainsi transféré par les organes des Nations Unies et certaines ONG internationales à des ONG et associations locales partenaires qui sont créées et animées par les fils et filles des populations affectées, ayant une bonne expérience dans le développement local, avec une parfaite connaissance physique et des pratiques socioculturelles des populations de la zone. « Ces

acteurs sont plus familiarisés et mieux connus par les habitants de la région et peuvent davantage faciliter les relations de travail avec la communauté locale » (E12).

Les organisations internationales et des Nations unies établissent donc des partenariats avec ces structures locales qui ont moins de problèmes d’accès aux populations vulnérables auxquelles elles appartiennent le plus souvent, pour la réalisation concrète des programmes. Ce partenariat s’établit aussi avec des prestataires privés locaux, notamment des transporteurs de la zone d’intervention. « Si

vous prenez un transporteur de Ouagadougou (capitale du Burkina Faso) pour convoyer des produits jusqu’à Soum (localité de la région du sahel très attaquée), ce n’est pas sûr qu’il va arriver » (E1). Par

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exemple « nous devrions faire une distribution à Gorom-Gorom (localité de la région du sahel), mais

avant d’y arriver il faut traverser un cours d’eau. Ne pouvant pas traverser le cours d’eau avec le camion chargé de vivres, le transporteur que nous avons fait venir de Ouagadougou était contraint de décharger les vivres au bord du cours d’eau et faire appel à des conducteurs de motos tricycles pour assurer le transport jusqu’à destination. Mais ces derniers ont subi une attaque sanglante pendant le transport qui a couté la vie à 15 conducteurs et un seul a été laissé en vie pour témoigner de leurs mésaventures. Les vivres ont ensuite été brulés par les assaillants qui s’exclament ne rien vouloir des institutions occidentales. Cet incident a entrainé l’arrêt des distributions à cause du problème d’accessibilité » (E1).

À cause des contraintes d’accès, les organisations sont désormais dans une dynamique du « faire- faire », qui est une approche de délégation. Ces organisations évoluent ainsi en consortium. C’est-à- dire, que la dimension technique de la mise en œuvre des projets/programmes revient aux organisations internationales et celles des Nations Unies et l’exécution sur le terrain aux ONG et associations locales dans une synergie d’actions. Toutefois, certaines organisations relèvent de véritables défis dans cette stratégie. En effet, « L’absence de personnel qualifié, du matériel insuffisant,

une supervision à distance, une communication non adaptée aux besoins, ou encore des suspicions de corruption ou de liens avec les groupes armés non étatiques demeurent des défis qui peuvent affecter la qualité des opérations et limiter définitivement l’accès des organisations mandataires »

(E16). Cette stratégie de délégation à des organisations locales s’accompagne du choix du personnel local. Selon E1, « les chances de succès sont supérieures en sélectionnant du personnel possédant

déjà des réseaux d’influence pertinents et la capacité de parler les langues locales, sensible aux réalités socioculturelles et qui présentent l’intégrité requise en vue d’une intervention impartiale » (E1).

Il est donc conseillé de mobiliser des ressources humaines issues des localités affectées, qui sont des enfants de la communauté bénéficiaire, parlant les mêmes langues, appartenant à la même culture et connaissant les besoins et les difficultés des populations auxquelles ils appartiennent. Ainsi, ces personnes sont employées comme techniciens ou animateurs de projets, afin que leur intervention soit directement à l’endroit des bénéficiaires.

