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Elle est employée principalement par les organisations humanitaires internationales et se caractérise par la stratégie d’utilisation des escortes militaires. Cette approche est très peu utilisée au Burkina Faso, à cause des enjeux qui en découlent. Bien qu’il soit légitime pour les organisations d’avoir recours une protection armée du fait que le gouvernement burkinabè soit reconnu comme autorité légitime dans ce conflit conformément au DIH, celles-ci se ravisent dans l’application de ce droit. En effet, non seulement cette stratégie crée un sentiment de méfiance des communautés comme le confirme Vinhas (2014) vis-à-vis des organisations humanitaires, mais la présence des forces de défense et de sécurité républicaines augmente le risque d’attentats parce qu’elles sont la première cible des groupes armés. Dans certains cas cette stratégie est perçue comme un manque de confiance par les autorités locales de la part des organisations comme l’évoque Gossuin (2020) dans le cas du conflit afghan, ce qui compromet ainsi l’acceptation de l’organisation par les communautés et sa tolérance par les groupes armés (Gossuin & Ait-Chaalal, 2020). Toutefois, selon une organisation humanitaire ayant eu recours de façon ponctuelle a une protection armée, dans un contexte de terrorisme où la gestion du contexte sécuritaire est compromise par l’imprévisibilité des groupes armés et où la négociation avec ces groupes est interdite, le recours à une sécurisation armée peut être justifié si la non-assistance aux personnes met en danger la vie de ces dernières ou si l’opération met à risque les populations assistées. Une position relativisée par le réseau des pratiques humanitaires (RPH) qui est un cadre d’expression des travailleurs du secteur humanitaire qui conclut que « dans un contexte spécifique, même si une protection armée peut être justifiable, elle fragilise aussi l’image globale de l’action humanitaire dans le monde et pourrait donc donner lieu à une plus grande insécurité ailleurs ou plus tard. Avoir recours à une protection armée trop rapidement ou trop souvent compromet donc les efforts globaux visant à rétablir le respect du droit humanitaire international » (Humanitarian

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Practice Network, 2010, pp. 81-82). Cette approche qui vise à éloigner la menace selon le triangle de sécurité est très peu plébiscitée au Burkina Faso, car les organisations préfèrent ne pas être la cible d’un groupe armé à cause de leur rapprochement avec l’armée républicaine.

En résumé, toutes les organisations internationales et les ONG nationales intervenant dans le domaine de l’urgence priorisent les stratégies basées sur la recherche de l’acceptation des communautés hôtes et bénéficiaires. Car, l’établissement de bons rapports avec les communautés hôtes contribue à mieux renseigner les organisations sur la situation sécuritaire. L’approche dissuasive est particulièrement utilisée par les organisations internationales humanitaires, mais en dernier recours et les stratégies basées sur la protection sont développées par toutes les organisations, mais elles restent une priorité pour les organisations de développement, pour qui la protection du personnel une priorité absolue. Par ailleurs, tous les répondants reconnaissent unanimement que les approches stratégiques de chaque organisation ne sont pas figées, mais qu’elles évoluent constamment selon le contexte sécuritaire qui prévaut et sont parfois contradictoires comme l’admet Vinhas (2014) qui explique que « l’évolution des contextes humanitaires a mené à la théorisation de la gestion de la sécurité. Mais, dans la réalité, elle est soumise à des paradoxes inhérents, insolubles, parfois difficilement prévisibles selon les contextes » (Vinhas, 2014). Les stratégies sont donc adaptées par chaque organisation selon les activités du groupe armé présent dans sa zone d’intervention et les législations en vigueur, mais ne constituent pas des « solutions miracles » pour résoudre les problèmes humanitaires qui prévalent (Gossuin & Ait-Chaalal, 2020). Une complexité que certaines organisations abordent avec une approche intégrée. C’est-à-dire, une intervention prioritaire dans les domaines de la nutrition, l’accès à l’eau potable et aux soins de santé en plus du déroulement des projets de développement pour renforcer la résilience des ménages en privilégiant l’accompagnement des personnes vulnérables, comme le recommande Dunn qui estime que les interventions dans les contextes complexes « exigent des actions à plusieurs niveaux, une approche intégrée et la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins immédiats tout en travaillant à des solutions à long terme » (Dunn, 2018, p. 11).

En somme, si les organisations font preuve d’une bonne volonté dans le respect des principes humanitaires en évitant l’approche dissuasive bien qu’elles y ont droit, en ne s’affichant pas avec les autorités bien que cela soit légal selon le DIH, mais elles ne sont pas entièrement rassurées de la protection de leur sécurité par ces approches, car les groupes armés sont totalement imprévisibles et ne rassurent pas sur le respect du droit humanitaire international par ces derniers. Ce qui justifie

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d’ailleurs la psychose permanente du personnel et la multiplication des stratégies de protection. L’hypothèse selon laquelle les approches stratégiques développées par les organisations favorisent la mise en œuvre des programmes conformément au droit humanitaire international dans le but d’assurer la sécurité du personnel est donc partiellement vérifiée. Le déroulement de toutes ces stratégies ne favorise pas toujours une mise en œuvre efficace des programmes et elles ne sont pas non plus sans répercussions négatives. Le déploiement de certaines stratégies met les organisations devant des dilemmes. Les raisonnements adoptés face à ces dilemmes sont discutés dans la section suivante.

Les dilemmes humanitaires dans le contexte terroriste

Les organisations humanitaires sont confrontées à plusieurs sortes de dilemmes sur le terrain dans la mise en œuvre de l’action humanitaire au Burkina Faso.

5.2.1 Respect des principes humanitaires ou Collaboration avec les