D’une manière pratique, « dans chaque village nous avons mobilisé des ressources humaines que

nous avons appelées personnes-ressources communautaires. Au moins deux personnes-ressources, dont un homme et une femme par quartier ensuite par village pour constituer nos intermédiaires

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d’intervention dans ces villages. Il s’agit d’avoir des répondants dans la communauté qui sont également des relais pour la diffusion ce que nous voulons faire dans le village » (E2). Cette ressource

humaine est un capital d’informations et des acteurs intermédiaires indispensables aussi bien pour les organisations que pour les bénéficiaires des différentes actions. Car, ce sont eux qui informent régulièrement les organisations sur la situation sécuritaire réelle sur le terrain, notamment les possibilités de déplacement, le niveau du risque dans le village et/ou la possibilité de mener une activité ou pas. Ce personnel est le plus souvent instruit et est chargé de collecter les informations utiles auprès des bénéficiaires, afin de les transmettre aux organisations en cas d’inaccessibilité. La mobilisation de la ressource humaine communautaire tient aussi compte du fait qu’elle soit plus permanente que celle venue d’ailleurs, « on essaie toujours de redynamiser les différents acteurs communautaires, car, notre

idée est que lorsque la situation dégénère, chacun fuit généralement pour aller chez lui. Donc si tu travailles chez toi, si ça chauffe au moins tu es chez toi. Mais si tu ne travailles pas chez toi, dès qu’il y’a un problème tu vas partir. Donc dans notre approche on fait l’effort de mobiliser les acteurs communautaires qui peuvent conduire les activités » (E9).

4.5.1.2 Stratégie de responsabilisation des communautés dans le ciblage des bénéficiaires et la mise en œuvre des activités Il s’agit de l’implication des communautés dès la sélection des personnes vulnérables, pauvres et très pauvres qui doivent bénéficier des actions des projets/programmes selon les répondants. Pour ce faire, il s’agit de mettre les communautés locales au centre depuis le ciblage des populations jusqu’à la mise en œuvre des projets et programmes. En effet, ces communautés locales ont une bonne connaissance des pratiques locales et des paramètres qui doivent être pris en compte pour l’exécution des différentes opérations, afin de répondre aux besoins réels.

Cette stratégie permet de recueillir les réelles préoccupations et une participation des populations à la réussite des opérations humanitaires et la contribution aux changements de comportements jugés négatifs dans le cadre des projets de développement. Cette stratégie permet aussi d’éviter les conflits d’intérêts. En effet, « si vous envoyez quelqu’un d’ailleurs pour faire un ciblage, s’il le fait mal, il se crée

les ennemis. Certaines communautés diront qu’il a pris telle ou telle famille, pourquoi avoir laisser une telle famille ? Elles peuvent le tuer ou lui faire du mal » (E2). Pour cela, avant la réalisation du ciblage,

les personnes-ressources sont mises en garde contre un ciblage par complaisance. Selon le discours d’un répondant à l’endroit des communautés locales à cet effet, « c’est entre vous, c’est vous qui savez

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familles pour telles ou telles raisons, ils peuvent se venger et vous savez ce qui vous attend » (E2).

Par exemple, rappelons que le conflit terroriste a entrainé une malnutrition aigüe et sévère au niveau des femmes enceintes, allaitantes et des enfants de zéro à cinq ans. Une intervention dans ce domaine spécifique requiert l’implication des femmes, notamment celles des communautés locales touchées par la crise. Une ONG internationale dans sa stratégie d’implication des communautés locales pour lutter contre la malnutrition implique les « mamans lumières ». Selon cette organisation, la maman lumière est une femme au niveau de la communauté locale qui a une longueur d’avance sur les autres à propos des bonnes pratiques nutritionnelles. Cela se constate pendant les activités d’échanges et de discussion sur des thématiques nutritionnelles. Les mamans lumières se distinguent par leur bonne compréhension des différentes thématiques évoquées, leur dynamisme et leur participation active aux différentes formations. C’est ainsi qu’elles sont choisies et formées au niveau central sur plusieurs thématiques en lien avec la nutrition, afin d’appuyer et éclairer les autres femmes au niveau local à travers des discussions et des séances de sensibilisation et le ciblage des femmes bénéficiaires. Cette stratégie d’implication et de responsabilisation des communautés locales permet d’établir des rapports de confiance, gage d’une bonne acceptation.

4.5.1.3 La stratégie d’utilisation d’une faible ou d’une absence de